Publié le 27 mai 2015 à 23h30 - Dernière mise à jour le 27 octobre 2022 à 18h57
«Ce cœur qui haïssait la guerre, voilà qu’il bat pour le combat et la bataille… ! ». C’est d’une voix forte et claire qu’une jeune lycéenne lit un poème de Robert Desnos en hommage à ces résistants et résistantes qui avaient choisi de combattre pour la liberté, pour les valeurs de paix et de fraternité.
Ces vers ont précédé la lecture de trois «actes Justes», concernant les trois génocides -Arméniens, Juifs,Tutsis- présentés au Site-mémorial du Camp des Milles. Actes de résistance désintéressés, individuels ou collectifs, parfois apparemment anodins, parfois violents ou héroïques, un simple geste de soutien momentané, comme une action décisive de sauvetage ou de résistance armée. Ces actes justes sauvèrent des dizaines de milliers de vies et constituèrent souvent des obstacles importants devant les politiques criminelles, avant même de réussir parfois à renverser la situation par les armes. C’est ainsi qu’a débuté la cérémonie devant le Wagon du Souvenir du Camp des Milles en présence du Secrétaire d’État aux Affaires européennes, Harlem Désir, organisée à l’invitation du Préfet de Région, du Président de la Fondation du Camp des Milles et des Présidents des collectivités et des associations de résistants.
«Ici, on donne les clés pour comprendre et agir»
Harlem Désir, rappelle que «Le Camp des Milles témoigne, par son histoire, à la fois, des crimes contre l’humanité qui ont été perpétrés au cœur de l’Europe, et de l’esprit de résistance, qui montre que le meilleur aussi est dans l’homme. Cet esprit que les Justes, les déportés, les internés du Camp des Milles ont porté et que nous devons faire vivre. Nous leur rendons hommage et nous honorons leur mémoire». Et de rendre hommage au travail accompli par la Fondation : «Ici on commémore mais surtout on transmet. Ici, on donne les clés pour comprendre et agir».
«C’est cet esprit de résistance, poursuit-il, au cœur même de l’histoire tragique du Camp des Milles, que nous devons entretenir, qui doit continuer à nous irriguer et à inspirer notre action. C’est cet esprit, ce sens de l’engagement que nous devons aussi transmettre à la jeunesse. Pour cela, il nous faut sans relâche continuer à lutter contre le racisme, la xénophobie et l’antisémitisme. Face à ce mal qui resurgit toujours, notre responsabilité, c’est de dénoncer, c’est de nommer avec clarté, c’est d’agir avec la plus grande fermeté.»
Il plaide alors que «nous avons le devoir de nous rassembler sur l’essentiel comme nous avons su le faire face aux attentats barbares de début janvier. Le 11 janvier se sont les valeurs de liberté, de justice et de fraternité qui ont été incarnées avec force. Un esprit de résistance s’est exprimé ainsi qu’une confiance dans l’avenir». Il est encore question de devoir lorsqu’il parle de l’Europe : «Nous devons soutenir le développement de ce projet, refuser le populisme qui ne propose rien sinon le retour au pire».
«Il est si tôt trop tard»
«Chacun peut résister, chacun peut réagir, chacun à sa manière, et dès les commencements des engrenages dangereux. C’est la principale leçon de cette histoire, celle des grands résistants comme celle des innombrables actes justes moins connus. Il importe que nous soyons tous confortés dans l’idée que l’homme peut éviter la barbarie, que chacun a la capacité de dire non à l’inacceptable, que chacun peut trouver dans sa conscience morale, dans son éducation, dans l’expérience et la mémoire collectives, les raisons si ce n’est les réflexes du combat pour la liberté et de l’humanité envers son prochain» a souligné fermement Alain Chouraqui, Président de la Fondation du Camp des Milles-Mémoire et Éducation.
Et de prévenir: «Aujourd’hui c’est dans toute l’Europe que réapparaît sous des masques divers ce que la Résistance combattait. Discours extrémistes et démagogiques, autoritarisme, rejet de l’Autre et violences antisémites et racistes accompagnent perte de repères, crises économiques et morales, crispations identitaires, racismes à rebours, délégitimation du politique et des élites, divisions des partis démocratiques, complotisme… ».
Certes ajoute-t-il: «Il ne faut pas crier au loup lorsqu’il n’y est pas mais il est si tôt trop tard lorsque le loup y est » . Et de conclure : «La majorité de la population n’est pas extrémiste aujourd’hui et les institutions sont clairement républicaines. Mais l’histoire montre que cette majorité reste souvent passive devant les engrenages enclenchés et le défi est donc de sortir d’une sous-estimation qui empêcherait chacun de réagir à temps, calmement mais fermement, dans sa sphère publique ou privée, afin de défendre les valeurs toujours actuelles de la Résistance, de Justice, de Liberté et de Fraternité».
A l’issue de cette cérémonie, le Secrétaire d’État aux Affaires européennes a visité le Site-mémorial du Camp des Milles accompagné des élèves du Lycée Militaire, a rencontré des élèves étrangers de l’International Business School et des jeunes encadrants de centres de loisirs présents sur les lieux.
Une jeune fille a alors pris la parole pour exprimer son ressenti sur la visite effectuée : «Je pense que c’est important que l’on garde tous notre liberté individuelle, notre propre manière de penser. Il faut travailler tous ensemble contre la haine, le racisme et la xénophobie». La Journée Nationale de la Résistance est ainsi l’occasion pour les jeunes et les moins jeunes de réfléchir à la manière de résister aux engrenages extrémistes.
Michel CAIRE