Publié le 4 décembre 2015 à 1h22 - Dernière mise à jour le 27 octobre 2022 à 20h55
Dans une salle qui n’avait pas fait le plein, les ténors de gauche ont sonné le tocsin du rassemblement et de la mobilisation autour des « valeurs de la République » face au danger du FN donné en tête dans les sondages. Et Christophe Castaner est apparu plus à gauche que jamais dans cette campagne…
Délégué départemental du Mouvement des progressistes (MDP) du Var, il s’appelle Lorenzo Mateos et il n’est assurément pas le soutien le plus médiatique de Christophe Castaner, le candidat socialiste à la présidence du Conseil régional Provence-Alpes-Côte d’Azur (Paca). Pourtant lui, il sait… il sait les ravages d’une gestion Front national. Il les a observés depuis les toutes premières loges lorsqu’il était conseiller municipal communiste entre 1995 et 2001 à Toulon. Alors à trois jours du premier tour d’une élection que d’aucuns promettent déjà au parti de Marine Le Pen, il témoigne. Celui qui a été une figure de proue de «l’opposition avec un grand O» à la gestion frontiste de Jean-Marie Le Chevallier se souvient d’ «une catastrophe». Sur les bords de la rade, cette dernière fut tout d’abord «économique» avec «le refus des entreprises de s’installer dans une ville marquée au fer noir». Elle toucha également «la jeunesse», l’une des premières décisions de la municipalité FN toulonnaise ayant été «la fermeture des centres de loisirs pour les jeunes d’origine modeste». Enfin, la culture ne fut pas épargnée avec «les attaques sur le Théâtre national de la danse et de l’image (TNDI) de Châteauvallon et Gérard Paquet». Et l’ancien élu d’évoquer encore «la suspicion» qui régnait dans la ville chacun se demandant au sujet de son voisin «pour qui il avait voté».
Face à ce danger de l’extrême droite, Lorenzo Mateos rappelle pourtant qu’il n’y a pas de fatalité. Et de raviver le souvenir de ces campagnes législatives victorieuses où les socialistes Robert Gaïa (Toulon Nord 1997) et Odette Casanova (Toulon Sud 1998) – dont l’ancien élu communiste était le député suppléant – avaient fédéré «gauche et républicains» pour «débarrasser» Toulon «de cette plaie». «Quand on explique aux électeurs ce que sont les enjeux, ce combat on peut le gagner», insiste-t-il. Et d’appeler à suivre «l’exemple de Toulon : montrons leur que nous sommes capables de nous débarrasser du FN». A «60 heures de l’ouverture des bureaux de vote», rien n’est perdu à ses yeux puisque «15% des gens entrant dans le bureau de vote ne savent pour qui ils vont voter». Alors l’heure est à la mobilisation. «Chaque voix va compter, et ce n’est pas une formule : c’est comme ça qu’on a gagné à Toulon.»
Un «Vichy 2015» et «un républicain à droite du FN»
Si ce premier temps fort du dernier grand meeting de campagne de Christophe Castaner a ravivé les vertus du combat de la gauche régionale, l’heure n’était pourtant pas à la fête, ce jeudi soir à Marseille, dans l’antre habituel de la Fiesta des Suds. Certes, la famille socialiste était au grand complet (*). Mais, donné largement distancé dans les sondages réalisés ces derniers jours, qui placent en tête au premier tour Marion Maréchal-Le Pen, le député-maire de Forcalquier n’avait pas fait le plein. Si des personnes avaient fait le choix de rester debout au fond de la salle, de nombreuses chaises n’avaient pas trouvé preneur dans les allées clairsemées. Et même le «pour nous, c’est Casta ! » lancé par le chauffeur de salle semblait manquer de peps…
Dans ces conditions, l’adversaire principal est sans contexte le FN. Christophe Madrolle, tête de liste des Bouches-du-Rhône, a été le premier à monter sur scène pour dénoncer les dangers du FN. «Si demain cette région est entre leurs mains, nous ne serons plus en démocratie. Non aux Le Pen, non au fascisme dans cette région», lance-t-il, donnant ainsi le ton de la soirée. Et de souligner que face à cette menace, «la gauche est debout, fière de ses valeurs». Dans la même veine, Jean-Luc Bennahmias (Union des écologistes) souligne qu’après être arrivé en tête dans 43 départements en mars dernier, le parti de Marine Le Pen pourrait aujourd’hui récidiver dans 7 régions sur 13. «Le FN n’est pas nazi mais il utilise toute la rhétorique de la montée du fascisme : peur, angoisse, nationalisme forcené», observe-t-il. Face à cela, l’ancien député européen en appelle à «reconstruire un Conseil national de la République» sur le modèle du Conseil national de la Résistance.
Après plusieurs allocutions sur le même ton, on n’en finirait presque par oublier que Marion Maréchal-Le Pen n’est pas l’unique adversaire de taille de Christophe Castaner dans la course à l’Hôtel de Région. C’est le président sortant en personne, Michel Vauzelle, qui va administrer la piqûre de rappel. Certes, il souligne que «(sa) région, il ne veut pas la voir détruire par une Le Pen», surtout « une plus proche de son grand-père et du fascisme , évoquant un «Vichy 2015 dont nous écarterons le spectre». Mais, celui qui est resté 18 ans à la tête de la région estime qu’il y a aussi en face «un républicain à droite du FN » en la personne de Christian Estrosi. «Il connaît Nice mais pas la région. Et il a prononcé des propos, « 5e colonne », « Arabes et musulmans dans les caves », que nous ne devons pas oublier», dénonce-t-il. Alors pour Michel Vauzelle, «c’est nous qui portons les valeurs de la République contre ceux qui s’intitulent Les Républicains». Et il plaide pour Christophe Castaner, celui qu’il appelle «mon candidat», «le meilleur candidat possible» qui «sera le meilleur gestionnaire et un motif de fierté pour nous».
«Monsieur plus» et celle «qui a fait de l’esquive»
Dernier à entrer en piste, le député-maire de Forcalquier a souligné à quel point l’enjeu de ces élections régionales pouvaient apparaître comme «décalé» à l’heure où «l’avenir de notre planète se joue à la COP 21» et où 130 vies ont été fauchées le 13 novembre dernier dans les attentats de Paris. Pourtant, il appelle à ce que «chaque larme, chaque goutte de sang» viennent «renforcer notre Résistance à l’obscurantisme et les valeurs de la République». Et notamment la première d’entre elles, «la laïcité». «Les hommes naissent libres et égaux en droits», lance-t-il à l’adresse de la petite fille de Jean-Marie Le Pen, avant d’enfoncer le clou : «La France n’est pas culturellement et spécifiquement chrétienne et elle dépasse largement votre simple attachement à une religion».
«Plus que jamais déterminé» à devenir président de la région Paca, Christophe Castaner apparaît également plus à gauche que jamais lorsqu’il prend un double engagement : «pas d’aide régionale aux entreprises sans contrepartie, et si ces entreprises s’en exonèrent, nous exigerons le remboursement» ; «les communes carencées (loi SRU) ne bénéficieront d’aucune aide du conseil régional». Il renvoie ensuite dos à dos Christian Estrosi, «monsieur plus» – «plus de routes, de trains… avec moins d’impôts» -, ce «porte-parole de cette droite qui, en se parant des thèses du FN, a offert les habits du dimanche à cette idéologie brune», et Marion Maréchal Le Pen, «qui a fait de l’esquive» avant que le vernis ne saute avec ses déclarations «sur les cathos, l’avortement» l’attaque du planning familial qui marque «le refus d’une liberté fondamentale que l’on veut retirer aux jeunes femmes».
Son ultime message pour battre «l’extrême droite» et «la droite extrême», il l’emprunte enfin à Nelson Mandela : «Que vos choix reflètent vos espoirs et non vos peurs», avant d’en appeler au «peuple de gauche» : «Levez-vous, dressez-vous et résistez».
Romain Giraudeau
(*) Notamment les députés Patrick Mennucci, Henri Jibrayel et Marie-Arlette Carlotti.