Publié le 9 octobre 2015 à 21h15 - Dernière mise à jour le 27 octobre 2022 à 20h08
«Lorsque j’étais enfant, pour m’endormir, mon père faisait jouer un disque d’Oum Kalthoum; une chanson en particulier : Alf Leila Wa Leila (Les Mille et une Nuits). La chanson durait une heure, une heure de tranquillité pour lui… » L’enfance, les racines, la famille, Ibrahim Maalouf n’oublie rien, ne tourne le dos à rien. Comme si ces bases posées au fil des jours anciens étaient aussi celles de son succès actuel. Et elles le sont un peu, beaucoup… Tant et si bien qu’avec son compère le pianiste Franck Woeste, il s’est emparé de cette chanson pour effectuer avec elle une mutation singulière depuis les langueurs des mélopées arabes jusqu’aux notes bleus jazzy qui s’échappent des caves de Big Apple. Et ça fonctionne idéalement. Perché sur son nuage de bonheur qui ne cesse de grossir depuis sa victoire de la musique en 2013 et celle de l’enregistrement «Illusions» l’année suivante.
Ils sont vraiment peu nombreux, celles et ceux qui peuvent se targuer d’avoir affiché «complet» au Grand Théâtre de Provence ; Maalouf l’a fait, pas plus tard que jeudi soir. Mais, il l’a fait aussi l’avant-veille à Nancy, le lendemain à Cavaillon comme il le fera dans quelques jours à Genève. Le talent du trompettiste et de son quartet :
Franck Woeste au piano, Scott Colley à la contrebasse, Clarence Penn à la batterie et Mark Turner au saxophone a largement dépassé les frontières de la petite couronne parisienne ! Avec «Kalthoum» ils font un tabac. Une heure trente de musique superbement composée qui unit les civilisations dans une composition où les fameuses notes bleues se mêlent à celle, emplies de miel et de chaudes fragrances de la musique arabe. Sur le modèle traditionnel, Ibrahim Maalouf et les siens ont construit leur palais des Mille et une Nuits en une introduction, deux ouvertures et quatre mouvements. Ah, ce quatrième mouvement, point d’orgue lumineux et vibrant d’une composition enchanteresse parfaitement servie par un orchestre au top. Alors que les musiciens jouaient ce mouvement, un duvet est tombé des cintres… Une plume d’ange, peut-être, expédiée là par un Claude Nougaro extatique écoutant cette musique, ou encore quelques fils d’un mouchoir de soie que «l’Astre d’Orient» aurait laissé s’échapper de la main posée sur son cœur… Dans ce show, Ibrahim Maalouf n’oublie pas les racines. Ces dernières sont bien présentes lorsque Samir Homri entre sur scène avec son Oud. «Samir c’est mon ami syrien. Il est tapissier, aménageur, percussionniste, champion de judo.» Samir, c’est celui qui par son chant et son jeu va faire entrer sur scène l’esprit d’Oum Kalthoum en quatre minutes de musique. Et c’est celui qui, en fin de parcours, reviendra pour rendre aussi hommage à Fairouz le temps d’une chanson, choix dicté à Ibrahim Maalouf, enfant du Liban, par ses origines, mais aussi par quelques amis proches… Quarante ans après la disparition de la «cantatrice du peuple», c’est un bel hommage qui braque à nouveau les projecteurs sur elle. Merci Ibrahim Maalouf.
Michel EGEA