Publié le 14 septembre 2015 à 21h32 - Dernière mise à jour le 29 octobre 2022 à 13h44
Dans le cadre de la journée d’étude nationale de la réforme de l’asile qui vient de se dérouler à la Villa Méditerranée à Marseille, le président de la Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale (Fnars), Louis Gallois, situe immédiatement l’importance qu’il accorde au travail à accomplir en matière d’accueil des migrants. «Le drame est là et l’honneur de l’Europe est en jeu. Soit elle est vieillissante, rabougrie, repliée sur elle, soit elle prend à bras le corps cette question et accueille avec chaleur ceux que la violence pousse vers nous», considère-t-il. «Les migrants, poursuit-il, les réponses que nous allons leur donner vont donc impacter notre avenir, notre modèle de société. C’est le devenir de notre République qui est en débat». Alors que nombre de politiques utilisent la question des migrants pour jouer «sur les peurs, exciter les passions», la Fnars rappelle: «Garanti par la Constitution et les engagements internationaux de la France, le droit d’asile ne peut être confondu avec une politique conjoncturelle de gestion des flux migratoires. Tous les demandeurs d’asile, à partir du moment où ils en font la demande doivent avoir accès aux mêmes conditions d’accueil et d’accompagnement et doivent être considérés comme des réfugiés potentiels. Les textes internationaux, les directives européennes relatifs au droit d’asile fixent des normes applicables à l’ensemble des demandeurs d’asile, sans distinction des procédures ou des situations de vulnérabilité». Il est avancé que «certaines populations migrantes présentent sur le territoire ne sollicitent pas l’asile en France ou ont été déboutées de ce droit» mais la Fnars réaffirme: «Le respect de l’accueil inconditionnel dans l’hébergement de toute personne en situation de détresse sociale doit être notre ligne de conduite et qu’il ne peut être demandé aux associations de solidarité de faire le tri entre les personnes en grandes difficulté sur le territoire».
La loi portant la réforme de l’asile a été définitivement adoptée par le Parlement le 29 juillet dernier «et nous passons à une étape de mise en œuvre». En effet, la Fnars avance 43 préconisations à l’intention des pouvoirs publics et des associations du réseau, «afin que cette politique de l’asile soit respectueuse des droits fondamentaux en matière d’accueil, de droit à l’hébergement et à l’accompagnement des personnes qui sollicitent la protection de la France». Ainsi, pour la Fédération le premier accueil des demandeurs d’asile «doit être le reflet des valeurs de solidarité et de fraternité, en respectant les droits fondamentaux des personnes». Pour cela, elle préconise des mesures très concrètes. Elle se prononce pour que soit donné à l’Ofii (office français de l’immigration et de l’intégration) et aux préfets les moyens d’un pilotage à l’échelon territorial par le biais d’un guichet unique. Ce dernier assurant une coordination effective des acteurs du premier accueil pour garantir l’accès aux conditions matérielles d’accueil et assurer la continuité des réponses sur les territoires prévues par les directives communautaires. De garantir la présence d’intervenants sociaux au stade du premier accueil des demandeurs d’asile avec des moyens en personnels permettant de réaliser effectivement les travaux des plateformes. De privilégier des modes de financements et contractualisation entre l’État et les associations afin de rendre le système plus performant. De ne pas faire peser la responsabilité du non-respect de la mise en œuvre du délai de trois jours sur les associations alors qu’il incombe à l’État pour l’enregistrement de la demande d’asile auprès du guichet unique.
«La directive communautaire accueil impose aux États membres de leur offrir des conditions de vie dignes dès leur arrivée»
A l’égard de son réseau la Fnars recommande que: «les associations élaborent et mettent en œuvre collectivement des réponses adaptées aux besoins sur les territoires et soient ainsi force de proposition à l’égard des pouvoirs publics. Quelles le soient également pour impulser une coordination entre les organismes en charge du premier accueil des demandeurs d’asile». En matière d’hébergement des demandeurs d’asile, «la directive communautaire accueil impose aux États membres de leur offrir des conditions de vie dignes dès leur arrivée, notamment un hébergement proposant un niveau de vie adéquat qui garantisse leur subsistance et protège leur santé physique et mental».
Pour une mise en œuvre effective du droit à l’hébergement la Fnars demande à l’État d’adopter une loi de programmation de 20 000 places d’hébergement, de tenir compte du taux d’équipement du territoire; de préserver la place des associations ancrées territorialement. De mettre en place une commission indépendante pour permettre aux demandeurs d’asile de contester une offre d’hébergement. De prendre en compte en cours de procédure l’évolution de la situation des demandeurs d’asile. A l’égard de son réseau, la Fédération considère qu’il faut refuser de développer des places d’hébergement dont les modalités ne permettent pas de garantir un accueil digne; de coopérer pour élaborer et mettre en œuvre des réponses adaptées aux besoins sur les territoires ; de se coordonner avec les acteurs du territoire; de promouvoir le travail social collectif.
«Garantir un hébergement et un accompagnement pour chaque demandeur d’asile»
Concernant le droit à l’accompagnement et à la prise en compte de la vulnérabilité des demandeurs d’asile, la Fnars indique : «La directive accueil impose aux États d’évaluer la vulnérabilité des demandeurs d’asile dès leur arrivée sur le territoire et d’adapter en conséquence les conditions matérielles d’accueil et la procédure de demande d’asile ». Forte de cela la Fédération estime que l’État doit garantir un hébergement et un accompagnement pour chaque demandeur d’asile, d’associer pleinement à l’élaboration des schémas national et régionaux l’ensemble des acteurs concernés, de mobiliser au niveau local les institutions pour favoriser au quotidien l’insertion des demandeurs d’asile; de donner des moyens financiers et humains aux établissements et services pour assurer leur mission d’accompagnement ; d’élaborer un référentiel de l’accueil et de l’accompagnement des demandeurs d’asile ; d’intensifier les partenariats ; de simplifier les procédures pour permettre un accès effectif au marché du travail ; de développer et organiser sur les territoires l’offre de soins. A l’égard de son réseau, elle propose de créer les conditions favorables à l’évaluation de la vulnérabilité ; de proposer systématiquement un accompagnement social ; de nouer des partenariats avec la plateforme d’accueil et d’accompagnement des demandeurs d’asile ; d’outiller et former les travailleurs sociaux dans l’aide au récit.
Quid de l’hébergement et l’accompagnement des personnes déboutées du droit d’asile ?
Quid de l’hébergement et l’accompagnement des personnes déboutées du droit d’asile ? La Fnars demande aux pouvoirs publics de garantir le respect des principes d’inconditionnalité et de continuité de l’accueil; d’anticiper les sorties des lieux d’hébergement pour demandeurs d’asile; de développer et accélérer les régulations; de garantir le respect des droits fondamentaux des personnes dans le cadre des procédures d’expulsion des lieux d’hébergement pour demandeur d’asile; de renforcer les moyens financiers et humains de l’Ofii. A l’égard du réseau Fnars est préconisé que les associations de solidarité refusent la gestion des centres dédiés pour le public débouté; être vigilant à ce qu’aucune interpellation dans une structure d’hébergement ne soit effectuée sans l’autorisation d’un juge; de légitimer le travail social et l’accompagnement; de respecter les principes de la loi informatique et liberté; d’accompagner les personnes déboutées dans l’accès à leurs droits. Enfin, concernant l’insertion des bénéficiaires d’une protection internationale, pour la Fnars, il importe «d’élaborer collectivement une convention nationale sur l’intégration des réfugiés et sa déclinaison territoriale. De faire évoluer la législation pour permettre une reconnaissance des compétences et des diplômes des réfugiés ; d’intégrer l’apprentissage de la langue française pendant la demande d’asile, de développer l’offre des soins en santé mentale ; de renforcer les moyens financiers et humains dédiés à l’accompagnement des étrangers en situation régulière. De son réseau, elle attend qu’il mette en œuvre des mesures d’accompagnement social global des personnes réfugiées.»
Michel CAIRE