Tribune libre de Marc La Mola : Déshabillons Pierre pour habiller Paul !

Publié le 2 décembre 2016 à  0h28 - Dernière mise à  jour le 29 octobre 2022 à  13h45

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Le commissariat de police du 16° arrondissement de Marseille devrait fermer la nuit. Après tout pourquoi pas ? Ce n’est pas comme si dans les quartiers nord se commettaient de nombreux délits ou comme si la majorité des victimes de règlement de compte étaient occises dans ledit secteur.

Ce n’est pas non plus comme si les citoyens avaient besoin de se rendre dans un commissariat pour y déposer une plainte, s’y réfugier à la suite d’une agression ou simplement être écoutés par des flics patients de côtoyer sans cesse la misère de cette société malade. Mais il est vrai que les flics n’écoutent plus depuis qu’ils sont obnubilés par leur lourde comptabilité de leur chiffre, de leur activité quantifiée. Ils ne prennent plus le temps ou n’en n’ont-ils plus à consacrer à cette mission, alors à quoi bon laisser un commissariat ouvert ?

Mais ce n’est pour l’heure semble-t-il qu’une rumeur, seulement des infos discrètement lâchées qui affolent les élus des quartiers Nord de Marseille et font réagir monsieur Laurent Nuñez, préfet de police, tentant d’éteindre un incendie dont les flammes ont commencé à réchauffer les oreilles de la population et des édiles attachés au service public et notamment celui rendu par les services de police. Si tant est qu’ils soient encore à même d’un rendre un …

Cette fermeture serait l’une des conséquences d’une profonde réorganisation de la Direction Départementale de la Sécurité Publique des Bouches-du Rhône qui elle-même n’est le résultat que des revendications des policiers de cette direction et notamment de constituer des équipages de trois fonctionnaires sur la voie publique.
Cette demande des flics de rue reste légitime mais il convient de mesurer, pour y répondre de manière conforme, le problème incommensurable auquel les autorités sont confrontées : celui des effectifs !
Il n’est pas nécessaire de rappeler que la police a vu ses effectifs fondre comme neige au soleil et que bon nombre de flics de terrain ont été réorientés vers des missions essentiellement répressives abandonnant de facto les quartiers difficiles. Il suffit de vivre dans notre ville pour se rendre compte que les patrouilles pédestres ont totalement disparu et espérer voir arriver, suite à un appel 17, un véhicule de police-secours relève de la science-fiction.

Mais, aujourd’hui Marseille est en manque, en manque cruel de fonctionnaires de police qui malgré les renforts promis ne sont jamais parvenus à atteindre l’effectif théorique et à combler un déficit qui ne fait qu’empirer. Alors le Préfet de Police, avec la complicité de monsieur Stéphane Bouillon Préfet de Région, pensent avoir trouvé la solution. Ils s’apprêtent à déshabiller Pierre pour habiller Paul !
Quelques fonctionnaires ponctionnés par ci, d’autres récupérés par là et les patrouilles se feront effectivement à trois fonctionnaires au lieu de deux. Ainsi la grogne des policiers serait maîtrisée au détriment, une fois de plus, du service public de qualité.

Bien ennuyés sont-ils pour prendre une décision qui faciliterait légèrement la tâche des policiers et surtout accèderait à l’une de leurs requêtes mais aurait l’effet d’une bombe à l’approche des élections. Choix Cornélien ou choix impossible à faire tant il n’existe pas de réponse, pas de solution à apporter pour désamorcer une torpille larguée par deux parangons auto-proclamés d’une police efficace ayant été, tous deux, ministre de l’Intérieur. Car les maux ne sont pas récents et ce ne sont pas les mouvements de protestation des policiers qui les ont fait éclore. Ils existent depuis quinze ans et je les ai moi-même connus alors en activité : c’est la fin des fondamentaux.
Jadis, terme utilisé comme s’il s’agissait d’une époque antédiluvienne, la police était constituée de plusieurs services ayant la charge de missions différentes mais ô combien complémentaires. Depuis les services de renseignement jusqu’à l’anti-criminalité en passant par la Police-secours les services remplissaient leur mission de maillage d’un territoire et d’assistance aux victimes.
Mais cela n’est plus. Mon discours est relégué aux calendes Grecques tant il paraît désuet, tant il n’est plus à la mode ou dans l’air du temps. Et pourtant cette police-là reste celle qui fût la plus efficace, la plus adaptée.
Et l’air du temps est aujourd’hui le port de gilet tactique, d’arme sur la cuisse voire de cagoule pour n’effrayer que les enfants aux sortir des écoles communales, car dès le collège les minots ignorent la crainte des flics, et ne plus parvenir à assurer les missions essentielles de police.

Mais visiblement une fermeture ne suffisait pas et le commissariat de la commune d’Allauch-Plan-de-Cuques semble aussi dans la tourmente ou plutôt dans la folle spirale de la condamnation des postes de police. Ce qui interpelle dans cette deuxième fermeture c’est surtout qu’elle intervient alors que la police était récemment venue remplacer la gendarmerie jugée moins efficace et, ironie du sort, fermée durant la nuit …
La mutualisation des effectifs n’est évidemment pas synonyme de multiplication et ces tours de passe-passe ne permettent toujours pas d’assurer le minimum de service public, à savoir l’accueil du citoyen en demande. Car il faut le savoir les commissariats restent des lieux dans lesquels transitent bon nombre de citoyens en perdition ou en difficulté et ce, même la nuit.
En contrepartie il est vrai que les effectifs récupérés iraient renforcer les binômes de terrain, conformément aux sollicitations des policiers.

Alors ne sommes-nous pas en droit de nous interroger sur des fermetures de commissariats, ne devons-nous pas raisonner et même s’insurger contre une telle décision ? Cela ne fait aucun doute et au-delà de cela il nous appartient, nous citoyens, de comprendre les stratégies des décideurs.
La recherche de personnels disponibles semble être devenue une obsession et même en raclant les fonds de tiroirs et des armoires aucun effectif supplémentaire ne sera découvert caché derrière les murs sombres de l’évêché. Nous devons payer les dégâts de la RGPP (Révision Générales des Politiques Publiques) et subir le manque de fonctionnaires de police sans omettre que cette responsabilité incombe à Nicolas Sarkozy. Il s’agit là d’un triste bilan qui confirme l’état de délabrement de la police et
par-delà ce que nous pouvons en espérer, nous les Français. Il n’en reste pas moins vrai que l’état semble se désengager une fois de plus sans être réelle force de proposition, sans donner un ersatz de solution hormis le déshabillage de ce malheureux Pierre pour vêtir ce pauvre Paul …

Du côté des syndicats de policiers et notamment Alliance Police Nationale (classé à droite) c’est le silence qui prime. Entre s’opposer aux fermetures programmées pour défendre le service public et abonder dans les sens des policiers, même s’ils ne maîtrisent en rien leur mouvement, pour ces organisations le choix est aussi difficile voire impossible à faire. Ces organisations ne brillant pas par leur force, leur gouaille et encore moins leur courage il faut s’attendre à ce qu’elles optent pour un mutisme complet et durable. Les derniers mouvements de protestation des flics de base les ont tant impactées qu’ils ne pourront pas décemment se positionner contre les fermetures, faites dans l’unique but de trouver du personnel disponible, sans pouvoir se placer du côté du citoyen et du service qui lui est dû.
Faut-il donc se résigner à voir des commissariats fermer leurs portes ?
Certainement pas car la résignation c’est l’abandon de la lutte, c’est le début d’un fatalisme dévastateur du peu de démocratie qui subsiste dans notre pays.

Gérer c’est prévoir. Ceux qui gèrent le pays avaient-ils prévu que les policiers se soulèveraient et exigeraient un renfort conséquent des patrouilles ?
Certainement pas puisqu’ils ne peuvent même pas imaginer de quoi demain sera fait et feignent d’ignorer ce qui couve dans les marmites de l’éducation Nationale et celle de l’hôpital. Devra-t-on demain quitter l’école sans savoir lire et écrire sans faute d’orthographe, devra-t-on venir à l’hôpital avec ses propres médicaments ?
Mais pour ces gens-là demain sera un autre jour !
En attendant Pierre va finir à poil …

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Marc La Mola

Marc La Mola a été flic durant vingt-sept années. Après des débuts à Paris il rejoint sa ville natale, Marseille et choisit les quartiers nord pour y exercer. C’est aussi là qu’il a grandi. Officier de Police Judiciaire à la tête d’un groupe d’enquête de voie publique il a traîné dans ces quartiers pour en mesurer les maux. Il a touché du doigt la misère et la violence de ces secteurs de notre ville. Marc La Mola a sans doute trop aimé son métier et c’est en 2013 qu’il décide de mettre un terme à sa carrière. «Après trop de saloperies brassées et surtout trop de turpitudes d’une hiérarchie devenue inhumaine car aux ordres d’une politique abjecte, Marc décide de retourner à la vie civile pour écrire.» Il est aujourd’hui auteur, romancier et scénariste. Chez Michalon Éditions il a publié : «Le sale boulot, confessions d’un flic à la dérive», «Un mauvais flic, lettre ouverte à Manuel Valls », «Quand j’étais flic …». Ces trois témoignages relatent les moments forts de sa carrière et ses différentes prises de position. C’est chez ce même éditeur qu’il publiera en mars 2017, « Police, Grandeur et Décadence » dans lequel il explique comment la police en est arrivée à descendre dans la rue pour manifester son mécontentement. Marc est encore romancier. Il publie chez Sudarenes Éditions un polar à l’accent Marseillais, «Le sang des fauves». En juin 2017 le personnage de ce premier polar revient dans «Vallis Clausa», deuxième volet des enquêtes de son personnage Randy Massolo, un flic torturé. Il est aussi scénariste et a signé l’écriture de plusieurs synopsis optionnés par des maisons de production. Il enseigne aussi l’écriture de scénarios à l’école supérieure du cinéma Cinemagis de Martigues (13)

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