Publié le 17 novembre 2015 à 0h00 - Dernière mise à jour le 27 octobre 2022 à 20h44
«Paris, Paris, on t’embrasse. Près d’un millier de Marseillais s’est rassemblé ce lundi soir sous l’ombrière du Vieux-Port en hommage aux victimes des attentats de Paris. Rassemblés mais pas unis. Si les uns sont dans le temps du deuil, dans l’envie d’être ensemble, de dire non à l’horreur, d’autres jugent que le temps du politique revient. Et il en est pour afficher leur soutien aux propos du Président de la République quand d’autres jugent qu’il est urgent de mettre en œuvre la diplomatie. Alors, au-delà des différences, c’est une minute de silence qui rassemblera tout le monde suivie d’une vibrante Marseillaise qui se conclura par des applaudissements.
Alain Barlatier, secrétaire général de la FSU 13 indique être là en tant que responsable syndical, enseignant et citoyen. «Je suis ici avec d’autres, pour défendre les acquis de la République en termes de Liberté, d’Égalité et de Fraternité. En ce jour de deuil national nous ne sommes pas là pour polémiquer mais nous serons extrêmement vigilants sur toutes les mesures qui pourraient être discriminatoires ». «Ces attentats, insiste-t-il, ne sont pas un problème de religion, même s’ils résultent de l’utilisation d’une religion». Avant de considérer que la meilleure des défenses «c’est l’unité ». Pour Eugène Caselli, PS, il s’agit aussi «d’un moment de recueillement. C’est aussi l’occasion de dire que la France est debout et que personne ne la fera plier sur la défense de ses valeurs». Et de rendre hommage au discours du Président de la République devant le Congrès. En revanche pour Gérard qui est retraité : «Il faut protéger la population; il faut la Paix, une Paix juste sous l’égide de l’Onu. Et je déplore que ce ne soit pas le chemin pris par la France».
«J’ai un nœud au ventre»
Bastien avoue: «J’ai un nœud au ventre. Je suis venue parce que j’ai envie de partager, d’être avec d’autres. Ils veulent faire exploser le vivre ensemble, notre réponse est collective et cela fait du bien de parler, de se parler. En revanche, je regrette un peu de voir que ce sont toujours les mêmes qui viennent à ce type de rassemblement». Paul, 46 ans, s’inscrit dans la même logique: «Pas un instant je ne me suis posé la question: faut-il y aller ou pas? Pour moi, c’était une évidence. On est tous concernés par ce drame, être présents c’est témoigner mon soutien à toutes ces familles meurtries. C’est mon devoir de simple citoyen».
Marion est venue avec cinq amis étudiants, elle a 20 ans et parle pour son petit groupe : «On est tous fans d’Eagles of Death Métal. On aime sortir, assister à des concerts. On aurait tous aimé assister à ce concert. Alors comment ne pas être tristes aujourd’hui, on est là pour dire adieu à tous ces gens qui ont été victimes de cet attentat; pour parler aussi avec d’autres jeunes rassemblés ici, par solidarité, pour se sentir plus forts, par amour de la vie qui doit continuer».
«Il faut arrêter de parler d’Islam à propos de ces terroristes »
Bernard Morel, vice-président PS de la région Paca, ne cache pas son émotion : «Nous venons d’apprendre le décès d’un jeune maître de conférence… Je suis frappé par la jeunesse des victimes». Puis de lancer : «Il faut arrêter de parler d’Islam à propos de ces terroristes, même d’Islam radical, nous sommes là devant autre chose, devant de la haine». Stéphane Mari, PS, dirige la délégation des Bouches-du-Rhône : «Les victimes pourraient être nos frères, nos sœurs, nos enfants. C’est terrible». Élu des quartiers populaires de Marseille, il appelle avec force à rejeter toute tentation d’amalgame : «Cela n’a rien à voir avec la religion. Et les gens qui vivent dans nos quartiers sont, dans leur immense majorité, des gens paisibles qui, dans des conditions qui ne sont pas toujours faciles, essaient de vivre au mieux. Alors, la stigmatisation serait non seulement injuste mais elle ne ferait que traduire une double peine».
«Il fallait que je sois là ce soir»
Catherine et Dominique, tenaient eux aussi à être présents, ils revivent leur soirée du vendredi 13 : « Je regardais-raconte Catherine- « Les Noces de Figaro » sur Arte quand est apparu un bandeau sur l’écran annonçant ces attentats. J’étais sidérée, je n’arrivais pas à y croire. Ayant longtemps habité Paris avant de m’installer à Marseille, j’ai aussitôt appelé des amis proches; puis, contacté d’autres amis de Facebook résidant sur Paris intra-muros. Très vite tous nos réseaux se sont activés. Jusqu’à près de deux heures du matin, je suis restée devant mon écran: celui qui était parti chercher son fils à la sortie du match était bien rentré. J’étais heureuse pour lui, mais dans le même temps, de cercle en cercle d’amis, je découvrais aussi qu’une telle venait d’apprendre qu’une de ses cousines était parmi les victimes…Il fallait que je sois là ce soir, en communion avec tous ces gens, par respect, par devoir». Elle avoue que, la concernant, le temps de la réflexion géopolitique n’est pas encore venu: «Je suis encore sous le choc». Dominique son compagnon tiendra à ajouter : «l’État devra faire preuve de beaucoup de fermeté et d’une prise en compte de tous les problèmes qui font que nous sommes, quelques mois après « On est tous Charlie » à nouveau confrontés à un acte d’une telle barbarie».
«Nous sommes à un moment charnière»
Armelle est enseignante : «C’est d’abord un devoir de citoyen d’être là , de montrer que nous sommes tous en empathie avec ces familles qui souffrent de la perte de proches. Cela dit, je doute que l’on puisse en déclarant la guerre résoudre le problème. C’est une décision trop rapidement prise à mon avis; J’y vois le risque d’être un frein à d’autres actions qui doivent être mises en œuvre sur le territoire».
Pour Alain Hayot, PCF: «Nous sommes à un moment charnière. Nous sommes encore dans l’effroi et, en même temps, on sent que les citoyens sont en train de recommencer à prendre la main, se rassemble un peu partout, s’interroge. Le temps arrive d’aborder les questions auxquelles nous sommes confrontées : en premier lieu, la question de la guerre. Voilà 15 ans que le Moyen-Orient connaît la guerre et cela n’a rien réglé, tout au contraire, on a fabriqué des monstres et ce sont les nôtres, ceux de l’Occident».
Michel CAIRE
Diaporama Robert POULAIN