Jean-Louis Grinda, directeur des Chorégies d’Orange :  » Baisser le prix des places intermédiaires de 20% dès 2017, mettre en œuvre une programmation différente dès 2018″

Publié le 2 août 2016 à  18h47 - Dernière mise à  jour le 28 octobre 2022 à  15h32

Jean-Louis Grinda a accepté, il y a quelques mois, de devancer l’appel et de prendre en main la direction des Chorégies d’Orange qu’il devait rejoindre plus tard pour signer les éditions 2018, 2019 et 2020. Nomination anticipée pour cause de départ anticipé de Raymond Duffaut, directeur de la manifestation depuis 35 ans, démissionnaire à la suite d’un conflit avec la municipalité orangeoise. Metteur en scène et directeur de l’Opéra de Monte-Carlo, Jean-Louis Grinda a donc fait «un peu de ménage» dans son agenda afin de pouvoir s’installer efficacement dans son nouveau fauteuil directionnel tout en conservant ses autres activités. C’est un homme souriant et détendu, mais réaliste et conscient du challenge qu’il doit relever, que nous avons rencontré à l’heure où l’édition 2016 des Chorégies connaît ses dernières représentations avec «La Traviata».

Dans son fauteuil de directeur des Chorégies, sous le regard de Gwineth Jones et Léonie Rysanek (« Elektra » - 1991), Jean-Louis Grinda travaille pour que le plus ancien des festivals de France ne périclite pas (Photo M.E.)
Dans son fauteuil de directeur des Chorégies, sous le regard de Gwineth Jones et Léonie Rysanek (« Elektra » – 1991), Jean-Louis Grinda travaille pour que le plus ancien des festivals de France ne périclite pas (Photo M.E.)

Destimed : avez-vous eu de bonnes ou mauvaises, surprises en vous asseyant dans le fauteuil de directeur des Chorégies ?
Jean-Louis Grinda : Pas du tout. J’ai trouvé ici ce à quoi je m’attendais. Mais pouvait-il en être autrement après 35 ans de direction de Raymond Duffaut dont on connaît la rigueur de la gestion. J’ai trouvé une équipe solide, investie. Puis, vous savez, j’ai travaillé trois ans ici et j’avais des souvenirs très vifs de cette période. Je n’arrivais pas en terre inconnue. En fait, je suis très heureux d’être là.

Mais il y a ce déficit financier de près de deux millions d’euros qui plombe l’ambiance, non ?
Que les choses soient claires. Là aussi je ne découvre rien et j’étais parfaitement au courant et je tiens à souligner que cette situation n’est pas liée à la qualité de la gestion de mon prédécesseur. Il y a un vrai problème de sous financement des Chorégies. Les subventions ne couvrent même pas le fonctionnement du théâtre en ordre de marche. Il faut monter ensuite des programmes en spéculant sur le remplissage. Car, si on peut trouver un côté vertueux à l’autofinancement qui s’élève à 94%, c’est aussi un élément de fragilité qui mets les Chorégies à la merci du moindre incident.

Alors, qu’allez-vous faire ?
Ma mission est triple. Il me faut convaincre les pouvoirs publics qu’il faut refinancer les Chorégies au moins à la hauteur du théâtre en ordre de marche. Il faut ensuite traiter la dette, vraisemblablement par un emprunt lissant les remboursements sur plusieurs années ; les taux sont bas actuellement et la ville, le département et la région acceptent de se porter caution. Ensuite il faut remplir les salles. Rendez-vous compte que nous n’avons pas fait le plein pour «Butterfly»… Et du fait de la situation dont je parle plus haut, 1 000 spectateurs de moins ça se ressent. Je pense qu’il faut explorer de nouvelles directions en matière de programmation. On vient de faire le plein avec le concert Gershwin et nous sommes loin de remplir le théâtre avec le «Requiem» de Verdi. Je pense pour deux raisons : les places sont trop chères et les spectateurs veulent de la nouveauté. Ce qui se fait ici depuis quelques années ne marche plus. La crise est passée par là et les gens vont sur le low-cost. Puis il est difficile de renouveler le public en proposant Aida, Turandot, Lucia et autres œuvres du top 10 verdien et puccinien en alternance tous les trois ou quatre ans. Les Chorégies sont avant tout un festival populaire.

Concrètement quelles vont être vos actions pour remplir le théâtre ?
Nous allons baisser le prix des places de 20%, à l’exception des plus chères, et ce dès l’année prochaine. Je vais mener une action importante en direction des télévisions étrangères afin de faire connaître les Chorégies hors des frontières, tout en poursuivant la collaboration remarquable avec France TV. Puis il faut repenser les programmations, sortir des sentiers battus et des titres proposés aujourd’hui, aller vers la nouveauté et la jeunesse et surtout faire confiance au public. Si on ne tente rien, les Chorégies sont condamnées à terme. Mon boulot c’est de proposer, de décider et de concrétiser. Après on verra si ça marche. Mais je ne resterai pas les bras croisés. J’ai encore la santé et l’enthousiasme pour relever le défi.

Quel sera le premier opéra de la nouvelle ère des Chorégies que vous programmerez ?
«Mefistofele» d’Arrigo Boito. C’est un opéra exceptionnel qui va scotcher les spectateurs aux gradins. Puis, la dernière fois qu’il a été donné à Orange, c’était en 1905 et c’est Raoul Gainsbourg qui dirigeait les Chorégies. Raoul Gainsbourg qui fut aussi directeur de l’Opéra de Monte-Carlo… Si ce n’est pas un signe, ça, je n’y connais rien ! Puis un peu plus tard j’aimerais mettre en place une Académie de Chœur à Orange. Chorégies, chœur : quoi de plus logique ?

Propos recueillis par Michel EGEA

Changement de Traviata au pied du mur

C’est avec «La Traviata» que le rideau tombe, cette semaine, sur l’édition 2016 des Chorégies. Une Traviata mise en scène par Louis Désiré et qui devait avoir les traits de Diana Damrau. Mais cette dernière, fatiguée, a préféré renoncer il y a quelques jours. «J’ai tout de suite proposé par texto à Ermonela Jaho d’être Traviata, confie Jean-Louis Grinda. Elle était à New-York et m’a rapidement répondu qu’elle était heureuse de revenir ici au pied levé. Ça va être une très grande Traviata et après son succès en Butterfly, elle sera la reine de ces Chorégies». Rappelons que dans cette production, Francesco Meli incarnera Alfredo et découvrira le mur et que Placido Domingo sera Giorgio Germont. C’est Daniele Rustioni qui dirigera l’Orchestre National Bordeaux-Aquitaine.

Représentations les 3 et 6 août à 21h30.
Réservations : 04 90 34 24 24 – choregies.fr

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