Publié le 19 mai 2015 à 19h40 - Dernière mise à jour le 29 octobre 2022 à 13h44
Après ma chronique sur le boson de Higgs, j’ai voulu poursuivre le merveilleux récit que raconte le livre d’histoire de l’Univers. Après maintes tentatives avortées, l’Univers, sans se laisser démonter, a poursuivi sa longue marche pour aboutir à l’apparition de la vie et de la conscience. Il a dû pour cela, déployer une inventivité stupéfiante devant laquelle seul l’émerveillement est de mise. Embarquons ensemble dans le vaisseau cosmique pour nous rendre dans le passé, un passé éloigné de près de 14 milliards d’années.
En 1929, un astronome américain, Edwin Hubble fit une découverte étonnante : la majorité des galaxies fuient la Voie Lactée (la galaxie qui nous héberge). Autrement dit, leurs lumières qui nous parviennent se décalent vers le rouge. Tout comme le son devient plus aigu lorsque l’objet sonore se rapproche de nous et plus grave lorsqu’il s’en éloigne, la lumière bleuit quand elle vient vers nous et rougit lorsqu’elle nous fuit. On appelle cela «l’effet Doppler». C’est grâce à lui que les radars peuvent vérifier la vitesse à laquelle vous roulez à bord de votre véhicule, ce qui permet au Trésor public de vous adresser une note salée lorsque cette vitesse est supérieure à celle permise.
Chose remarquable que l’astronome devait noter : la fuite des galaxies ne se fait pas au hasard; elle est d’autant plus rapide que la galaxie est éloignée. Autrement dit, sa vitesse est proportionnelle à sa distance. Vous me direz : et alors ? La conséquence que l’on peut tirer de cette proportionnalité est capitale : chaque galaxie a mis exactement le même temps pour parvenir de son point d’origine à sa position actuelle. Si, donc, nous inversons le film des événements, nous trouvons que toutes les galaxies se retrouvaient au même endroit au même instant. Vous en doutez ? Alors prenons un exemple simple. Vous vous trouvez au sommet d’une colline et vous observez trois voitures sur la route qui se trouve 10 mètres plus bas. Les voitures s’éloignent du pied de la colline. La première roule à une vitesse de 10km/h et a parcouru une distance de 10 km à partir du pied de la colline. La deuxième atteint la vitesse de 20km/h et se situe à 20 km du pied de la colline. Enfin, la troisième circule à 30km/h et se situe à 30 km de distance. Chaque voiture circule une vitesse proportionnelle à sa distance et vous prenez conscience qu’une heure avant, toutes étaient sur la même ligne, au pied de la colline, c’est-à-dire qu’elles se trouvaient toutes au même endroit, au même moment.
D’où l’idée d’une grande explosion : le «Big Bang», qui a donné naissance à l’Univers à partir d’un état très concentré. Un univers qui poursuit son expansion. En vérité, ce ne sont pas les galaxies qui se déplacent, c’est l’espace qui se dilate. L’univers enfle.
Faites une expérience. Prenez un ballon dégonflé et dessinez deux points sur sa surface, pas très éloignés l’un de l’autre. Gonflez le ballon, vous allez assister à cette scène : les deux points s’éloignent l’un de l’autre et leur vitesse d’éloignement s’accentue au fur et à mesure que la distance qui les sépare grandit. Les points se trouvent pourtant au même endroit, ce ne sont pas eux qui se sont déplacés, mais le ballon qui s’est dilaté. Avec la théorie du Big Bang, l’Univers a désormais une histoire.
Cette histoire, vous pouvez en prendre conscience chaque fois que la nuit tombe.
Le paradoxe de la nuit noire
Les physiciens appellent cela le «paradoxe de la nuit noire». Franchement, ils y vont fort ces physiciens : trouver paradoxal le fait que la nuit soit noire ! Ce serait plutôt un pléonasme. Eh bien non ! Pendant plusieurs siècles, cette question a hanté les astronomes. Ces derniers pensaient que l’Univers était infini, dans l’espace comme dans le temps. Si telle était la réalité, alors, un univers infini, éternel, devait contenir une infinité d’étoiles aussi brillantes que le Soleil. S’il existe une infinité d’étoiles, alors, où que vous posiez votre regard, quelle que soit la direction du ciel observée, vous devrez toujours rencontrer la surface d’une étoile. Et donc, il devrait toujours faire jour, de jour comme de nuit. En fait, la nuit noire nous donne trois renseignements.
En premier lieu, l’Univers n’a pas toujours existé. En fait, il y a un moment où il n’y avait rien à voir. Il n’y a a donc pas une infinité d’étoiles. Ensuite, ce paradoxe nous apprend que la lumière des étoiles les plus lointaines n’a pas eu le temps de parvenir jusqu’à nous. Et donc, la vitesse de la lumière n’est pas instantanée comme on le croyait jadis. (Sa vitesse est toutefois gigantesque : 300 000 km à la seconde). Enfin, nous pouvons prendre conscience de l’expansion de l’univers. Au fur et à mesure que de l’espace se crée, donc se dilate, la lumière voit sa longueur d’onde s’étirer, et son spectre se décaler vers le rouge. En fait, la nuit n’est pas noire, ce sont nos yeux qui l’assombrissent. Si nous étions capables de capter la lumière micro-onde ou infrarouge, nous verrions de la lumière en pleine nuit. La prochaine fois que votre enfant vous demandera pourquoi la nuit est noire, ne vous moquez pas, ne trouvez pas sa question naïve. Ce sont de telles questions qui nous amènent à éclaircir les mystères les plus épais que l’Univers nous cache. Les questions les plus simples sont bien souvent les plus intelligentes !
Rapide digression sur la simplicité des principes
Il n’est pas dans mon propos d’insinuer de quelque façon que ce soit, que tout est simple. Chaque discipline doit s’apprendre, et l’effort intellectuel est toujours de mise. Mais, à ce stade de ma chronique, je voudrais mettre le doigt sur une question que je trouve importante. Si les équations pour «décrire» l’univers ne sont pas toujours simples, si tout ce qui se passe lors de la formation de l’univers est parfois complexe, les principes apparaissent simples et il ne sert à rien de les rendre plus compliqués.
L’univers choisit toujours la voie la plus directe pour construire la complexité.
L’histoire que je vais vous conter peut apparaître compliquée. Toutefois, elle s’appuie sur des principes qui sont, à la réflexion, assez simples, ou tout au moins, à la portée de chaque individu.
Plus la chaleur est importante, plus l’énergie est forte. Les particules sont d’autant plus agitées. Au fur et à mesure qu’un gaz se dilate, il se refroidit et donc l’énergie devient plus faible et les particules moins nerveuses. Lorsque la température baisse trop, les particules n’ont presque plus d’énergie, et le calme a tendance à s’instaurer. Plus d’agitation, calme plat. Il faut donc que l’univers crée à chaque période les conditions pour que le milieu soit assez chaud pour que les particules ne soient pas immobiles, ce qui interdirait des rencontres, et donc freinerait le processus vers la complexité. Mais, si le milieu est trop chaud, les particules sont trop agitées, les rassembler devient mission impossible. Un berger peut très bien comprendre une telle démonstration. Si ses moutons sont impassibles, immobiles, endormis, il aura beaucoup de difficultés pour les rassembler. Il en sera de même si son troupeau est composé d’animaux qui courent, à hue et à dia dans toutes les directions, affolés par un moustique qui s’amuse à les piquer, ou, plus grave, par la venue d’un loup affamé, à la recherche de viande tendre. Eh bien, la Nature a compris tout cela, et bien avant lui !
Ouvrons le livre de l’histoire de l’Univers
Nous ne pouvons pas décrire l’Univers au temps 0, le «Big Bang». Nous ne pourrons le décrire qu’une fraction infinitésimale de seconde après cet événement. L’Univers est en évolution, en expansion. Tout est en mouvement permanent, l’espace et le temps apparaissent. Le vide quantique règne. Il n’est pas synonyme de néant, mais rempli d’énergie, avec une température plus brûlante que l’enfer de «la divine Comédie» de Dante. Ce «vide» est peuplé de particules et d’anti particules fantômes, en connexion permanente avec le rayonnement. Ce dernier crée des particules et antiparticules qui se rencontrent et s’annihilent, produisant du rayonnement … Cette frénésie se poursuit en des temps d’une durée infinitésimale. (Pensez au berger, il est incapable de rassembler son troupeau dans des conditions aussi extrêmes). Mais, heureusement, l’Univers se dilate, et donc, il se refroidit. Le long processus vers la complexité peut débuter. Pour mieux le comprendre, il faut penser à un bloc de glace. Chauffé, il devient liquide et perd toute structure. Par contre, lorsque l’eau, en se refroidissant, se transforme subitement en glace, elle se cristallise et libère une bouffée de chaleur. L’Univers, en se refroidissant, en libérant l’énergie du vide, va faire de même. L’expansion va ainsi s’accélérer. La libération de l’énergie du vide va donner naissance au contenu matériel de l’Univers.
Grâce à Einstein, on connaît l’équivalence de la masse et de l’énergie (E=MC2: l’énergie est égale à la masse multipliée par la carré de la vitesse de la lumière).
Ainsi, particules et antiparticules qui existaient à l’état fantomatique vont surgir du vide, essentiellement des quarks et des antiquarks (les plus petites particules de matière connues aujourd’hui et qui en se combinant trois par trois forment les protons et neutrons, eux-mêmes constituant les noyaux d’atomes) et des électrons (des particules chargées négativement et qui en virevoltant autour des noyaux forment les atomes). A ce stade, pas de combinaisons de quarks, donc pas de protons, ni de neutrons et encore moins d’atomes. Si l’histoire s’arrêtait là, le processus créatif de l’Univers aurait été stoppé. Heureusement pour nous, l’histoire se poursuit et la Nature a une propriété remarquable : elle a une toute petite préférence pour les particules au détriment des antiparticules. Il s’agit d’une découverte du physicien soviétique Andréï Sakharov. Pour chaque milliard d’antiquarks surgis du vide, il y aura un milliard plus un quark qui apparaîtront.
La nucléosynthèse primordiale
Le temps joue en faveur de la matière. En effet, le temps qui passe correspond à une dilatation de l’espace, et donc à un refroidissement de la température. Il arrive donc le moment où les particules se calment, et les quarks peuvent alors s’assembler trois par trois pour former protons et neutrons. (Pensez au berger). La force nucléaire forte peut entrer en action. Toutefois l’Univers est encore trop chaud. Trop d’agitation règne, la force du rayonnement empêche les électrons de se faire capturer par les noyaux pour former des atomes. On peut deviner la suite. L’Univers s’étend, la température baisse, le rayonnement est moins énergétique, les particules deviennent moins agitées et désormais la force électromagnétique entre en action et permet aux noyaux (protons et neutrons avec une charge électrique positive) de capturer les électrons dont la charge est négative (comme vous le savez certainement, deux charges de même signe se repoussent, deux charges de signes contraires s’attirent). Les atomes sont nés. Et du coup, l’Univers devient transparent. En effet, les particules de lumière (les photons) ne sont plus entravées dans leur mouvement par les électrons puisque ceux-ci ont été capturés. Les atomes sont électriquement neutres et la lumière peut enfin se déplacer librement. Il s’est passé 380 000 ans depuis le Big Bang. Si l’histoire s’arrêtait là, nous ne serions pas en capacité de la raconter. En effet, on a vu progressivement se former des protons (le proton constitue le noyau de l’hydrogène), des neutrons (deux protons et deux neutrons constituent le noyau de l’hélium). Là s’arrête les rencontres de particules. En expansion, l’Univers est déjà trop grand, trop dilué, trop froid. L’ascension vers la complexité est stoppée. Un Univers ne comprenant que de l’hydrogène et de l’hélium serait pauvre, dépourvu de structures complexes pouvant abriter la vie et la conscience. Il faudra toute la créativité de l’Univers pour poursuivre son ascension. Il lui faudra inventer des sources de chaleur durables pour permettre des rencontres heureuses. En effet, celles qui se sont faites jusqu’à présent ont été certes fructueuses mais trop brèves. L’expansion de l’Univers, son refroidissement, n’ont pas permis d’autres rencontres. La formation des éléments légers (hydrogène, hélium pour l’essentiel, avec une pincée de deutérium) est appelée la nucléosynthèse primordiale. Jusque là, la gravité était restée discrète. Celle-ci aime les grands espaces. A petite échelle, avec des masses insignifiantes, elle se fait doubler par les forces nucléaires et la force électromagnétique. Mais à l’échelle de l’Univers, elle règne en maître. Voici pourquoi. A petite échelle, les forces nucléaires (forte et faible) régissent le cœur des atomes, les noyaux. La force forte est responsable de la structure des noyaux, elle assemble les quarks pour former protons et neutrons, puis réunit les protons et les neutrons pour former des noyaux. La force électromagnétique agit au niveau de l’atome. C’est elle qui permet la capture des électrons. Les atomes, nous l’avons vu, sont neutres, et donc, à grande échelle, la force électromagnétique ne peut régir les structures d’un univers neutre. Elle sait repousser les masses de même charge et attirer la matière lorsque les charges sont opposées, mais lorsque les charges s’annihilent, l’électromagnétisme perd de sa force.
Par contre, la gravité, faible pour les petites structures, ne cesse de s’accroître au fur et à mesure que la matière s’entasse. Elle se fiche pas mal de la charge. Négative ou positive, peu lui importe ! Elle ne connaît que la masse, et il n’y a pas de matière avec des masses négatives. L’antimatière (les antiparticules) dont nous avons parlé est différente de la matière par sa charge mais possède, comme la matière, une masse positive. Au fait il nous faut ouvrir une petite parenthèse pour expliquer la disparition de l’antimatière.
L’anéantissement de l’antimatière
Le principe est simple. D’abord, il faut se rappeler que l’énergie et la masse sont équivalentes. On peut transformer l’une en l’autre et réciproquement.
Il faut également avoir à l’esprit l’équation d’Einstein E= MC2. Si l’énergie est égale à la masse multipliée par le carré de la vitesse, cela signifie que si l’on prend une petite masse, on obtient, si on la convertit, une très grande énergie, puisque l’on multiplie la masse par un nombre gigantesque.
Souvenez vous donc de ceci. Une petite masse engendre une grande énergie, par contre, il faut beaucoup d’énergie pour qu’elle puisse se convertir en une masse.
On se souvient que l’énergie du vide avait créé particules et antiparticules. A cette époque, l’énergie est si importante qu’elle peut engendrer de telles particules, et les particules s’annihilaient en rencontrant leur antiparticules et se transformaient en énergie de rayonnement. Au fur et à mesure de l’expansion de l’univers, et donc de son refroidissement (un gaz qui se dilate se refroidit, par contre si vous compressez du gaz, il va s’échauffer tout comme vous le constatez lorsque vous gonfler le pneu de votre vélo), que se passe t-il. Les particules et antiparticules poursuivent leur annihilation en se convertissant en énergie de rayonnement, car leur masse est toujours la même, malgré le refroidissement de l’Univers.
Par contre, l’énergie de rayonnement faiblit et n’a plus la force de créer des paires de particules-antiparticules. (Il faut beaucoup d’énergie pour qu’elle puisse se convertir en masse). D’un côté, l’annihilation se poursuit, de l’autre la création de particules est stoppée. De sorte que toutes les particules tendent à disparaître. Sauf que… Souvenez-vous de Sakharov et de la préférence de la Nature pour les particules.
Lorsque particules et antiparticules disparaissent, il reste un zeste de particules qui ne rencontrent plus leurs antiparticules. Résultat : elles ne peuvent s’auto détruire en l’absence de l’antimatière. Et voilà pourquoi, bien heureusement, il n’y a que des vous et des moi sur la terre et non des anti-vous et des anti-moi. Merci qui ?
Les semences de la gravité
Nous en étions restés à la prise de fonction de la gravité. Nous avons vu qu’en se cristallisant, l’eau se transformait en glace et des structures apparaissaient.
Ainsi, l’Univers perd sa symétrie. Des irrégularités apparaissent (l’eau est symétrique, les blocs de glace non). Il y a des espaces de l’univers qui contiennent plus de matière que d’autres. La gravité se frotte les mains : enfin un milieu propice pour régner en maître ! La gravité commence à rassembler la matière, en particulier dans les espaces plus riches que d’autres. Sous son règne, les gaz commencent à se concentrer, ce sont les semences qui vont engendrer les galaxies, les étoiles, les planètes. Souvenez-vous. Lors de la période de nucléosynthèse primordiale, l’univers avait accouché d’éléments légers, l’hydrogène et l’hélium en particulier. L’ascension vers la complexité avait été stoppée nette. Tout était allé trop vite, la dilatation de l’Univers avait empêché des rencontres ultérieures de particules. Il fallait trouver une solution pour sortir de cette impasse. La gravité, telle un bon berger, commence à rassembler des masses de gaz. Plus elle rassemble, et plus la gravité se renforce. Grâce à la gravité, des embryons de galaxie se forment, les galaxies qui se forment échappent au refroidissement engendré par l’expansion de l’Univers. Mais les galaxies ne sont pas assez denses pour permettre la combinaison d’atomes plus évolués.
L’Univers a besoin de lieux plus denses pour accéder à la complexité. Il invente alors les étoiles. Les embryons de galaxie s’effondrent en des milliards de nuages qui à leur tour s’effondrent sous l’effet de la gravité.
L’alchimie au cœur des étoiles
Que se passe t-il ? Lors de son effondrement, la densité au cœur du nuage gazeux s’accroît. La température monte et atteint la dizaine de millions de degrés. Les atomes d’hydrogène et d’hélium s’agitent, s’entrechoquent. Les électrons sont libérés, les noyaux sont disloqués. A de telles températures, les réactions nucléaires s’enclenchent au sein des boules gazeuses. Les protons, noyaux d’hydrogène s’unissent quatre par quatre (deux protons se convertissent en neutrons) pour former des noyaux d’hélium (2 protons et 2 neutrons). La fusion de l’hydrogène en hélium libère de l’énergie qui se manifeste sous forme de rayonnement. Ce dernier provient du fait que le noyau d’hélium a une masse plus petite que les ingrédients de départ, les quatre noyaux d’hydrogène. Cette perte de masse lors de la combustion correspond à une énergie de rayonnement. En fait, de la masse est convertie en énergie (toujours la fameuse équivalence entre masse et énergie et l’équation d’Einstein). L’étoile est née. Sous l’effet du rayonnement, l’effondrement de la boule gazeuse est stoppé net. En effet, une bataille de titans s’engage entre la gravité qui veut comprimer l’étoile et le rayonnement qui tend, à l’inverse, à la faire éclater. Les forces s’équilibrent. L’étoile se stabilise. C’est ainsi que notre étoile, le Soleil, brûle de ses mille feux depuis 4,5 milliards d’années. En fait, il consume son hydrogène et le transforme en hélium. Le soleil se trouve ainsi sur sa séquence principale. Lorsque l’hydrogène ne pourra plus servir de carburant, une nouvelle séquence débutera.
Tout d’abord, le rayonnement va faiblir car l’hydrogène manquera pour alimenter le cœur de l’étoile par la fabrication d’hélium. La gravité va en profiter pour prendre le dessus, et de nouveau, l’étoile s’effondrera en son centre, provoquant une montée gigantesque de température. Lorsque celle-ci atteindra cent millions de degrés Celsius, ce sera au tour de l’hélium de devenir un carburant pour fournir du carbone.
Cette fois ci, l’Univers a trouvé la bonne formule pour poursuivre son processus vers la construction d’éléments plus lourds. En ce qui concerne le Soleil, lorsque le carburant hélium viendra à manquer, le même phénomène va se produire. Le cœur de l’étoile s’effondrera. Mais, parce que le Soleil n’est pas une étoile massive, la température n’atteindra «que» 300 millions de degrés. Or, pour que le carbone puisse servir à son tour de carburant, il lui faut une température de 600 millions de degrés.
Nous verrons plus tard comment finissent les étoiles. Mais pour l’instant, occupons nous de l’alchimie qui provoque la construction d’éléments de plus en plus lourds
Heureusement pour nous, il n’y a pas que des étoiles dont la masse est égale au Soleil. D’autres sont beaucoup plus massives. Lors de leur effondrement, lorsque l’hélium vient à manquer, la température atteint les 600 millions de degrés, condition pour que le carbone à son tour entre en action pour construire des noyaux d’azote, puis d’oxygène. Vous avez compris la suite. La même séquence des événements se poursuit. Chaque fois que le carburant vient à manquer, le rayonnement faiblit, la gravité prend le dessus, l’étoile poursuit son effondrement, son cœur s’échauffe, le rayonnement repart et empêche la gravité de poursuivre son œuvre. Un autre élément entre en action pour construire des éléments toujours plus lourds. L’oxygène produit le néon. La lutte se poursuit entre la gravité et le rayonnement. Ainsi apparaît le sodium, l’aluminium, le silicium, le soufre, le calcium. Le titane, le manganèse, le fer.
L’hydrogène, le carbone, l’azote, l’oxygène forment plus de 90% des atomes de notre corps. L’étoile acquiert une structure en pelure d’oignons. Les éléments les plus légers se situent aux endroits les plus éloignés du centre et les plus lourds à proximité de celui-ci.
La Supernova et sa puissance créatrice
Vers la fin de sa vie, le cœur de l’étoile massive est constitué de fer. Pourquoi ? Parce que celui-ci, pour pouvoir servir de carburant, a besoin d’énergie supplémentaire. Dans tous les combats entre la gravité et le rayonnement qui ont précédé la venue du fer, la masse du noyau atomique final était toujours inférieure à la somme des masses des noyaux d’atomes qui fusionnent. Ce défaut de masse était converti en énergie de rayonnement. C’est ce qui empêchait l’étoile de s’effondrer. Or, avec le fer, changement de cap. La masse du noyau final est supérieure à la somme des masses des noyaux qui participent à la fusion. Autrement dit, le fer exige qu’on lui fournisse de l’énergie pour prendre par aux réactions nucléaires. Sans énergie, le rayonnement faiblit et c’est la gravité qui prend le dessus. C’est exactement ce qu’il se passe. Le cœur de l’étoile s’effondre et finit par faire littéralement exploser l’étoile.
Cette explosion dégage une énergie colossale, c’est l’apparition d’une supernova.
Rappelons-nous : le fer exigeait de l’énergie. La supernova va lui en fournir plus qu’il ne lui en faut. Et le processus des combustions peut se poursuivre. La supernova a de l’énergie à revendre. En son sein, tous les éléments vont apparaître, argent, or, plomb … jusqu’à l’uranium. Mais, le rôle de la supernova ne s’arrête pas là. Elle ensemence l’espace de tous les éléments qu’elle a produits. C’est sans doute le souffle d’une supernova qui a permis la contraction d’un nuage interstellaire qui, sous le règne de la gravité a commencé à s’effondrer. Lorsque son cœur atteint une température de l’ordre de 10 millions de degrés, les réactions nucléaires se déclenchent. Une étoile banale est née : le Soleil. Les grains de poussières interstellaires disséminés dans le nuage s’agglutinent sous la puissante force de la gravité. Ils formeront plus tard les planètes. La Nature a imaginé la planète pour permettre un milieu plus chaud, plus accueillant, permettant la formation de molécules.
Nous voici sur les chemins de la vie et de la conscience.
Trois morts pour l’étoile
Selon la masse qu’elles possèdent, les étoiles ne connaîtront pas la même fin.
Pour le Soleil, qui est une étoile banale, nous avons vu qu’une fois son stock d’hélium consumé, elle avait une température insuffisante pour entamer la phase du carbone. (Du fait de sa faible masse). Toutefois, la gravité a une force limitée, également du fait de sa «faible» masse. Du coup, le rayonnement est vaincu, et ce sont les électrons qui vont prendre la relève pour combattre la gravité. Ils ne permettent pas qu’on les comprime à l’infini. L’effondrement est stoppé. Le Soleil devient une «naine blanche», puis, à bout de rayonnement, se transforme en «naine noire».
Prenons une étoile dont la masse est deux à trois fois celle du Soleil. (Ne tenez pas trop compte des chiffres, car chacun en donne de différents. C’est le principe qu’il faut retenir). La masse est telle que la gravité prend le dessus sur les électrons. Mais, les neutrons viennent à la rescousse et font face à la gravité. L’étoile finit sa vie en devenant une «étoile à neutrons». Enfin, si l’étoile a une masse 25 fois plus importante que le Soleil, rien ne peut plus s’opposer à la gravité. Elle concentre le cœur de l’étoile à un point tel que la densité est si forte que même la lumière ne peut s’échapper. Nous assistons alors à la formation d’un «trou noir». Nous arrivons à la fin du livre de l’Histoire de l’Univers. Ce dernier a fait preuve d’une imagination inouïe.
Le récit d’un Univers créatif nous apprend que nous sommes tous des poussières d’étoiles. Nous sommes des êtres interdépendants dont le bonheur dépend de celui des autres. Sachons ne pas l’oublier.
Henri GÉNARD