Publié le 1 août 2013 à 2h05 - Dernière mise à jour le 27 octobre 2022 à 16h07
Jean-Luc Monteil, âgé de 46 ans, est le nouveau président du Medef Provence-Alpes-Côte d’Azur (PACA) et de l’Union Patronale Régionale PACA depuis le 11 juillet dernier. Ce Bas Alpin qui dirige cinq PME (*) a alors succédé au très médiatique Stéphan Brousse. Il représentera la région PACA au sein du conseil exécutif du Medef.
Contrairement à votre prédécesseur Stephan Brousse, vous n’êtes pas marseillais et vous n’êtes pas non plus issu d’un département du littoral. Etre un Bas Alpin sera-t-il un atout ou un inconvénient dans vos nouvelles fonctions ?
En tout cas, si on a vocation à défendre la région dans sa globalité, c’est plus facile si on a un profil non marqué. Manosque est proche de tout, de là on a une vision sur tout, même si mes détracteurs diront qu’on a surtout une vision. En tout cas, je m’appuierai sur mon expérience de vieux militant de la cause patronale, une cause dans laquelle j’intègre toutes les composantes de l’entreprise qui vont des clients contents aux collaborateurs épanouis.
Parallèlement à votre mandat à la tête du Medef PACA, vous continuez à exercer celui de président du service de Santé au Travail des Alpes-de-Haute-Provence. Comment vous êtes-vous retrouvé à la tête de cet organisme chargé de faire passer les visites médicales aux salariés ?
C’est l’ancien du département qui m’a demandé d’intervenir alors qu’il y avait un conflit social qui touchait une trentaine de personnes avec une section CGT très active. Le préfet de l’époque m’a alors sollicité, et j’ai quitté en novembre 2012 la présidence de l’Union pour les Entreprises des Alpes-de-Haute-Provence (UPE 04) pour prendre celle de la Santé au Travail. Et depuis il n’y a plus de problèmes.
Vous avez donc une certaine habitude du dialogue social…
J’aime les gens et quand on les respecte, on crée du lien.
Le fait d’être un homme de presse puisque vous dirigez deux publications, donc un habitué des rouages de la communication, vous servira-t-il dans la lourde succession du très médiatique Stéphan Brousse ?
Parler, prendre des positions dans la presse n’a de sens qu’à partir du moment où on a quelque chose à dire, qu’à partir du moment où ce sont des sujets où il y un vrai travail ou une cause à défendre. Et je ne parle pas seulement de la cause de l’entreprise ou de l’entrepreneur mais de la cause de l’écosystème de l’entreprise dans son ensemble.
Stephan était une bête de scène, mais je n’ai pas vocation à faire du Brousse mais à faire du Monteil, c’est-à-dire à être le président d’une Région présent sur six départements. Monteil doit être le catalyseur afin que les représentants de l’économie régionale travaillent ensemble et se fédèrent sur l’avenir des entreprises et des salariés.
L’un des écueils que rencontrent les entreprises régionales, souvent des PME voire des TPE, est leur sous-capitalisation. Avez-vous des propositions pour y remédier ?
Je ne suis pas convaincu qu’à l’échelle d’une région on puisse apporter les réponses concrètes. Mon rôle sera de créer du lien avec la communauté patronale régionale dont le Medef est une composante. Je dois créer des liens avec Dominique Estève, président de la Chambre régionale de Commerce et d’Industrie (CRCI), le nouveau préfet de Région, Michel Cadot, avec la Région qui en économie, et notamment sur l’aspect formation, est un acteur incontournable, avec la Chambre régionale de l’Artisanat, et les représentants de la CGPME et des organisations syndicales. On a d’ores et déjà calé un certain nombre de rendez-vous.
Votre première prise de position a été de dénoncer un « Deux poids, deux mesures ! » en matière de transparence entre élus et entrepreneurs… (**)
C’est un sujet qui me touche. Je suis bénévole, je m’investis bénévolement dans un mandat, et je ne le fais pas pour des grandes messes ou un bénéfice personnel.
De par vos nouvelles fonctions vous serez la voix de la région au conseil exécutif du Medef…
J’y apporterai une spécificité, comme c’est souvent le cas avec le représentant de la région PACA, puisque je dirige 5 entreprises de moins de 20 salariés. Je serai peut-être la voix des TPE qui représentent 82% du tissu économique de la région. En tant que Manosquin, je suis dans la cible et j’aurai la légitimité du nombre.
L’un des dossiers clés de la région est la création de la future métropole Aix Marseille Provence que votre homologue de l’UPE 13, Jean-Luc Chauvin, a appelé de ses vœux. Quel est votre regard sur ce dossier ?
Il y a deux manières de l’aborder. Tout d’abord, de manière pragmatique, j’aurai tendance à dire que ça va permettre à cette belle partie des Bouches-du-Rhône d’être mieux coordonnée et de faire face à un certain nombre de dossiers, comme les transports qui sont une belle pagaille aujourd’hui avec une multitude d’interlocuteurs. La Métropole peut mettre du liant. Elle a vocation à gommer le trop de personnalité de ce bassin de vie : c’est bien d’avoir de la personnalité mais trop, ça peut nuire. Si on arrive à ce que le citoyen désigne ses futurs interlocuteurs, il va s’accaparer la Métropole et être un décideur lui aussi.
Et puis, il y a le côté émotionnel. De Manosque, on mesure que quels que soient les sujets et les périodes, on est toujours la proie de quelqu’un. Aix s’inquiète aujourd’hui de l’omniprésence de Marseille, de faire naître un monstre, mais vu de Manosque, le monstre, c’est Aix. On est toujours la proie de quelqu’un, le petit de quelqu’un. Dans la vie, on peut être le pharaon un jour, le guerrier égyptien le lendemain.
Mais les choses se feront.
Cette Métropole va-t-elle doter Marseille d’un outil indispensable pour être une capitale euro-méditerranéenne ?
Tout le monde en a conscience. Même des gens qui n’étaient pas concernés ne souhaitaient pas que la Métropole voie le jour car cela va créer une telle valeur ajoutée à ce territoire que d’autres seront obligés de se réformer. Les personnes seront obligées de lâcher un peu de lest, un peu de leur pouvoir. Car la Métropole, comme les communautés d’agglomération, ont vocation à être l’interlocuteur du territoire au niveau de la sphère publique, économique et sociale.
Vous remettez en cause ce que d’aucuns appellent les « baronnies »…
Oui. Ça fera son chemin et c’est bon pour les territoires : un peu de changement dans les organisations politiques avec un peu de renouvellement seront bénéfiques.
C’est quelque chose d’ancré dans la culture patronale où on exécute un ou deux mandats maximum : cela permet de ne « polluer » l’atmosphère que 3 ou maximum 6 ans. Je suis favorable à ce que l’on conserve ces CDD courts. Au bout de 3 ans, si on n’a pas fait du bon boulot, on doit s’en aller, ou on peut même ne pas être candidat si on estime qu’on n’a pas réussi ce qu’on voulait faire ou pas atteint ses objectifs. Et au bout de 6 ans, il y a une usure qui s’installe. C’est le moment où on commence à dealer pour conserver des majorités. Donc on dépense son énergie pour contrôler des majorités plutôt qu’à servir le citoyen qui vous a confié des responsabilités.
Aucune des cinq sociétés que vous dirigez ne travaille en relation avec le domaine portuaire. Là encore, est-ce que ce sera un atout alors que vos propos seront très attendus sur le port de Marseille, le plus important de Méditerranée ? Oui car ça permet de prendre un peu de recul et d’essayer de poser une vision juste et respectueuse des partis. Marseille ne bénéficie pas toujours d’une superbe image, tout le monde l’observe, alors que concernant le service portuaire dans sa globalité, il n’y a aucun doute sur la capacité des hommes à bien faire leur travail : le personnel est expérimenté et possède une certaine expertise.
Mais on n’arrive pas à se mettre autour d’une table pour discuter. Or aujourd’hui, quand il y a une grève sur le port, tout le monde en pâtit : l’agent d’entretien, le patron, le client, la notoriété du bassin d’emploi. En peu de temps, on fragilise un édifice qu’on a mis si longtemps à construire.
Donc il faut s’asseoir autour d’une table. Si les revendications ont un sens, elles doivent être écoutées. Sinon, il faut passer à autre chose. En sachant qu’à force de jouer sur le pouvoir relatif qu’on croit posséder, tôt ou tard, on finit par le perdre.
Un des autres pôles de PACA est la région niçoise qui souffre d’enclavement. Comptez-vous plaider la cause de dossiers tels que la Ligne à Grande Vitesse (LGV) ou le tunnel du Montgenèvre ?
Oui, et je l’ai fait pas plus tard que ce lundi midi (29 juillet) à l’occasion d’un déjeuner avec le préfet de Région. Christophe Colomb nous l’a appris il y a quelques siècles : il n’y a pas de commerce sans transports, sans voies de communication. Il est donc important pour nos amis niçois, par rapport aux Italiens, de créer du lien.
C’est la même chose pour l’A51 quand on voit le peu de km qui seraient nécessaires pour rejoindre l’Isère alors que la vallée du Rhône est saturée. Ce serait bénéfique pour toute l’économie du tourisme si demain on irriguait tout l’Est et le Nord-Est de la région, Cuneo, Montgrnèvre. Ce sont des éléments structurants. Le gouvernement veut œuvrer pour l’emploi. A ma connaissance, les entreprises françaises de travaux publics font appel à de la main d’œuvre locale et ce sont aussi des emplois d’avenir.
Finissons ce tour de la région par les Alpes-de-Haute-Provence. Ce n’est pas le département le plus industrialisé de la région mais il bénéficie actuellement des retombées du projet Iter.
Attention, Iter, ce sont les Bouches-du-Rhône. Après, on capte effectivement 40% de l’accueil des personnels d’Iter. Cela permet à l’écosystème manosquin de se nourrir d’une activité soutenue par ce projet, d’organiser des filières de formation structurées autour de Cadarache, initiées par Maryse Joissains et la communauté d’agglomération du Pays d’Aix (CAPA).
Les deux départements alpins ont aussi un potentiel touristique immense avec des locomotives comme l’Occitane, ou Proman dans le travail temporaire, Sanofi dans le médicament et Arkema dans la chimie. Les Hautes-Alpes possèdent aussi pas mal de pépites.
Avec l’aire d’Aix-Marseille qui connaît des difficultés d’accès, des problèmes de circulation, pas mal d’entreprises créent des activités où il y a une facilité à bien vivre et à se loger. Car si à Aix ou Marseille le loyer est trois fois plus important, le salaire reste le même. Donc on voit arriver des entrepreneurs qui ne sont pas forcément originaires des Alpes-de-Haute-Provence mais qui se disent que finalement, on est à une demi-heure d’Aix et pas si loin que ça des grands moyens de communication.
Si on arrive à finaliser l’A51 pour retrouver l’autoroute iséroise et à développer l’accès Internet via la fibre optique, car il faut qu’on puisse communiquer, on pourra continuer à développer des activités touristiques et du business.
Nombre de ces projets soulèvent l’opposition des écologistes…
Je rappellerai aux écologistes, dans le cadre du débat sur la transition énergétique, que l’énergie la plus facile à produire, c’est l’énergie hydro-électrique. C’est en effet la seule qui n’a pas besoin d’être stockée et quand il y a des pics, on ouvre les vannes. Or, si aujourd’hui on devait porter les projets colossaux qu’ont été les créations de barrages, ce serait impossible à cause des pressions écologistes, avec toutes les conséquences économiques qui en découleraient.
Donc, il faut trouver un juste milieu où on respecte l’environnement pour les générations futures, et où l’on a une qualité de vie et de travail pour nos concitoyens dont je ne suis pas sûr qu’ils aspirent tous à vivre dans un igloo ou sous une yourte.
Propos recueillis par Serge PAYRAU
(*) Gérant du journal des Basses Alpes et associé dans l’hebdomadaire Haute-Provence Info, il dirige la Compagnie Financière Colbert, la SARL Terres et Constructions, un réseau de franchises sous l’enseigne MonMeilleurBanquier.com et une résidence hôtelière (SAS Val de Durance Gestion).
(**) Le Medef PACA dénonce le « Deux poids, deux mesures » entre des ministres, responsables d’exécutifs locaux, conseillers de l’Elysée et membres des cabinets ministériels dispensés de la publication des déclarations de patrimoine et d’intérêts touchant les élus, et des entrepreneurs à qui on impose la communication des données confidentielles dans le cadre d’une cession d’entreprise.