Publié le 17 juillet 2016 à 19h47 - Dernière mise à jour le 28 octobre 2022 à 15h30
Programmé de longue date ce 16 juillet au soir au Théâtre Antique d’Orange, ce «Requiem» de Verdi allait prendre une dimension toute particulière quelques heures après le massacre de la Promenade des Anglais à Nice. Pas de minute de silence mais, comme l’annonçait Jean-Louis Grinda avant le concert, devant le mur coloré en tricolore, «un requiem donné en forme d’hommage aux victimes de la barbarie». Dès lors, le fracas d’ouverture du «Dies Irae», cuivres tonitruants du jugement dernier, la plainte douce de l’«Agnus Dei» et la marche funèbre du Lux Aeterna allaient prendre une densité peu commune ; et les illustrations animées du dessinateur Philippe Druillet projetées sur le mur allaient donner une dimension hors du commun à cette interprétation.
Druillet, on aime ou non. Personnellement ses albums sont en bonne place dans la bibliothèque familiale, les aventures de Lone Sloane, Vuzz, Yragaël et les autres ayant animé mes lectures d’adolescent et de post ado. L’œil était sur le mur et regardait le monde. Fin des temps, jugement dernier, angoisse et paix : de son univers onirique, Druillet n’a aucune peine à sortir tout un peuple et ses monstres en quête de repos éternel. Couleurs agressives, dessins achevés, calages soignés : les fans sont conquis. D’autant plus que l’accord avec la musique est parfait. La musique, c’est d’abord un excellent orchestre national du Capitole de Toulouse placé sous la direction efficace de son chef Tugan Sokhiev. Ce dernier n’a eu de cesse, tout au long de la soirée, d’essayer de gommer les imperfections liées aux rafales du Mistral pour livrer un ensemble orchestre-chœur-solistes, cohérent et raccord. Il y est arrivé à force de travail. Très beau chœur que celui de l’Orfeon Donostiarra superbement préparé par son chef José Antonio Sainz Alfaro avec de la puissance du côté masculin, de l’élégance et de la finesse chez les pupitres féminins. Les quatre solistes se sont battus en permanence contre ce vent mauvais, rappelant combien être confronté à ce lieu si particulier est périlleux. Mais si tout ne fut pas parfait, les quatre sont arrivés à se hisser à la hauteur de cet événement hors du commun. A commencer par la soprano italienne Erika Grimaldi, remplaçant au pied levé Krassimira Stoyanova, qui vivait ainsi son baptême du chant à Orange. La jeune femme a laissé entrevoir de belles qualités, parvenant à monter très haut et à se faire entendre. Ekatarina Gubanova a su imposer son beau mezzo, voix de velours dans les moments plus paisibles délivrés par la partition. Joseph Calleja est toujours aussi imposant et puissant, seulement contrarié à trois ou quatre reprises par les conditions météo, tout comme Vitalij Kowaljow, basse dont la tessiture lui permet aussi une certaine facilité dans les aigus. Toutes et tous ont donné à ce «Requiem» cette dimension si particulière liée au contexte. Qu’ils en soient remerciés.
Michel EGEA