Publié le 8 octobre 2015 à 18h30 - Dernière mise à jour le 27 octobre 2022 à 20h07
Toutes les vérités sont-elles bonnes à dire? Et à écrire… Emmanuel Petit en est certainement persuadé, lui qui vient de publier avec notre confrère Kader Boudaoud «Franc Tireur», un ouvrage où, celui qui est entré au panthéon du football français en 1998 en inscrivant l’un des trois buts de la victoire française en Coupe du monde face au Brésil, le 1000e but de l’équipe de France, laisse parler son cœur, ses tripes et son cerveau pour essayer de défendre ce sport qu’il aime tant.
Petit et Boudaoud, sur France Télévision, c’est le tandem des soirs de ballon rond depuis des années. Et comme Kader Boudaoud avant de parler dans un micro, a fait ses classes de journaliste, donc ses premières armes, dans la presse écrite, au Provençal, exactement, c’est presque naturellement que le footballeur a demandé à son compère de télévision de travailler en duo sur ce livre. Un opus qui réunit le témoignage d’Emmanuel Petit et, lorsque le besoin s’en fait sentir, des focus journalistiques de Kader Boudaoud à propos des périodes ou des faits évoqués. Ce qui permet une facilité de lecture des plus intéressantes.
Aujourd’hui, avec les derniers rebondissements en date concernant les instances mondiales du football et, en particulier, les affaires Blatter et Platini, les 231 pages du livre prennent une saveur particulière. Car, après avoir crié son amour pour le football amateur, après avoir livré ses souvenirs, dont un émouvant témoignage sur la mort de son frère foudroyé par une rupture d’anévrisme sur un terrain de foot -«Mon frère, cette lumière, ce guide, doué au foot et brillant en dehors n’est plus. Il a même refusé d’effectuer un essai à Monaco, il avait d’autres ambitions. Il avait 21 ans, la vie devant lui… On pense à lui tous les jours. »-; après avoir tenté d’éclaircir ses dissensions avec Zidane liées à quelques lignes écrites dans son précédent livre -«J’ai juste écrit qu’en cinq ou six années, on avait à peine échangé deux mots, ce qui est vrai, et que nous n’avions finalement rien à nous dire»-; après avoir dénoncé les pratiques actuelles du football professionnel «Et si pour leurs dirigeants, la priorité est de faire du fric, comment reprocher aux joueurs de perdre de vue le jeu pour l’argent. Ils ne font qu’agir comme l’ensemble de leur milieu et ses décideurs.»-; après avoir dévoilé le dégoût de ce qu’il a vécu au Barça -«J’ai vécu des choses que je croyais révolues et j’ai assisté à des scènes auxquelles je ne pensais jamais être confronté dans un vestiaire de foot : du racisme primaire. Pur et dur. A Barcelone le principe était tout bête : les Catalans étaient intouchables. Même s’ils étaient bidon sur le terrain, ils ne risquaient absolument rien, leur place de titulaire était garantie à vie.»-.
C’est la conclusion du livre qui interpelle
«Pour conclure… Il faut sauver le foot», titre-t-il. On y lit : «Et avec les derniers scandales qui ont touché l’institution chargée d’organiser et de garantir une certaine idée du football, avec les dissensions et les luttes de pouvoir qui peuvent exister entre la FIFA et l’UEFA au niveau international, entre la FFF et la LFP au niveau national, on peut être inquiets. Quelles sont les priorités ? On a l’impression que c’est plus le pouvoir qui les préoccupe que le le jeu et ses pratiquants. On parle d’avantage de politique que de football. D’avantage d’argent que de jeu.» Et de dénoncer par le détail la gangrène instillée par l’argent. Naïf, Emmanuel Petit ? Pas vraiment.
Réaliste assurément et un tantinet utopique lorsqu’il conclut en souhaitant que la FIFA soit «une formidable machine au service du football, de tous les footballs». Et d’ajouter «Mais l’argent ne doit plus être le principal moteur.» Et ça, c’est une autre paire de manches.
Michel EGEA
«Franc-tireur» par Emmanuel Petit, avec Kader Boudaoud, 231 pages – 18,90 euros. Collection de témoignages de Francetvsport, chez Solar.