Publié le 4 juin 2015 à 22h59 - Dernière mise à jour le 27 octobre 2022 à 19h16
«La COP21 commence ici, car vous avez toujours voulu tout faire avant Paris». C’est avec gravité mais aussi humour que François Hollande a inauguré ce 4 juin, la MedCop 21 qui se déroule les 4 et 5 juin à la Villa Méditerranée à Marseille. Il a abordé à cette occasion la question méditerranéenne, proposant la tenue d’une grande conférence économique et sociale du Bassin Méditerranéen «rassemblant tous les acteurs, États, collectivités territoriales, du monde économique… afin d’offrir des perspectives à la jeunesse». Puis de revenir à ses ambitions à propos de la COP 21 qui va se dérouler à Paris en décembre 2015.
«Il ne s’agit pas de parvenir à un accord pour un accord»
«Nous sommes à 6 mois de la COP21 et 39 pays sur 200 ont déposé leurs émissions de gaz à effet de serre. Et, si les négociations sont bien entamées, des points épineux sont toujours sur la table». D’autant que pour la France «il ne s’agit pas de parvenir à un accord pour un accord mais d’un texte qui signifie quelque chose. Quelle forme juridique prendra-t-il ? Sera-t-il contraignant ? Surtout, il faut bien mesurer que notre capacité de mener à bien des projets est une question de financements. Les pays émergents ne prendront de décisions que s’il y a des financements. Certes, des fonds verts ont été engagé après Copenhague, mais il ne s’agissait que de 10 milliards d’euros or, il faut arriver à 100 milliards d’ici 2020, c’est un enjeu pour parvenir à un accord, s’en est un aussi pour permettre le développement de l’économie verte». Et d’ajouter immédiatement : «Nous devons avoir de grands projets économiques. L’Afrique nous attend là dessus, elle nous attend financièrement mais aussi sur la question des partages technologiques».
Alors que la lutte contre le changement climatique peut être une opportunité pour ces pays : «Ils peuvent contrairement à nous, construire des villes à énergie renouvelable». Le Président d’insister: «Il y a urgence à trouver un accord car les effets du dérèglement climatique se font sentir. On assiste à une sécheresse record en Californie, la canicule en Inde, des inondations en Asie, la désertification en Afrique. L’Europe qui se croyait à l’abri voit se produire de plus en plus fréquemment des phénomènes extrêmes». Ajoutant: «Le réchauffement de la mer, comme l’élévation du niveau de cette dernière peuvent avoir des effets catastrophiques».
«L’indifférence, c’est l’ennemi contemporain, l’ennemi anonyme»
Il évoque ceux qui, pour fuir les guerres, la misère, risquent leur vie en Méditerranée, les filières, notamment terroristes, qui s’enrichissent sur cette misère. «Le changement climatique est une des raisons de ces migrations. Il nous faut agir, construire des politiques sur le long terme». Dénonce: «L’indifférence, c’est l’ennemi contemporain, l’ennemi anonyme.»
A propos de l’Europe, il souhaiterait que «tous les européens soient mobilisés pour la Méditerranée, je voudrais que l’Allemagne soit partie prenante de la Medcop 21».
Même si, à ses yeux «c’est plus compliqué en Méditerranée qu’ailleurs» et d’égrener les nombreuses stratégies en œuvre. «On va devoir rassembler cette myriade d’initiatives pour construire un plan de développement durable. Et, dans ce processus l’Europe et l’Union pour la Méditerranée peuvent être très précieuses». Il n’omet pas de rappeler l’importance de la recherche dans le lutte contre le changement climatique.
Considérant: «La COP 21 est encore une abstraction pour nombre de nos compatriotes. On doit lui donner une dimension humaine et c’est ce qui se fait ici, et, je l’espère, l’an prochain à Tanger pour la Medcop 22. Car, tout ne va pas s’achever à Paris, il faudra poursuivre le processus. Paris va fixer des règles, donner des financements, des solutions». Un travail qui, si de tels accords sont obtenus, «devra se construire dans la durée». Il conclut son intervention: «La Cop 21 c’est pour la planète, c’est quelque fois loin, on peut penser que c’est pour les autres. Il faut créer un sentiment d’appartenance ». Cela, pour François Hollande, serait possible en Méditerranée «qui a vu naître de grandes civilisations. La Méditerranée est baignée de lumière. Conscients des enjeux, nous devons construire une communauté de destin».
«Construire la Méditerranée des projets»
Au préalable Michel Vauzelle, le Président de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur avait accueilli les participants, salué tout particulièrement le Président de la République et le Prince Albert II de Monaco. Il tient à souligner: «Dès le début de votre mandat, vous avez tracé au Sommet du 5+5 à Malte la ligne de la politique de la France en Méditerranée : construire la Méditerranée des projets, avez-vous proposé, et votre proposition a été retenue par tous». Puis de rappeler le document qu’il a réalisé à la demande du Président de la République sur une Méditerranée de projets et au nombre de ces derniers figure «la réponse que la France, avec ses partenaires du monde entier, doit apporter aux défis du changement climatique». «Vous êtes venu à Marseille, poursuit-il, Marseille est un symbole, dans la Villa Méditerranée, c’est aussi un symbole puisque Marseille et la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur constituent un atout pour la politique de la France en Méditerranée et pour le rayonnement de notre pays de par le monde». A propos du dérèglement du climat, il considère qu’«il est beaucoup plus dangereux ici, dans cette mer fermée, que dans bien d’autres régions du monde. Il entraîne le dérèglement du climat mais aussi du climat humain, économique et social ». «Depuis janvier, poursuit-il, les peuples ont renouvelé leur appréciation de leur communauté de destin. A Paris comme à Tunis, au Bardo, musulmans ou pas, nous sommes unis face à un même ennemi désormais : le terrorisme, qui injurie l’Islam et renforce le racisme et la xénophobie dans notre région comme dans d’autres en Europe.».
«Nous sommes tous Méditerranéens»
Et d’évoquer «ces enfants perdus» qui partent «faire le djihad» en Syrie. «Mais certains l’ont fait ou peut-être proposent de le faire, en France même. Tout autour de notre mer, la France est présente pour un même combat, que ce soit en Irak, au Sahel ou en France même». Cette solidarité contre le terrorisme, ajoute-t-il:«Nous attendons, nous Méditerranéens, qu’elle s’exprime enfin de la part de l’Europe. Pour aider l’Italie et la Grèce mais aussi, les pays de transit et d’exil, pour éviter l’exode. On doit détruire les mafias des passeurs, mais on ne peut refuser de sauver une personne qui précisément fuit la mort dans son pays». Rappelle que «les Présidents des Régions méditerranéennes d’Italie, de Grèce, d’Espagne et de Malte, à mon invitation, se sont réunis en Sicile -la Région Languedoc-Roussillon était également représentée- pour montrer la solidarité des régions méditerranéennes de l’Europe, mais aussi en disant : « Nous sommes tous Méditerranéens »».
C’est au tour de Jean-Claude Gaudin, le sénateur-maire de Marseille de prendre la parole. Il salue la présence de François Hollande : «Elle manifeste, à elle seule, l’importance des enjeux auxquels nous sommes confrontés, car c’est bien de notre survie, de l’avenir de notre planète dont il s’agit. Votre présence manifeste également, et j’y suis particulièrement sensible, l’intérêt que vous portez à l’action des collectivités territoriales, et en particulier aux collectivités territoriales méditerranéennes pour agir contre le dérèglement climatique». Et de s’engager«pour la mise en œuvre, au niveau local, d’un accord ambitieux. Car vous l’avez compris, vous-même ayant été élu local, que sans la pleine participation des collectivités territoriales, cet accord restera lettre-morte». Il entend alors se faire le porte-parole des villes, et plus particulièrement celui des villes méditerranéennes. «Villes méditerranéennes qui se mobilisent fortement au sein du réseau Cité et Gouvernements Locaux Unis, dans la Commission Méditerranée, dont Michel Vauzelle et moi-même sommes à l’origine».
«Nous revendiquons notre participation à cette gouvernance mondiale»
Pour le maire de Marseille: «Si les collectivités territoriales sont au cœur de la lutte contre le changement climatique, c’est parce qu’elles sont les premières à en subir les effets. C’est pourquoi nous, collectivités méditerranéennes, sommes les mieux placées pour imaginer les modes de vie et de consommation du futur. C’est pourquoi nous, collectivités méditerranéennes, sommes les mieux placées encore pour organiser les services publics de demain, plus sobres en consommation d’énergie, plus adaptables aux changements, et plus ouverts aux nécessaires solidarités. Et nous le sommes d’autant plus que la Méditerranée est un exemple parlant de ce qui unit plutôt que de ce qui sépare». Et de lancer: «Parce que les collectivités territoriales sont les premiers acteurs du changement, nous revendiquons notre participation à cette gouvernance mondiale. Parce que les collectivités territoriales sont au plus près des besoins des populations et de l’adaptation des comportements responsables, nous revendiquons notre participation à l’élaboration des normes internationales que nous devrons appliquer. Nous étions à Rio en 1992, nous étions à Johannesburg en 2002, nous serons à Paris en 2015».
Michel CAIRE