Publié le 26 novembre 2015 à 1h48 - Dernière mise à jour le 27 octobre 2022 à 20h44
Dans le cadre de la journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes de ce 25 novembre, une étude sans précédent en France et en Europe pose pour la première fois la question du rôle de l’entreprise dans la lutte contre les violences (verbales, psychologiques, sexuelles, physiques, économiques, administratives…) perpétrées sur les salariées en dehors du lieu de travail. Bien que commises dans la sphère privée, les violences faites aux femmes impactent directement ou indirectement le fonctionnement des entreprises : comment les entreprises réagissent lorsqu’un cas de violence est identifié ? Par qui cette situation est-elle identifiée ? Quelles actions sont mises en place ? L’étude de la Fondation Agir Contre l’Exclusion (FACE) réalisée dans le cadre du projet européen « Companies Against gendeR ViolencE » (CARVE) [[L’étude, réalisée auprès de 30 personnes-ressources, sur « l’implication des entreprises dans la lutte contre les violences faites aux femmes » de la Fondation FACE constitue la première étape du projet «Companies Against gendeRViolencE » (CARVE) (2014-2016) soutenu par la Direction Générale Justice et Consommateurs de la Commission européenne, dans le cadre du programme Daphné III.]] apporte un éclairage nouveau sur ce sujet encore tabou dans le monde du travail.
L’entreprise, refuge ou lieu de tous les dangers ?
Alors que 216 000 femmes ont déclaré être victimes de leur conjoint ou de leur ex-compagnon en France en 2014 et que plus d’un tiers des homicides sont perpétrés au sein du couple, l’étude de FACE souligne la volonté de toutes les parties prenantes de rapprocher le monde de l’entreprise du sujet des violences faites aux femmes. Elle met aussi ce paradoxe en évidence : l’entreprise peut constituer un refuge pour les victimes mais aussi un lieu de danger potentiel car connu des agresseurs.
Des actions très limitées face a l’ampleur du phénomène
L’étude de FACE montre aussi que les entreprises mènent des actions limitées face à l’ampleur de ces violations des droits humains, dont le coût économique et social est estimé à 2,5 milliards d’euros par an en France [[Daphné 2006, «Estimation du coût économique des violences conjugales en Europe»]]. Pourtant, des solutions existent pour permettre aux entreprises d’être pleinement actrices de la lutte contre les violences faites aux femmes. Renforcer l’information au sein des entreprises, réaliser des formations, rapprocher entreprises et associations, faciliter l’accès au logement des femmes victimes de violence, adapter les campagnes de communication et inclure l’entreprise dans le prochain plan de prévention sont autant de recommandations formulées par les auteurs d’une étude qui pose aussi la question de l’évolution du cadre législatif.
Orange, PSA et la Fondation Kering à la pointe de la lutte
Si certaines entreprises en sont encore au stade de la réflexion concernant la lutte contre les violences conjugales, l’étude de la Fondation FACE identifie des acteurs impliqués concrètement. Parmi ceux-ci, PSA et Orange ont institutionnalisé la lutte contre les violences faites aux femmes dans les accords d’entreprise. L’entreprise Kering a quant à elle créé en 2009 la seule fondation d’entreprise exclusivement consacrée à la lutte contre les violences faites aux femmes, la «Fondation Kering», qui soutient des ONGs, remet des prix à des entrepreneurs sociaux, lance des campagnes de sensibilisation, tout en impliquant ses collaborateur (trice)-s.
Une étude unique a l’échelle européenne
Dans le cadre de son étude sur l’implication des entreprises dans la lutte contre les violences faites aux femmes, la Fondation Agir Contre l’Exclusion (FACE) a rencontré une trentaine de «personnes-ressources» impliquées dans la lutte contre les violences faites aux femmes. Ces personnes représentent quatre entreprises (dont deux à travers leur fondation), une caisse régionale d’assurance maladie (en tant qu’employeur), huit associations, deux syndicats, quatre institutions et trois personnalités politiques.
En France, chaque année :
-216 000 femmes sont victimes de violences de la part de leur conjoint ou de leur ancien partenaire.
-Un tiers des homicides sont perpétrés au sein du couple.
-Les femmes se déclarant victimes de viols sont près de 86 000 chaque année.
Ces chiffres ne représentent qu’une estimation minimale de la réalité : moins de 15 % de ces victimes décident de porter plainte [[Ministère des Affaires sociales, de la Santé et des Droits des femmes, Les chiffres de référence sur les violences faites aux femmes, 2015 ]]
Fondation Agir Contre l’Exclusion (FACE)
Créée en 1994, à l’initiative de Martine Aubry, avec 13 Grands Groupes, la Fondation Agir Contre l’Exclusion (FACE), est aujourd’hui présidée par Gérard Mestrallet, PDG du groupe ENGIE. C’est un réseau national de 63 structures locales qui participent à des actions de prévention et de lutte contre l’exclusion, les discriminations et la pauvreté en apportant toutes leurs compétences d’acteurs économiques. FACE conduit ses actions en partenariat avec l’État, les collectivités territoriales et les acteurs associatifs et institutionnels locaux. Reconnue d’Utilité Publique, la Fondation rassemble et mobilise aujourd’hui plus de 5 200 entreprises locales et nationales, grandes entreprises, ETI et PME, souhaitant s’inscrire dans une relation dynamique avec leur environnement. Dans chaque champ d’intervention de la Fondation, des actions sont animées par les 63 structures locales, avec la participation active des entreprises et de leurs salariés : parrainage, parcours qualifiant, insertion par le sport et la culture, raccrochage scolaire, orientation métiers, actes de médiation sociale, accompagnement diversité des entreprises, accompagnement des collectivités, animation des ZFU, mécénat de solidarité, autant de moyens pour lutter contre les inégalités sociales en France.
CARVE
L’ambition du projet CARVE est de prévenir les violences faites aux femmes travers la mobilisation des entreprises. Le projet questionne les entreprises sur leur rôle d’accueil et d’aide pour les femmes victimes de violences avec, dans un premier temps, la réalisation d’une étude menée au sein de cinq pays. Un guide de bonnes pratiques sera ensuite élaboré et aura vocation à recenser les initiatives mises en place par les entreprises en ce sens. Mais il contiendra aussi des recommandations politiques concrètes à l’intention des décideurs publics. A terme, ce guide a vocation à être diffusé au sein de l’ensemble des États membres.
Comment les entreprises détectent-elles les cas de violences sur leurs salariées ? Comment agissent-t-elles ? Vincent Baholet, Délégué Général de FACE d’indiquer: «La Fondation FACE pose pour la première fois ces questions à travers son étude nationale sur l’implication des entreprises dans la lutte contre les violences faites aux femmes. A travers les conclusions de cette étude unique à l’échelle européenne, nous sommes convaincus que les entreprises doivent faire davantage, notamment en matière de détection, au nom de la promotion de l’égalité femmes-hommes et de la nécessité de s’assurer du bien-être de leurs salarié-e-s».