Publié le 6 décembre 2016 à 21h15 - Dernière mise à jour le 29 novembre 2022 à 12h24
Les affaires Alstom et Volkswagen nous ont rappelé combien le poids diplomatique des États-Unis demeurait prépondérant dans les rapports de forces économiques. D’une exigence juridique de domination par la loi à l’application d’un soft power, la plus grande puissance mondiale -qui semble déjà concurrencée par « l’Empire du milieu »- emploie des méthodes peu compatibles avec son libéralisme affiché, ceci afin de s’assurer une prédominance en matière commerciale.
Pourquoi le sujet de l’extraterritorialité de la législation américaine est-il capital pour la France ? L’affaire Alstom, lors du rachat opéré par General Electric en 2014, nous offre une étude de cas particulièrement intéressante. L’ensemble du dossier prend une tonalité particulière lorsqu’on le rapproche de l’arrangement financier de plus de 800 millions de dollars obtenu par la firme multinationale avec les autorités judiciaires américaines suite à des soupçons de corruption.
L’Assemblée Nationale a récemment rendu public un rapport d’information (mission présidée par Pierre Lellouche) à ce sujet, soulignant l’existence de nombreuses entreprises européennes et notamment françaises se trouvant sous le joug de l’application de certaines lois américaines, financièrement et commercialement pénalisantes. La question de l’extraterritorialité ou plus concrètement de l’application des lois d’un pays à l’égard d’autres nations est-elle justifiée ? Si l’on considère qu’une réponse juridique ne semble pas suffisante, tant l’enjeu demeure avant tout politique et diplomatique, la constitution d’un cadre législatif adapté contribuerait cependant à permettre une réciprocité dans le cadre de certains accords internationaux.
La coopération avec Washington peut être une solution, si tant est que l’on anticipe les risques de prédation économique et que l’on soit en capacité de décider conjointement les conditions d’une telle alliance, notamment en matière de lutte contre la corruption internationale, le financement du terrorisme ou encore la fraude fiscale.
En tout état de cause, la question de l’extraterritorialité de la législation américaine offre un éclairage intéressant en matière d’intelligence économique ; elle met une nouvelle fois en avant la problématique du smart et du soft power, concepts majeurs des relations internationales qui devraient plus que jamais provoquer d’intenses réflexions sur la manière dont la souveraineté des nations est impactée de façon fort peu démocratique par les acteurs dominants de l’échiquier politique mondial. Il conviendrait d’être un peu plus vigilant face à la « machine de guerre » économique américaine, et de tenter de dynamiser nos propres dispositifs…