Si la table ronde organisée ce mercredi 17 juillet, en préfecture de Région à Marseille, n’a pas permis de trouver dans l’immédiat une issue à la grève perlée conduite par les dockers qui perturbe depuis début mai l’activité croisières du Grand port maritime de Marseille (GPMM), elle a toutefois fait baisser la tension d’un cran. A son issue la CGT a en effet décidé de suspendre son préavis de grève qui court jusqu’au 31 juillet. La nouvelle réunion à la fin du mois entre les dockers et la direction du Groupement des Porteurs de Bagages du port de Marseille sera cruciale.
Voilà deux mois maintenant que les bagages des croisiéristes sont au cœur d’un conflit social sur le port de Marseille. Aujourd’hui, ce sont les dockers qui s’occupent du chargement et déchargement des valises sur le bord de quai, avant leur prise en charge par des porteurs d’une société privée, le Groupement des Porteurs de Bagages du port de Marseille, jusqu’aux carrousels à bagages. Une situation qui née d’un accord scellé en 2008. Or, selon le secrétaire général du syndicat CGT des dockers de Marseille, Ludovic Lomini, il « n’était pas respecté » car « des salariés en extra sont embauchés le week-end pour faire la manutention jusqu’à la gare maritime, alors que ce travail revient à nous ». Depuis début mai, ils ont ainsi bloqué à deux reprises le port de Marseille. La dernière fois, le dimanche 7 juillet, ils avaient empêché bus et taxis de venir chercher les touristes, contraignant ces derniers à parcourir des kilomètres à pied, valise à la main, pour sortir de l’enceinte portuaire et trouver un moyen de transport.
Une revendication qui n’est pas dénuée d’intérêt financier car, comme le reconnaît le syndicaliste, « cela permettrait de faire travailler davantage de dockers ». Car les 400 que l’on compte sur les bassins Est du port de Marseille sont aujourd’hui principalement employés par différentes entreprises en fonction des besoins de main d’œuvre pour la manutention des conteneurs. Or, cette activité est en baisse sur les bassins de Marseille, alors que l’activité y est au contraire en pleine expansion : le cap du million de voyageurs sera franchi cette année, contre 890 000 en 2012 (soit cent fois plus qu’en 1992), pour des retombées économiques les 150 M€.
Aux yeux du patronat local, les dockers lorgneraient aujourd’hui sur le juteux marché des croisières et chercheraient à prendre la place de la société privée. « C’est dire : « ôte-toi de là que je m’y mette » ; ça nous nous y refusons ! », affirme Jacques Massoni, le directeur du terminal de croisières des compagnies Costa et MSC. Il juge ainsi cette revendication « complétement infondée et difficilement supportable économiquement », un docker coûtant « trois fois plus cher » que les salariés actuels.
« On devrait arriver à trouver un terrain d’entente »
Pour Jean-Luc Chauvin, président de l’Union pour les entreprises des Bouches-du-Rhône (UPE 13), une telle option « condamne la croisière à terme » car il considère que les armateurs n’accepteront jamais ce surcoût et iront accoster ailleurs. Lundi 15 juillet dans les locaux de l’entreprise Onet, à l’occasion de la visite à Marseille de Pierre Gattaz, le patron des patrons du département avait d’ailleurs suggéré « que certains acceptent un peu de mobilité » et donc « que les dockers aillent sur Fos si c’est là-bas que sont les trafics aujourd’hui », le trafic conteneurs se développant sur les bassins Fos. En écho le nouveau patron du Medef avait fustigé « une grève totalement irresponsable ».
Quant au sénateur-maire de la cité phocéenne Jean-Claude Gaudin (UMP), il avait dénoncé qu’« une nouvelle fois, ceux qui devraient avoir le plus à cœur de défendre l’activité du port de Marseille s’ingénient à l’entraver ». Elus et patronat redoutent en effet que l’ensemble de l’activité du Grand port maritime de Marseille (GPMM), en phase de reconquête de ses clients échaudés par les conflits sociaux passés, soit à nouveau affectée si le conflit venait à perdurer.
C’est dire si la table ronde de ce mercredi 17 juillet, qui s’est tenue sous l’égide du nouveau préfet de Région Michel Cadot, s’annonçait tendue tant les positions semblaient inconciliables. Elle a pourtant permis de renouer le dialogue entre les différentes parties et de faire baisser la tension d’un cran. La jugeant « constructive », la CGT a même décidé à son issue de suspendre son préavis de grève déposé jusqu’au 31 juillet.
La rencontre n’a toutefois pas permis de trouver dans l’immédiat une issue au conflit. Mais « on devrait arriver à trouver un terrain d’entente », juge Ludovic Lomini. La prochaine réunion à la fin du mois entre les dockers et la direction du Groupement des Porteurs de Bagages du port de Marseille portera sur « les détails techniques de l’accord ». Elle s’annonce d’ores et déjà cruciale.
S.P.