Publié le 21 juin 2013 à 18h00 - Dernière mise à jour le 27 octobre 2022 à 15h38
Au lendemain de l’annonce d’un « plan de sauvegarde » de la SNCM, conclu par l’Etat et Véolia, qui prévoit la suppression de 600 équivalents temps plein via des départs volontaires, le conseil général des Bouches-du-Rhône a adopté ce vendredi à l’unanimité une motion de soutien à l’entreprise. Le texte réaffirme que l’Etat doit confirmer « sa présence au sein de la compagnie » et soutenir « activement les projets économiques crédibles reposant notamment sur le renouvellement de la flotte ».
« Il est aujourd’hui indispensable que l’Etat manifeste clairement et concrètement son soutien, en confirmant sa présence au sein de la compagnie, et en soutenant activement les projets économiques crédibles reposant notamment sur le renouvellement de la flotte afin d’adapter cette dernière (navires utilisant des carburants moins coûteux par exemple). Alors que tous les acteurs publics, au premier rang desquels le gouvernement et les collectivités, se mobilisent pleinement pour favoriser la création d’emplois et la croissance, il est incompréhensible de ne pas se battre aux côtés d’une entreprise symbolique qui fait vivre plus de 2 000 personnes » : c’est la teneur de la motion de soutien à la SNCM qui a été soumise à l’approbation de l’assemblée plénière du conseil général des Bouches-du-Rhône ce vendredi 21 juin. Un débat qui est intervenu au lendemain de l’annonce d’un « plan de sauvegarde » de l’entreprise, conclu par les actionnaires, l’Etat et Véolia, prévoyant la suppression de 600 postes équivalent temps plein. « Si cela devrait correspondre à des départs volontaires, il n’en reste pas moins que ce sont entre 800 et 850 personnes qui vont perdre leur travail », souligne la motion.
Elle rappelle également les dangers qui guettent la SNCM, le rejet, voté par l’Assemblée de Corse, des offres présentées dans le cadre de la Délégation de Service Public (DSP) maritime, « laissant ainsi les candidats dans l’incertitude », et « la menace d’un remboursement d’aides demandé par la commission européenne ». « Aggravées par le flou qui règne sur la volonté réelle de Véolia, l’angoisse et les interrogations des salariés, de leurs familles mais aussi des acteurs locaux, publics comme privés, sont plus que légitimes », estime la motion.
Le texte insiste enfin sur le fait que « la SNCM recouvre de nombreux enjeux, tant sociaux qu’économiques ou encore en matière de desserte territoriale ». « Elle joue un rôle essentiel sur la place portuaire mais aussi au cœur du bassin méditerranéen. C’est un atout indéniable pour la ville de Marseille, consacrée comme une priorité par le gouvernement, et pour son port dont le redressement doit se poursuivre. C’est enfin un rouage déterminant du service public qu’elle assume pleinement, et au nom duquel elle a réalisé de nombreux efforts ces dernières années », plaide la motion.
« C’est une entreprise sous perfusion publique depuis des décennies »
Le premier à intervenir est Richard Miron (UMP) au nom du groupe « L’Avenir du 13 » (UMP, Nouveau Centre et apparentés). « L’enjeu est important : ce sont 600 familles qui vont se retrouver dans la difficulté », souligne-t-il d’emblée. Il alerte également l’attention sur « le renouvellement des navires », « il faut en changer 4 », et les 220 M€ que l’entreprise doit rembourser à la France suite à la condamnation de la Commission européenne qui a jugé ces aides incompatibles avec la concurrence. « Le problème vient de la mondialisation », analyse-t-il en pointant la concurrence de certains modèles économiques sans nommer la compagnie low-cost Corsica Ferries. Richard Miron évoque encore « la DSP rejetée à l’unanimité de la Collectivité Territoriale de Corse (CTC) », sans omettre de souligner la réduction de ce marché à « 104 M€ » par an sur les 10 ans qui viennent (2014-2023) « au lieu de 130 M€ » sur la période 2007-2013.
Autant de nuages noirs, auxquels s’ajoutent « les 14 M€ de pertes enregistrées en 2012 ». Et Richard Miron de rappeler que la SNCM, qui a fait l’objet d’une « semi-privatisation » en 2006, souffre toujours d’un déficit d’exploitation récurrent. « C’est une entreprise qui va mal, sous perfusion publique depuis des décennies », tranche le conseiller général UMP. Il évoque aussi « un management sous pression syndicale », « une tradition », les partenaires sociaux étant à ses yeux « un associé difficile à gérer pour cette entreprise ». Il regrette également que, dans son modèle économique, la SNCM soit « tournée vers la commande publique ». « Le développement d’une entreprise ne se décrète pas. Il est illusoire de penser que l’Etat va tout régler. Ce sont les clients qui décident de l’avenir d’une entreprise », martèle-t-il.
Dans ce contexte, le conseiller général UMP, qui appelle de ses vœux « une politique managériale apaisée », observe que « ce ne sera pas le cas » en pointant le préavis de grève déposé pour la journée du 27 juin par les organisations syndicales à deux jours du départ du Tour de France qui s’élancera cette année de l’Ile de Beauté. « C’est une prise d’otage des clients en début de saison qui vont aller chez Corsica Ferries, le concurrent », dénonce-t-il.
« Marseille est le tombeau des promesses du gouvernement socialiste »
Richard Miron estime enfin qu’« on entend peu parler de compétitivité, de réduction des coûts » alors qu’« il va bien falloir un jour que cette entreprise cesse de perdre de l’argent », les impôts ne pouvant « sans cesse renflouer ses caisses ». Il juger aussi que « le plan de sauvegarde est un signal supplémentaire d’absence de stratégie industrielle de l’Etat ». « Où est l’Etat stratège qu’on nous avait promis ? Où est la ministre qui fuit quand il s’agit de rendre compte des actions de son gouvernement ? », assène le conseiller général UMP en allusion au départ en cours de séance de Marie-Arlette Carlotti (PS), conseillère générale et ministre déléguée aux Personnes handicapées et à la Lutte contre l’exclusion, agacée par les critiques de tous bords qui s’abattaient sur le gouvernement par rapport à la gestion du dossier métropole.
Et Richard Miron de conclure : « Marseille, déception après déception, est le tombeau des promesses du gouvernement socialiste », tout en indiquant que son groupe votera cette motion de soutien à la SNCM.
Jean-Marc Charrier, président du groupe PC, a immédiatement répondu à Richard Miron qui avait pointé l’orientation de la SNCM vers la commande publique. « Avec la DSP, on est dans un domaine où l’Etat doit assurer la continuité territoriale vers la Corse, c’est une mission de service public. C’est dans ce cadre que nous sommes appelés à soutenir cette entreprise », plaide-t-il. Outre les 600 postes supprimés, le conseiller général communiste s’interroge sur le contenu de l’accord issu du conseil de surveillance de la veille. « Quelles conditions ? Quels navires ? Quel service public ? », pointe-t-il, sans manquer de rappeler que « la commission européenne avait déjà envoyé une torpille » en exigeant le remboursement à la France de 220 M€ d’aides publiques. Pour avoir eu « la chance de les rencontrer », le président du groupe PC assure aussi que « les représentants de l’ensemble des organisations syndicales sont des gens responsables » et d’écarter ainsi les critiques qu’avait formulées Richard Miron.
« Il faut reconstituer le capital public et imposer le pavillon français de premier registre »
Aux yeux de Jean-Marc Charrier, deux actions prioritaires doivent être mis en œuvre dès aujourd’hui afin d’assurer un avenir à la SNCM. « Il faut reconstituer le capital public et imposer le pavillon français de premier registre pour tout le, cabotage national. Pour Marseille et sa région, on ne peut pas accepter de voir une entreprise de plus de 2 000 salariés disparaître du paysage », souligne-t-il avant de préciser que son groupe votera la motion et qu’il sera toujours « aux côtés des salariés pour faire face à l’avenir de cette entreprise ».
Mario Martinet, président du groupe PS, a pour sa part rétorqué à Richard Miron que « la solution du gouvernement Villepin (NDLR : qui avait acté la privatisation en 2005) n’a pas réussi » et qu’il s’était agi « d’un bon gaspillage » de l’argent public « au profit de certains ». Et le conseiller général UMP de rétorquer à son tour : « D’où l’intérêt de ne pas le refaire ».
Loïc Gachon, vice-président délégué à l’Economie, suggérait quant à lui qu’on rajoute au texte de la motion « le conseil général réaffirme son soutien à la SNCM », une proposition qui ne soulevait pas d’opposition.
Pour Jean-Noël Guérini, « il faut maintenir à Marseille le siège de cette entreprise ». Tout en indiquant n’avoir pas à commenter les décisions de l’Assemblée Corse, il note qu’elle « a fait des choix financiers au détriment de la desserte maritime, pour l’aérien, ce qui pose problème ». Il observe aussi que si l’Etat a fait appel sur le remboursement des 220 M€ exigé par la Commission européenne, « cela va demander 18 mois » avant de connaître la décision définitive. « Il y a 2 000 emplois en jeu, 1 200 à Marseille, 800 en Corse, plus les emplois d’accompagnement des PME-PMI à côté, soit 2 000 emplois supplémentaires. Au-delà de la SNCM, c’est la survie du port de Marseille et de ses activités industrielles qui est en jeu », insiste-t-il.
« Que Véolia et la Caisse des dépôts et consignations (CDC) assument leurs responsabilités »
Et Jean-Noël Guérini de poursuivre : « Qu’il y ait une restructuration à faire, oui. Mais que Véolia et la Caisse des dépôts et consignation (CDC) assument leurs responsabilités », plaide-t-il. D’autant qu’il considère que « quand on dit 600 postes supprimés, ça veut dire au minimum 800 ». « En même temps, il faut assurer la continuité de l’entreprise, et là, on ne sait rien », déplore le président du conseil général.
Il a également expliqué pourquoi il avait soumis une lettre à Jean-Claude Gaudin (UMP), sénateur-maire de Marseille, et Michel Vauzelle, président de la Région, qu’il remercie de l’avoir co-signée, pour s’adresser au président de la République car « la SNCM est aussi de la responsabilité de l’Etat ». « Qu’on ne se leurre pas, on sera nous, élus, en première ligne », avertit-il, en soulignant qu’outre « la survie de cette entreprise à Marseille, l’avenir du port », « un autre acteur est concerné la CMN, La Méridionale », qui a répondu conjointement avec la SNCM à l’appel d’offres pour le renouvellement de la DSP.
Enfin, réaffirmant que « nous n’avons pas le droit à l’erreur », Jean-Noël Guérini appelle l’ensemble des élus « à ce que nous parlions d’une même voix pour que nous défendions l’emploi ».
Approuvé à l’unanimité, le texte de la motion ayant été légèrement modifié au cours des changes, il devait être définitivement adopté en commission permanente qui s’est réunie à l’issue de la plénière.
Serge PAYRAU