Publié le 30 mars 2016 à 19h57 - Dernière mise à jour le 27 octobre 2022 à 22h06
Jean-Paul Nail est correspondant de «Démocratie et Socialisme», revue dirigée par Gérard Filoche. Il indique les raisons qui font qu’il est en désaccord avec le projet de loi El Khomri 2.
La ministre du Travail affirme que l’objectif essentiel de son projet de loi est de faciliter la négociation entre les syndicats et le patronat. C’est Faux ! Absolument rien ne s’oppose, dans le droit du travail actuel, à ce qu’une négociation puisse se tenir et aboutir, dans une branche d’activité comme dans une entreprise. L’enjeu du projet de loi El Khomri est d’une toute autre nature.
Avec le Code du travail actuel, lorsqu’un accord d’entreprise est signé, il trouve deux limites à sa validité. D’abord, il ne peut s’appliquer que si les règles qu’il fixe sont plus favorable aux salariés que l’accord de branche. C’est la ceinture de sécurité.
Ensuite, en cas d’absence ou de silence d’un accord de branche, il ne peut s’appliquer que si les règles sont plus favorables aux salariés que la loi. C’est l’airbag.
Avec le projet de loi El khomri.2, la ceinture de sécurité et l’airbag disparaissent.
Les accords de branche perdent leur caractère protecteur. Ils ne peuvent s’appliquer que lorsqu’un accord d’entreprise ne fixe pas la règle, même si elle est plus défavorable aux salariés que celle de l’accord de branche. La ceinture de sécurité disparaît.
Les règles protectrices définies légalement sont réduites à leurs plus simple expression dans le projet de loi. L’ordre public social, fruit de multiples luttes sociales et politiques pendant plus d’un siècle cesse de protéger le plus faible. L’airbag part en fumée.
L’accord d’entreprise devient la principale sourcce du droit du travail.
Alors que l’entreprise est le lieu où les salariés sont les plus fragiles, les plus vulnérables au chantage à l’emploi.
C’est bien sûr, pour cette raison que le Medef soutient le PDL El Khomri. Il veut négocier avec des salariés sans protection, là où le rapport de force leur est le plus favorable.
Les «aménagements» annoncés par le gouvernement, le 14 mars, laissent intact le cœur du projet de loi. Le rapport de forces créé par les 400 à 500 000 manifestants du 9 mars, l’activité intense de la jeunesse sur les réseaux sociaux, les 1,3 millions de signataires de la pétition «Loi Travail Non merci !», la très forte opposition au projet de loi au sein même du Parti Socialiste, ont obligé François Hollande et Manuel Valls à commencer à reculer.
Ils ont reculé sur quelques points secondaires : Le barème qui devait plafonner les indemnités prud’homales n’est plus qu’«indicatif». Les critères de licenciements économiques restent tout aussi arbitraires, à une exception près : le juge pourra vérifier si une multinationale n’organise pas artificiellement des difficultés économiques pour une entreprise située en France afin de lui permettre de réaliser des licenciements économiques.
Les employeurs des PME de moins de 50 salariés ne pourront pas mettre en place des conventions de forfait-jour sans accord collectif… Mais, ces «aménagements» laissent indemne le cœur du projet de loi, ce qui l’irrigue et le structure: la suppression de la ceinture de sécurité et de l’airbag qui protègent aujourd’hui les salariés.
Ce projet de loi n’est pas amendable, la seule perspective réaliste est son retrait.