Publié le 8 novembre 2015 à 11h18 - Dernière mise à jour le 27 octobre 2022 à 20h44
Quatre ministres des deux rives de la Méditerranée, le secrétaire général du service européen d’action extérieure et Michel Vauzelle, le président de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, ont conclu les travaux de la conférence «Cohésion territoriale inclusive dans une Méditerranée en transition» organisée le 6 novembre par le Centre de l’Intégration en Méditerranée (CMI) et la région Paca dans le cadre de la Semaine Économique de la Méditerranée. Les territoires méditerranéens concentrent de nombreuses inégalités : le manque d’inclusion et de cohésion sociale et territoriale entraîne une croissance déséquilibrée, un taux de chômage important chez les jeunes, des phénomènes de discrimination, de la pauvreté, ainsi qu’une faible participation des jeunes dans la prise de décision publique. Un ensemble de thématiques qui a pu être débattu tout au long de la journée.
Une conclusion lors de laquelle ont été identifiés quelques domaines d’interventions prioritaires : favoriser la participation et l’inclusion des jeunes; encourager la mise en place de lieux de débat en rapprochant les habitants des processus décisionnels; renforcer la connaissance en favorisant l’accès à un enseignement de qualité afin de répondre aux besoins du marché du travail, y compris dans les zones rurales; créer des opportunités de développement aussi bien dans les villes que dans les zones rurales; promouvoir la mobilité et partager des expériences dans des domaines d’intérêt commun afin de permettre une véritable intégration méditerranéenne.
«Comment ne pas être interpellé lorsque l’on voit une nation se mettre à construire un mur à ses frontières?»
Patrick Allemand, vice-président de la Région, évoque les enjeux en termes de villes et de territoires : «La Méditerranée connaît le taux d’urbanisation le plus élevé au monde et les questions deviennent de plus en plus similaires entre les rives Nord et Sud ». Selon lui: « L’un des plus grand défis est d’atténuer les noyaux de pauvreté. Il le faut d’autant plus que cela engendre de l’isolement, de l’exclusion dans certains quartiers en proie à la radicalisation. Il importe donc de porter un intérêt soutenu à ces quartiers». Il évoque ensuite l’importance, face à ces mégapoles, de développer les villes moyennes de 50 000 à 200 000 habitants. «Un niveau intermédiaire crucial pour un aménagement du territoire équilibré». Au-delà de ces problèmes d’urbanisation, l’actualité, tragique, vient apporter son lot de drame, ses morts, et ses réfugiés. Patrick Allemand rend hommage à de petits pays tels le Liban, la Jordanie, qui accueillent sans argent des milliers de réfugiés. Et de dénoncer la position de l’Union Européenne et de certains États membres. «Comment ne pas être interpellé lorsque l’on voit une nation se mettre à construire un mur à ses frontières ?».
A ce sombre tableau l’élu ajoute quelques touches de couleur avec la régionalisation «qui avance sur la rive Sud». Expliquant: «Il s’agit de la mise en place de modalités qui permettent l’expression populaire, l’augmentation du nombre de femmes dans la vie politique notamment au Maroc et en Tunisie».
Mourad Ezzine, directeur du Centre pour l’intégration en Méditerranée (CIM) insiste sur deux thèmes fondamentaux : la cohésion territoriale et la croissance inclusive. Il rappelle que le Sud de la Méditerranée est la région «la moins intégrée au monde» et elle confrontée «à de nombreux défis». Précisant: «Elle est la moins stable à cause des attentats terroristes, connaît le plus grand nombre de réfugiés au monde». Et pourtant, ajoute-t-il : «Les peuples sont capables d’apporter des réponses. Ceux du Liban et de Jordanie forcent notre admiration pour leur accueil des migrants. L’attribution du prix Nobel de la Paix à quatre organisations tunisiennes est une preuve supplémentaire de l’aspiration de ce peuple à la paix et à la démocratie». Et, à un mois de la COP 21, poursuit-il: «Il est important de mesurer le rôle leader du Maroc en matière d’énergie renouvelable. Tandis que nous sommes honorés de la présence du ministre algérien de la Ville au regard de l’implication de son pays pour permettre au plus grand nombre de disposer d’un logement décent »
«La vraie question n’est plus de savoir qu’elle est l’origine de chacun mais quel est notre avenir en commun»
Jean Roatta, adjoint au maire de Marseille, en charge des relations internationales, constate : «La Méditerranée représente des marchés considérables, des opportunités d’investissement qui sont des sources de création d’emplois». Avant d’ajouter : «Il est également important de se pencher sur l’humain. Il faut savoir s’écouter, se comprendre, entretenir un dialogue serein et apaisé. Cela est d’autant plus vrai dans une période où les tentations de repli sur soi, de rejet de l’Autre, prennent de plus ne plus de place». Pour l’élu, il importe, en matière de coopération décentralisée, que chacun puisse se trouver «sur un pied d’égalité», qu’une véritable «politique décentralisée soit au service des populations». Et de dénoncer : «La démesure du capitalisme mondialisé qui ne respecte plus rien. J’ai la certitude que ce monde ne se fera pas uniquement par des échanges de marchandises et de capitaux». Il citera alors le général de Gaulle : «Il y a de l’autre côté de la Méditerranée une civilisation, une culture, un humanisme, un sens des rapports humains, que nous avons tendance à perdre dans nos sociétés industrialisées». Comme une réponse à Nadine Morano et tant, trop, d’autres.
«La vraie question, pour Jean Roatta, n’est plus de savoir qu’elle est l’origine de chacun mais quel est notre avenir en commun». considérant: « Il faut accroître les solidarités, permettre la reconnaissance de nos valeurs de tolérance, de respect et de l’écoute de l’autre ».
Étaient notamment présents, outre Michel Vauzelle ; Helena Dalli, ministre du dialogue social, des consommateurs et des libertés civiles de Malte ; Kamel Jendoubi, ministre auprès du chef de gouvernement chargé des relations avec les instances constitutionnelles et la société civile, Tunisie ; Driss Merroun, ministre de l’urbanisme et de l’aménagement du territoire Maroc ; Abdemadjid Tebboune, ministre de l’habitat, de l’urbanisme et de la ville, Algérie, Alain Le Roy, secrétaire général du service européen pour l’action extérieure, Union européenne ; Mourad Ezzine, directeur du centre pour l’intégration en Méditerranée.
Michel CAIRE