Publié le 29 octobre 2015 à 1h37 - Dernière mise à jour le 29 octobre 2022 à 13h44
Marseille accueille les 28 et 29 octobre la 2e université européenne de l’association française du conseil des communes et régions d’Europe (AFCCRE) qui traite d’une question grave : «les fractures en Europe, de nouveaux défis pour les territoires». Jean-Claude Gaudin, le sénateur-maire de Marseille, indique: «Depuis vingt ans, la ville s’est engagée résolument dans les dossiers européens et, en retour, l’Union Européenne a appuyé, accompagné de manière permanente, le développement de notre Ville». Puis Martine Vassal, la présidente du département des Bouches-du-Rhône, de plaider pour une Europe plus proche, plus humaine avant que l’universitaire Pascal Boniface n’évoque des citoyens européens «fatigués de l’Europe pendant que d’autres risquent leur vie pour rejoindre l’Europe». Jean-Claude Gayssot, ancien ministre, vice-président du Conseil régional du Languedoc-Roussillon, membre du bureau de l’AFCCRE, appelle à ce que la construction européenne se fonde sur la prospérité, la solidarité et la citoyenneté. Des valeurs à l’œuvre à Cologne, en matière d’accueil des réfugiés, comme l’expliquera Andreas Wolter, adjoint au maire de cette ville.
«L’Europe est trop lointaine»
Martine Vassal se réjouit de la venue d’Alain Juppé «Vous avez défendu le choix d’une France qui pèse dans le cadre d’une Europe forte et structurée. Vous avez porté une vision qui manque cruellement aujourd’hui». «Nous nous sommes rendus à Bruxelles où, avance-t-elle, Nous avons abordé diverses questions relatives au département, tant en termes industriel qu’agricole.» Elle mesure que «la fracture se développe entre les territoires et l’Europe et cette fracture politique et démocratique m’inquiète. L’Europe est trop lointaine, les élus locaux pas suffisamment défendus. Et j’ai pu constater à quel point les États et l’Europe peuvent se renvoyer la balle». Et de prévenir: «Attention, nous savons tous ici que les décisions prises à Bruxelles sont parfois le choix de nos incuries françaises». S’affichant comme européenne convaincue, elle indique que le Département des Bouches-du-Rhône est prêt à prendre sa part dans un travail pour renouveler les liens avec «une Europe qui doit prendre en compte les spécificités de nos territoires, doit retrouver un souffle».
«Il y a une fatigue, un désenchantement»
Un souffle d’autant plus important que, pour Pascal Boniface, «il y a une fatigue, un désenchantement qui fait que de moins en moins de gens votent et qui, lorsqu’ils le font, votent de plus en plus pour des partis anti-européens. La révolution ukrainienne est en partie liée à l’attraction européenne, la Géorgie veut devenir européenne, les pays du Sud de la Méditerranée veulent y être plus fortement attachés et des gens risquent leur vie pour la rejoindre». Une attractivité qu’il explique par trois chiffres : «L’Europe c’est 6% de la population mondiale, 22% du PIB mondial et 50% des dépenses sociales mondiales». Et, à l’heure de la mondialisation «cela se sait» et aucun mur ne pourra empêcher les flux. Selon lui : «La principale menace pour l’Europe est de savoir si on ne recrée pas une fracture Est/Ouest? Tandis que le principal défi est la démographie de l’Afrique sub-saharienne.» «Si rien n’est fait, poursuit-il, ce sont des dizaines de millions de réfugiés qui arriveront . Bush a fait de multiples erreurs, l’intervention en Irak en est une; le refus de la planification des naissances, au nom de ses croyances religieuses, en est une autre».
Jean-Claude Gayssot ne cache pas son inquiétude: «Si on ne voit pas qu’il faut agir au niveau des territoires, des pays, de l’Europe, alors on assistera à la montée du populisme, du rejet, de la haine.» Et, ajoute-t-il: «On peut penser ce que l’on veut du Plan Juncker mais il a le mérite de dire qu’il faut développer l’emploi». Il avoue : « J’ai honte lorsqu’un élu de Béziers parle, à propos des réfugiés, d’envahissement. De voir des murs se construire. Mais des murs nous en avons assez eu. C’est de ponts dont nous avons besoin. Et, arrêtons les fantasmes. On parle d’un millier de réfugiés dans notre région, soit 0,03% de la population et on ose parler d’invasion…».
Andreas Wolter, adjoint au maire de Cologne, montrera que leurs fragrances ne sont en rien aussi nauséeuses que celles de Béziers. Tout au contraire: «Nous sommes responsables du bon accueil des réfugiés; 2600 sont dans des Hôtels, parfois étoilés; 3000 dans des appartements et les autres dans des salles de sport ou d’anciennes usines aménagées. Et la population soutient toujours cette action». Cela n’a pas empêché un militant d’extrême droite d’agresser Henriette Reker, la candidate à la mairie de Cologne, favorable à l’accueil des réfugiés. Poignardée le samedi, elle a été élue maire le dimanche en obtenant la majorité absolue dès le premier tour».
Michel CAIRE