Publié le 24 avril 2015 à 23h00 - Dernière mise à jour le 27 octobre 2022 à 18h50
C’est en l’absence de Michel Vauzelle qui était aux côtés du Président de la République en Arménie à l’occasion des cérémonies commémoratives du génocide arménien que s’est déroulée la plénière de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur. Une réunion lors de laquelle a été rendu un hommage aux victimes, une banderole, sur la façade de l’institution étant dévoilée à cette occasion. Auparavant Patrick Allemand, représentant le président Vauzelle et tous les groupes ont pu s’exprimer. Le FN, s’offrant un nouveau dérapage, après la négation, propose une autre stratégie comme qualifier tout, et notamment d’authentiques tragédies, de génocide. Ainsi a-t-il évoqué le «génocide» des Vendéens, des Chrétiens d’Orient, des Ukrainiens dans les années 30, des Cambodgiens par les Khmers Rouges…
Il y eu bien des crimes lors des siècles précédents et celui-ci part mal, mais seuls les Arméniens, les Juifs et les Tziganes ainsi que les Tutsis ont le triste privilège d’être des génocides, d’avoir été des groupes détruits pour la seule raison qu’ils étaient un groupe, ethnique ou religieux. De plus les génocides sont des mécanismes qui se reproduisent et qui comptent trois temps : la préméditation, l’exécution et la négation.
En revanche, forte a été l’émotion lorsque, au terme de son intervention au nom du groupe socialiste et radical, les élus se sont levés pour applaudir Garo Hovsepian. Poignant. Le Consul général d’Arménie Vartan Sirmakes, ainsi que Jacques Donabedian, co-président du CCAF Marseille-Provence et de nombreux représentants de la communauté sont invités pour participer à ce temps fort.
Patrick Allemand rappelle que le 24 avril 1905, 600 intellectuels arméniens sont arrêtés, déportés, assassinés, c’est le début du premier génocide. «1 500 000 personnes sont massacrées». De préciser : «L’Arménie compte aujourd’hui 2,6 millions habitants, les spécialistes pensent que, sans le génocide, il serait dix fois plus nombreux». Puis d’évoquer 2001, la reconnaissance par la France du génocide arménien. De rendre hommage à ses survivants qui, nombreux, sont arrivés à Marseille. «Ils ont construit des entreprises, des associations, des chorales, se sont engagés dans la vie publique. Ils sont devenus nos voisins, nos familles, nos compatriotes. Et la Région est toujours à leurs côtés pour obtenir la reconnaissance de ce génocide, par devoir de mémoire, de vérité».
«Si j’avance je meurs, si je recule je meurs. Alors pourquoi reculer»
Pour Bernard Deflesselles, groupe UMP-UDI : «Cette Commémoration du centenaire du Génocide Arménien, marque avec humilité, tendresse, compassion un moment de notre Histoire commune». Avant de replacer ce drame dans son contexte historique et d’indiquer que le mécanisme a commencé dès 1894, avec, sur une période qui s’étend jusqu’à 1896 où «200 à 250 000 Arméniens, sujets ottomans avaient déjà été tués. Un million déjà chassés et spoliés de leurs terres». Il se souvient de 2001, la reconnaissance du génocide. «Ce moment d’extrême émotion fut -je dois le dire- le plus fort de ma vie de parlementaire». Et de conclure par une définition du courage « qui s’identifie et ressemble au peuple Arménien, peuple courageux et fier : «Si j’avance je meurs, si je recule je meurs. Alors pourquoi reculer». Des bancs du FN on lance: «Et les Harkis ?»…
«La reconnaissance du génocide arménien participe à la démocratie»
Jean-Marc Coppola, au nom du groupe Front de Gauche, juge que ces commémorations «ne sont pas seulement des cérémonies qui rendent hommage à un peuple martyr». Pour lui : «La reconnaissance du génocide arménien participe à la démocratie, sa mise en place et sa revitalisation. C’est la reconnaissance pour que ces années sans patrie soient réhabilitées. Nier ce génocide revient à nier l’existence même de ce peuple, qui a pourtant été exterminé pour ce qu’il était. C’est une reconnaissance pour combattre le négationnisme et l’obscurantisme qui sévissent encore aujourd’hui et qui sont animés par la haine, la violence, le racisme et la xénophobie». Il rend hommage aux intellectuels turcs, à la part croissante de la population de ce pays qui se mobilise pour la reconnaissance, par l’État, de ce génocide. Considère : «Reconnaître un génocide, c’est œuvrer dans le sens de la reconnaissance et du respect de toutes les minorités, qu’elles soient kurdes, Roms ou chrétiennes d’Orient». Affirmant: «A cette époque, la notion d’accueil, d’asile, de solidarité était plus forte que l’indifférence et le mépris auxquels on assiste devant un autre type de massacre, celui des migrants que l’on regarde périr aujourd’hui en Méditerranée».
«Soutenir tous ceux qui, en Turquie, luttent pour lever le voile du négationnisme»
Après que le FN ait fait du FN, c’est au tour de Sophie Camard de prendre la parole, au nom du groupe EELV Partit Occitan. «Ce génocide est imbriqué dans la Première guerre mondiale. Notre région fut une terre d’accueil pour les réfugiés avant de se nourrir de ces réfugiés». Elle évoque les premiers rescapés qui arrivent en bateau à Marseille. «Marseille d’où partiront les soldats français pour combattre les forces turques lors de la première guerre mondiale». Voyant là «un destin croisé, commun, entre Français et Arméniens». «S’il est facile de condamner un pays, ajoute-t-elle, il importe aussi de voir, de soutenir tous ceux qui, en Turquie, luttent pour lever le voile du négationnisme». Puis, d’évoquer «ceux qui, à un siècle d’écart, sont menacés, souffrent, meurent en Irak, en Syrie sous les coups de Daesh : Kurdes, Alaouites, Chrétiens d’Orient…».
«La Turquie actuelle n’est ni auteur ni coupable mais elle doit assumer la continuité de son histoire»
Garo Hovsepian indique : «Depuis ce matin, en Arménie, 1,5 million de personnes partent de la capitale vers le mémorial du génocide dans un cortège ininterrompu en présence de chefs d’État, dont François Hollande et de chefs de gouvernement. Tandis que la veille les 1,5 millions de victimes ont été canonisées avant que dans toutes les églises d’Arménie et dans toutes les églises arméniennes, sur les cinq continents, les cloches ne se mettent à sonner».
Il revient à son tour sur les premiers massacres, entre 1894 et 1896, «un phénomène a été enclenché, il s’est poursuivi sous trois régimes politiques. Le génocide ne peut être nié, un génocide scientifiquement conçu et exécuté par les Jeunes Turcs. C’est le crime fondateur du XXe siècle dont nous ne cessons de demander la condamnation devant la Société des nations. Certes, la Turquie actuelle n’est ni auteur ni coupable mais elle doit assumer la continuité de son histoire». Il reconnaît à son tour: «Des intellectuels, des historiens, des journalistes brisent le tabou dans ce pays». Alors, pour lui : «Les jeunes Turcs ont perdu la bataille de la mémoire et le Président Erdogan a perdu celle du négationnisme». Et de formuler l’espoir que «ce centième anniversaire permette de transgresser les réalités politiques, les intérêts financiers car c’est un combat pour la justice qui se joue, un combat pour l’Humanité entière».
Une loi pénalisant la négation du génocide arménien
La plénière est interrompue, une banderole est dévoilée. Jacques Donabedian prend la parole, rend hommage aux 2/3 de la population arménienne qui ont perdu la vie : «Ce souvenir est une nécessité, un devoir ». Se réjouit du travail accompli par la Région, évoque l’exposition qu’accueille actuellement la Maison de la Région. Constate : «Plusieurs l’ont évoqué et c’est vrai qu’il y a un éveil en Turquie, de la part des intellectuels, de la part aussi de ceux qui découvrent leur origine arménienne et qui veulent reprendre, pour certains, leur nom». Pour lui, Marseille, capitale européenne de la diaspora «doit être exemplaire. Elle doit comprendre ce premier génocide, ceux que ressentent les Arméniens qui doivent supporter le poids du génocide, le sentiment d’injustice, le besoin de reconnaissance du crime». Et réclame, une nouvelle fois, une loi pénalisant la négation du génocide arménien.
Michel CAIRE