Publié le 16 juin 2015 à 20h33 - Dernière mise à jour le 27 octobre 2022 à 19h17
Délaissé ou oublié, le Mémorial des camps de la mort, fermé pour travaux, peine à rouvrir, alors qu’à proximité dans la même situation plusieurs musées dont le Mucem et la Villa Méditerranée sont ouverts et accueillent de nombreux visiteurs.
Voilà au moins trois ans que cela dure et pour expliquer cette fermeture, dans un message laconique sur le répondeur du Mémorial, on apprend qu’il est fermé pour travaux et mise aux normes de sécurité d’accueil des publics. Pourtant, les travaux semblent à cet endroit bel et bien terminés. Heureusement, le site Internet de la mairie redonne de l’espoir car en cherchant bien, on trouve la mention d’une ouverture en début 2015. Que nenni ! L’année 2015 est bien entamée et le lieu reste irrémédiablement clos. Même la lettre envoyée le 26 novembre 2014 pour la réouverture du mémorial par des associations de déportés et de résistants restera sans réponse. «Il serait normal que la deuxième ville de France qui a connu les prémices de la résistance, qui a été gravement touchée par les déportations, notamment celles de janvier 1943, qui a vu son quartier historique détruit par les allemands et qui a été citée à l’Ordre de la Nation laisse ainsi son Memorial fermé ? C’est pour cela que nous souhaitons une réouverture dans les meilleurs délais», écrivaient-ils.
Comment expliquer une aussi longue fermeture ? Retard dans l’exécution des travaux ou simple question de priorités ? Effectivement, en pleine effervescence pour l’année Capitale européenne de la culture 2013, Marseille se devait d’être à la hauteur et tout a été fait pour finir les gros œuvres, comme la rénovation du Vieux-Port ou encore la construction du Mucem et de la Villa Méditerranée. Ces travaux titanesques ont purement et simplement mis à l’index le Mémorial des camps de la mort. Dommage, car si proche des nouveaux musées, il pourrait profiter du passage des milliers de visiteurs qui arpentent tous les jours les nouveaux sites marseillais. Difficile donc d’expliquer les raisons de cette longue fermeture, surtout quand la mairie reste muette.
A ce jour, les visiteurs ne peuvent que constater la fermeture et regretter de ne pas pourvoir accéder à ce lieu de transmission de la mémoire, inauguré le 27 avril 1995 par l’ancien maire de la ville, Robert Vigouroux. «Je désire qu’en cette ville s’ancre à jamais la mémoire de l’atroce, de l’inhumain vécus par une génération… Mort programmée et scientifiquement organisée», disait-il.
Situé non loin du Vieux-Port, entre l’esplanade de la Tourette et le fort Saint-Jean, le Mémorial est installé dans un blockhaus de la Seconde Guerre mondiale. Ce lieu de recueillement et de transmission de la mémoire réunit de nombreux documents, photos et témoignages d’époque évoquant la rafle et la déportation des juifs de Marseille. Devenu un véritable outil pédagogique, le Mémorial accueillait lycéens et enseignants mais également toutes personnes intéressées par cette période de l’histoire douloureuse et triste de la France. Alors que l’ensemble de la classe politique plaide pour la transmission et pour le devoir de mémoire, combien de temps encore les Marseillais, les anciens déportés et résistants mais aussi les touristes, devront-ils attendre la réouverture de ce lieu indispensable à la compréhension du génocide nazi ? «Oublier le passé, c’est se condamner à le revivre», écrivait Primo Levi. Ainsi, les responsables de la ville doivent user de tous les moyens pour rouvrir ce lieu emblématique, afin de maintenir vivante la mémoire du génocide et de rester fidèles au souhait de l’ancien maire de la ville, aux paroles de Primo Levi, mais aussi au souvenir des disparus.
Gilbert Gabbay