Publié le 24 juin 2013 à 4h00 - Dernière mise à jour le 27 octobre 2022 à 15h38
Stéphane Juffa, le rédacteur en chef de « Metula News Agency » (Ména), du nom du village où il habite. « Au bout de trois jours de recherche du titre, nous nous sommes dits qu’il existait bien le Washington Post et le New York Times, alors pourquoi pas le Metula News, du nom de mon village, 1 300 habitants ». L’homme était à Marseille pour aborder la question Iranienne. Le propos devrait nourrir la polémique qui a favorisé le succès de ce site. Polémique nourri par certaines plumes de la rédaction qui ne manque pas de perturber : « mais nous avons 50% de journalistes juifs et 50% d’arabes ». Il n’en offre pas moins des pistes de réflexions pour comprendre ce qui peut advenir dans cette région du monde. Elles permettent de mieux saisir la position d’Israël… et d’autres pays, face à la question du nucléaire iranien.
« Il ne faut pas être angélique. Ce n’est pas parce que Hassan Rohani a été élu que l’Iran est devenu une démocratie du jour au lendemain. Et le Président de ce pays, quel qu’il soit, a toujours au-dessus de lui le Guide suprême, l’ayatollah Ali Khamenei. De même, il est évident que le peuple n’en peut plus. Il ne voulait plus du Shah, mais ce n’était pas pour avoir un tel régime. Tous les Iraniens avec lesquels nous avons pu parler pensent que le régime est inamovible. Une des raisons qui les conduisent à ce pessimisme, se sont les Bassidji, cette force paramilitaire fondée par Khomenei. Ils seraient 7 millions, un million étant visibles, les autres dormants, présents dans toute la société. Ils ne sont pas payés, mais bénificient d’avantages, logement, soins, éducation… ».
« On ne peut imaginer le Guide Suprême dire : je me suis trompé, on va arrêter »
Mais quel serait l’intérêt pour le régime d’organiser des élections ? « Cela coûte de l’argent. Les gens prennent les élections au sérieux. On l’a vu lors du dernier scrutin cela crée des tensions mais cela offre un passeport démocratique. Surtout, suivant les situations, et là, en l’espèce le nucléaire militaire, on ne peut imaginer le Guide Suprême dire : je me suis trompé, on va arrêter. En revanche, Hassan Rohani pourrait très bien dire : la pire des choses est la guerre, je déclare un moratoire sur le nucléaire militaire. Va-t-il le dire ? ».
Selon Stéphane Juffa : « Il est urgent d’avoir une réponse iranienne car, en juillet, ce pays aura obtenu le niveau nécessaire d’uranium enrichi lui permettant d’obtenir la bombe atomique. Or, si tel est le cas nous serons face à une puissance régionale qui cherche à obtenir l’hégémonie et dont, j’en suis persuadé, la principale cible sera les États sunnites. Mais il faut bien comprendre qu’il n’est pas supportable pour l’État d’Israël de voir l’Iran, qui ne cesse de menacer de le détruire, disposer de l’arme nucléaire car il n’y aura plus une nuit où un Israélien pourra dormir tranquille. » D’autant qu’au Liban « le Hezbollah, avec ses 80 000 roquettes, représente un deuxième front ». Il lance : « Israël s’est créé pour permettre aux juifs de se protéger en cas d’agression. Une Shoah, cela suffit. On ne va pas se demander quand on nous menace d’extermination si celui qui profère ces menaces le pense vraiment ou pas. » Stéphane Jouffa avance que ce qui va se passer est assez clair. « Pour Benyamin Netanyahou, la seule issue réside dans le fait de stopper le programme nucléaire iranien. Alors que l’Europe et les États-Unis ne sont pas en mesure d’aller au conflit et préféreront un compromis inacceptable, du type non à l’enrichissement à 80%, oui à celui à 20%. Alors que tous les experts reconnaissent que le plus dur est d’arriver aux 20% et que les applications civiles ne demandent pas plus de 3% d’enrichissement. Et le Président Rohanni est peut être celui qui va endormir l’Occident le temps nécessaire. » Selon le journaliste, Israël serait décidé à agir mais peut-il le faire seul ? « Oui, et il va se le permettre car mi-juillet, le point de non-retour sera atteint ».
« Les centrifugeuses dont disposent l’Iran pour enrichir l’uranium bénéficient des technologies occidentales »
Stéphane Juffa envisage toutefois dans un premier temps ce que pourrait être une intervention avec l’Occident, et, en premier, les États-Unis. « Dans ce cadre, non seulement les usines, mais des symboles du pouvoir pourraient être détruits et les gardiens de la révolution neutralisés. Il se pourrait qu’une partie de l’armée rejoigne l’opposition. » Mais c’est surtout l’intervention israélienne qu’il envisage après avoir spécifié : « Si nous en sommes là c’est que les centrifugeuses dont disposent l’Iran pour enrichir l’uranium bénéficient des technologies occidentales. Ainsi, il semble que Téhéran utilise trois programmes informatiques : un français, un allemand et un américain pour faire tourner son programme. Il faut dire que pour s’enrichir il n’y a rien de mieux que le commerce avec l’Iran. »
Il en vient à la possible intervention israélienne : « Elle sera ponctuelle, 70 à 75 installations œuvrent à la fabrication de la bombe. Cela ne signifie pas qu’il soit nécessaire de toutes les détruire. Pour faire reculer la menace il doit suffire dans détruire une dizaine afin de gagner plusieurs années puis d’effectuer des frappes d’entretien. Cela causerait un faible nombre de morts en Iran, une centaine. En cas de riposte iranienne nous pourrions déplorer dans le pire des cas 5 000 morts ce qui serait tragique pour un petit pays comme le nôtre. Par contre je ne pense pas que l’Iran cherchera à intensifier la guerre mais il peut chercher à ouvrir un deuxième front au Liban. D’ailleurs, au-delà du Hezbollah, il envoie maintenant dans ce pays des Pasdarans, les gardiens de la Révolution, l’organisation paramilitaire de la République islamique d’Iran dépendant directement du Guide de la révolution. Ils sont là pour forcer le Hezbollah à s’engager dans le conflit le jour où cela semblera nécessaire à l’Iran. »
« Bachar el Assad n’a pas arrêté de clamer qu’Israël aidait l’opposition ce qui était faux et ne l’est plus »
Ce pays apporte un soutien sans faille au régime de Bachar el Assad. « Ce dernier n’a pas arrêté de clamer qu’Israël aidait l’opposition ce qui était faux et ne l’est plus. Un hôpital israélien, construit sur le Golan donne des soins gratuits à tous les habitants du Golan Syrien. D’autre part, Israël survole régulièrement, pendant une journée, le Liban à basse altitude. Or, lorsque l’aviation syrienne voit des avions israéliens elle part, non par manque de courage, mais tout simplement parce qu’elle sait que ses avions sont obsolètes. Dans le même temps le Hezbollah se met en mode protection et, ainsi, ne va pas aider le régime syrien. »
Et il y a cette question d’un deuxième front, au Liban : « Les Iraniens développent des missiles courte portée qui peuvent transporter 200 kg d’explosifs. Il s’agit pour eux d’en doter le Hezbollah, le seul moyen pour cela est la livraison par avion jusqu’en Syrie puis en camion jusqu’au Liban. Mais, si Assad est vaincu, Israël est persuadé que, dans les deux mois, le Hezbollah sera vaincu au Liban car les chrétiens, les druzes et les sunnites ne les supportent plus. »
Il indique : « En cas d’attaque, il ne faut pas croire que les avions décolleront d’Israël, ce serait suicidaire, ils seront ravitaillés en l’air, attaqueront, et reviendront avec un nouveau ravitaillement au programme. Il faut, dans ce type d’opération, frapper fort et vite, il est certain que des négociations sont en cours, voire abouties, avec un certain nombre de pays proches de l’Iran et qui vivent ce dernier comme une menace. »
Michel CAIRE
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