Publié le 1 mai 2015 à 21h00 - Dernière mise à jour le 27 octobre 2022 à 18h55
C’est un film long, lent et grave. «Le dos rouge» signé Antoine Barraud réclame de la part du spectateur un réel effort pour en pénétrer l’étrangeté mais qui, si on se laisse aller, procure un vrai bonheur visuel autant qu’émotionnel. Austère par son sujet, celui d’un cinéaste reconnu qui travaille sur son prochain film, consacré à la monstruosité dans la peinture. Il est guidé dans ses recherches par une historienne d’art avec laquelle il entame des discussions étranges et passionnées. L’œuvre est nourrie de sensualité, d’intelligence et de fausses pistes renforçant le plaisir de la découverte. On y observe une grande quantité de tableaux filmée en gros plans fixes puis analysés avec soin et une grande rigueur conceptuelle. Joué par Bertrand Bonello dans le rôle du cinéaste, qui, entouré de Jeanne Balibar, Géraldine Pailhas et Pascal Greggory qui campe un personnage (se prénommant Bertrand), crédible dans sa folie contrôlée. «Le dos rouge» est également un film sur les fantasmes et la somatisation affective. Il y a en effet cette tache rouge dans le dos que découvre Bertrand et dont il s’inquiète auprès de son ancien médecin généraliste (Barbet Schroeder). Tache ayant pour origine un trouble psychosomatique et qui aura une importance dans la manière dont le cinéaste construira son film à venir. Mêlant scènes osées et plus conventionnelles le film oscille entre hymne à l’onirisme et traité d’esthétique. Extrêmement fin, structuré en un canevas romanesque faisant la part belle aux portraits, ceux des tableaux et ceux des personnages qui les contemplent, «Le dos rouge» est un film hors des modes et hors du temps qui refuse maniérisme et propos chichiteux sur l’Art. Un beau film de surcroît filmé par Antoine Barraud dans un classicisme inventif.
Jean-Rémi BARLAND