Publié le 14 juillet 2015 à 19h02 - Dernière mise à jour le 27 octobre 2022 à 19h29
C’est avec un «Ciné-Concert» original que le Festival d’Aix-en-Provence a commémoré à sa façon, selon la volonté du directeur Bernard Foccroulle, le 100e anniversaire du génocide arménien. Au programme de la soirée de lundi 13 juillet, à l’auditorium du Conservatoire Darius Milhaud : un film de Pelechian, «Les Saisons», précédé et suivi par la création de «Horae quidem cedunt…» de Michel Petrossian, commande de l’ensemble Musicatreize avec l’aide du Centre de création musicale de Pigna, en Haute-Corse. C’est, bien entendu, Musicatreize qui a donné l’œuvre sous la direction de Roland Hayrabedian. Pour filmer «Les Saisons» dans les années 1970, Artavazd Pelechian s’est enfoncé au plus loin dans les montagnes du Caucase d’Arménie à la rencontre des habitants d’un village perdu. Et là, il a tourné le quotidien de femmes et d’hommes d’un autre temps. Une transhumance sous le déluge, des ballots de foin descendus en glissade depuis les sommets jusque dans la vallée, un mariage émouvant et rude, un sauvetage de mouton dans les flots d’une rivière en crue et bien d’autres témoignages d’un quotidien hors du temps que l’on ne peut imaginer de nos jours. Images en noir et blanc, spectaculaires, bouleversantes parfois, qui ne laissent pas insensibles; et la musique des «Quatre saisons» de Vivaldi qui les accompagne est presque en décalage par rapport à la rudesse du propos filmé. Pour précéder, puis suivre le film, Michel Petrossian a créé une œuvre pour douze voix a cappella construite autour du temps qui passe. Une composition qui se veut être très proche de la technique du cinéaste qui utilise la répétitivité pour symboliser le rouleau compresseur du temps qui passe, des saisons qui se succèdent. Et c’est plutôt réussi. Puisant notamment dans «Les Géorgiques», dans le «De Senectute» et dans la «Génèse», Petrossian crée une œuvre dense et puissante en parfaite adéquation avec les images des «Saisons» et la lecture qu’en font les voix de Musicatreize sous la direction de Roland Hayrabedian est à la hauteur de la densité de la partition. On se laisse happer par les voix et entraîner dans ce voyage tourbillonnant du temps qui passe. Une expérience à vivre.
Michel EGEA