Publié le 18 janvier 2017 à 18h56 - Dernière mise à jour le 28 octobre 2022 à 15h48
La Loi Labbé s’applique depuis le premier janvier. Et les collectivités qui ont préparé l’échéance respirent mieux. En milieu agricole toutefois c’est vers une réduction des quantités émises que s’achemine la société. Du mieux pour la qualité de l’air ? Pour le savoir il faut mesurer… longtemps.
«Il faut accepter que les petites herbes puissent pousser… Après tout qu’est-ce que le beau ?», Nada Verrecchia, la directrice générale des services de la petite commune de Saint-Marc Jaumegarde, s’est étonnée que le Syndicat d’Aménagement du Bassin de l’Arc, au pied du mont Venturi, lui recommande de demander la labellisation «zéro phyto». «Planter intelligemment, en pensant limiter l’arrosage, et ne pas contribuer à gâcher le lombricompostage de la cantine scolaire, ça coulait juste de source ». Elle reconnaît à peine que, cette normalité de 2017… à son arrivée voici près de vingt ans, il fallait oser la vouloir. Depuis le 1er janvier 2017, la Loi Labbé est entrée en vigueur. Les collectivités locales ne peuvent plus, sauf conditions particulières très limitées, utiliser de pesticides pour leurs espaces verts. Celles qui n’ont pas anticipé connaîtront sûrement des difficultés d’adaptation. Car si les fétuques et autres pissenlits en bord de trottoir ne font pas problème, les pratiques des employés communaux et la conception esthétique de nombre d’habitants elles, peuvent l’être !
Une opportunité de faire entrer le développement durable dans toutes les pratiques
Cyrille Casals, le directeur du Service Environnement de Miramas, le confirme : «Le maire, Frédéric Vigouroux, était demandeur, et la première préoccupation des élus était d’être en mesure d’expliquer les raisons aux habitants. Donc, l’enjeu était d’abord communicationnel. Avec un bon service com’ bien impliqué, ça se passe sans souci.»
Le personnel, trente personnes, a reçu toutes sortes de formations, et l’Agence de l’Eau finance à hauteur de 80 % l’achat de matériel désherbant alternatif. «C’est exceptionnel et garanti jusqu’en 2018 inclus. Ne pas en profiter c’est vraiment manquer une occasion !»
Les 40 ha d’espaces verts miramasséens ne reçoivent donc plus de glyphosate et autres poisons pour nappes phréatiques depuis 2015. Cette politique s’accompagne d’une réflexion active sur les essences à planter dans les haies, et sur le rééquilibrage des espaces avec et sans gazon.
Pérenniser la mesure des pesticides dans l’air s’avère indispensable
Si l’eau et la qualité sanitaire de nos aliments vont en profiter, la qualité de l’air devrait aussi être améliorée. Sans doute, mais qu’en sait-on au fait ? «Nous mesurons, depuis 2012, le niveau de phytosanitaires dans l’air, à partir de cinq stations réparties en région Paca», explique Alexandre Armengaud, ingénieur Air Paca en charge de la Coopération Scientifique et coordinateur de l’Observatoire Régional des Pesticides Paca. Ces mesures ont déjà montré qu’à Cavaillon, en milieu typiquement agricole, les concentrations de l’insecticide chlorpyriphos-éthyl pouvaient être importantes. « Ici c’est bien la surveillance dans l’air de cette molécule depuis 2012 qui a permis d’informer les élus, les agriculteurs et la population. Un prélude à des actions nécessaires qui ont entrainé une baisse des concentrations de l’insecticide dans l’air».
Après l’interdiction des pesticides dans les espaces verts, en verrons-nous réduire l’utilisation dans les terres agricoles ? «Dans leur utilisation raisonnée, il y a des progrès à faire. Là où trois épandages annuels sont réalisés, les experts agricoles s’aperçoivent qu’un seul peut suffire. L’enjeu c’est le porter à connaissance et la formation des utilisateurs», avance Alexandre Armengaud.
Or la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur vient de créer un dispositif qui pourrait y aider. Avec «Qualité de l’Air et Secteur Agricole Porté à Connaissance et Innovation dans le Cadre de l’Observatoire Régional des Pesticides », la Région financera à la fois l’animation professionnelle en milieu agricole et, pour partie, des mesures atmosphériques aussi onéreuses que nécessaires.
Actuellement Air Paca réalise chaque année environ 125 mesures et analyses de pesticides dans l’air. «Pour avoir une idée de l’évolution des concentrations, la pérennité du système est indispensable», reprend Alexandre Armengaud. «C’est la base même de tout réseau de mesure ; pouvoir comparer avec pertinence la situation sur de nombreuses années, afin de distinguer l’incident de la pollution de fond et d’évaluer l’impact des politiques publiques sur les niveaux de pollution», explique Air Paca.