Publié le 7 mai 2015 à 9h43 - Dernière mise à jour le 29 octobre 2022 à 13h44
«Petit fils d’Algérie» paru chez Casterman, est un très beau roman graphique de Joël Alessandra qui est resté prisonnier de sa propre histoire de famille originaire d’Italie du Sud et venue s’établir au début du 20e siècle à Constantine en Algérie pour fuir une certaine misère. Il va tenter de ressusciter, sans états d’âmes, les souvenirs de ses parents et grands-parents dans cette ville au cours d’un long voyage. «De l’Algérie, d’Alger… tout le monde en parle, encore plus les médias mais, rarement de Constantine», raconte-t-il. Cette ville antique que Joël Alessandra a visité, hanté par les souvenirs de son père, de sa famille. Cette ville qu’ils ont dû quitter, malgré eux,
à l’indépendance en 1962. En retraçant dans cet album tout un parcours personnel sur sa famille 50 ans après l’exode massif des « rapatriés d’Algérie », il a compris tout ce qui restait de cet héritage familial. Essayant tout au moins de répondre à toutes ces questions obsédantes qui l’habitaient depuis toujours: Mes grands-parents étaient-ils vraiment exploiteurs, esclavagistes, racistes? comme on le laissait dire en France. De Gaulle? L’OAS? Rester, partir en 1962 ? Ce sont toutes ces questions enfouies au fond de sa mémoire qui ont rejailli à l’idée même de tenter ce retour à Constantine, la ville de ses aïeux, de l’autre côté de la Méditerranée.
Lui le petit fils d’Algérie, né à Marseille en 1967, installé à Uzès dans le Gard, a fait ce voyage en 2013 dans ce qui était une partie de la France où il était possible de construire, rapportant dans ses bagages ses souvenirs à lui maintenant accrochés à l’histoire d’un passé qu’il raconte avec émotion. Un devoir de mémoire certes mais aussi une source d’inspiration qui lui a permis d’apporter des réponses avec sa façon à lui d’y parvenir.
Il y a tout dans ce roman historique dessiné avec justesse et préfacé par Benjamin Stora, un autre Constantinois, historien et écrivain qui dit de lui: «Joël Alessandra réussit ce prodige de nous restituer Constantine dans sa beauté, au point que certains de ses dessins semblent nous transporter dans un monde presque irréel, c’est tout simplement parce qu’il montre, ne juge pas, installe ses doutes pour que Constantine vive toujours dans nos mémoires.»
Outre l’éloge de Constantine, ce livre procure à qui le lit une indicible et rare émotion.
Jacky NAIDJA