Publié le 22 décembre 2016 à 21h00 - Dernière mise à jour le 28 octobre 2022 à 15h46
Prenez un chef russe virevoltant, à savoir le passionné Maxim Emelyanychev, à la tête de quelques musiciens du groupe «Il Pomo d’Oro» cher à Riccardo Minasi, adjoignez-leur la présence presque magnétique du contre-ténor croate Max Emanuel Cenčić et vous aurez les ingrédients principaux du magnifique concert donné à La Criée ce mardi soir. Ce fut assurément Magic Cenčić, tant il est vrai que l’artiste a ébloui de sa voix incomparable tous les spectateurs du théâtre marseillais. Au programme des airs napolitains donnés avec grâce, légèreté et une impeccable mise en scène sonore et qui firent l’objet du disque «Arie napoletane» sorti chez Decca. Le concert débute sans le chanteur avec une Symphonie de Scarlatti où Emelyanychev à la direction et au clavecin donne la pleine mesure de son enthousiasme et de son amour pour le baroque, et une certaine forme de romantisme. Puis ce fut le «Quel vasto, quel fiero» de Porpora par lequel Max Emanuel Cenčić fit une entrée remarquable et remarquée. Tout de noir vêtu avec une chemise blanche, une sobriété tranchant avec l’exubérance du chef, le chanteur revisite alors tout ce répertoire d’airs napolitains qu’il aime tant et dont il est un ambassadeur des plus zélés. Jamais la voix ne tremble et si lors des premiers morceaux Max Emanuel Cenčić ne semble pas toujours à l’aise, il s’envole ensuite notamment après l’entracte où il nous gratifie de nouveau Porpora à tomber par terre. On s’aperçoit alors combien le Croate est un musicien hors pair, modulant ses effets, et prenant souvent tous les risques. A quarante ans (il est né le 21 septembre 1976) Max Emanuel Cenčić est de la trempe des très grands, et à l’égal de Franco Fagioli ou Philippe Jaroussky il demeure un authentique comédien, ce qu’il prouve d’ailleurs sur les scènes internationales à la tête de productions d’opéra toujours fastueuses. Ce qui frappe aussi à l’écoute du concert c’est de voir combien Max Emanuel Cenčić se détourne de tout esprit «variétés», les airs napolitains qui s’enchaînent balaient surtout le 17e siècle, et c’est au final un bel hommage aux castrats que furent Farinelli, Senesino ou Caffarelli qui provoquaient à Venise le délire du public. Une belle soirée où les musiciens du Il pomo d’oro et leur chef russe agrémentèrent de morceaux de Haase, Auletta, Scarlatti. Champagne donc et soirée de gala en compagnie de «Magic Napoletano Cenčić».
Jean-Rémi BARLAND
Max Emanuel Cenčić : Arie napoletane » avec Il Pomo d’oro et son chef Maxim Emelyanychev (CD Decca)