Publié le 29 janvier 2017 à 23h41 - Dernière mise à jour le 28 octobre 2022 à 15h50
C’est une Maryse Joissains Masini, maire LR d’Aix-en-Provence, président du Conseil de territoire du Pays d’Aix, grave, offensive qui a présenté ses vœux, ne cachant rien de son inquiétude sur l’état du monde, réaffirmant son opposition à la métropole, qu’elle qualifie de « monstropole », jugeant «qu’elle n’est pas une fatalité». Sa position n’a pas changé et le soutien de la salle est bien réel lorsqu’elle affirme: «La fusion forcée -au sein d’une métropole intégratrice et centralisée- de territoires aussi divers et dans un espace aussi grand est tout simplement une hérésie. C’est réducteur et mortifère». Lançant: «N’en déplaise à un Conseil constitutionnel qui n’est plus que l’instrument d’intérêts particuliers et qui trahit ainsi son acte fondateur». Et elle n’aura pas de mots assez durs envers le Préfet Bouillon qui s’oppose à la vente des parkings de la Ville à la Semepa. Rappelle: «Valérie Pécresse, Patrick Devedjian ou Pierre Bédier ont demandé la suppression de la métropole du Grand Paris. Celle-ci est d’ailleurs inscrite en toutes lettres dans le programme du candidat François Fillon. J’attends du prochain quinquennat qu’il propose de poursuivre la décentralisation autour du bloc communal-commune et intercommunalité – et d’un bloc Région/Département en réintroduisant le conseiller territorial créé par la loi de 2010 de Nicolas Sarkozy». Propose: «Cherchons ensemble la voie d’une synthèse raisonnable entre l’unité et la diversité pour aboutir à un pacte territorial. Un pacte ambitieux pour la prospérité de nos communes et garant de la solidarité de proximité pour les citoyens de nos villes et villages». Nombre de ses adversaires n’apprécieront que modestement son propos lorsqu’elle annonce que, «si la santé est là», elle serait candidate à sa succession à la tête de la mairie d’Aix-en-Provence. Elle dénonce en premier lieu: «Un monde injuste. Un monde inhumain. « Le plus mauvais des mondes » aurait peut-être dit Huxley. Car, dans ce monde, l’argent a plus de valeur que le travail et la main invisible de la finance a giflé les plus faibles». Une manifestation lors de laquelle elle a été dans un premier temps interrogé par des journalistes avant de prononcer un discours.
«Ce monde est au bord de l’explosion. Réelle, virtuelle ou potentielle»
L’élue évoque un monde dans lequel «des guerres atroces, des crimes contre l’humanité, des génocides, peut-être ? – creusent un peu plus chaque jour cette fracture colossale qui sépare les hommes, divise les peuples, oppose les nations». Pour Maryse Joissains Massini: «Ce monde est au bord de l’explosion. Réelle, virtuelle ou potentielle, la guerre est partout, totale. À commencer par Alep, ville martyre, symbole d’une Syrie qui meurt où « l’horreur et la terreur sont les deux faces d’une même médaille », comme l’a si bien dit le représentant permanent de la France auprès des Nations unies». Et de juger: «Face à cette partition du monde, les candides, les idéalistes, les naïfs veulent abolir les frontières alors que le président élu des États-Unis promet d’ériger un mur entre son pays et le Mexique… et cela moins de 30 ans après la chute du mur de Berlin -censée mettre un terme à la guerre froide…». Toujours à propos de Donald Trump, elle poursuit : «En portant à leur tête cet oligarque sans l’expérience nécessaire, entouré de milliardaires, de lobbyistes et de banquiers, les Américains ont consacré la domination de l’argent roi. Ils ont joué les apprentis sorciers». Considère que «L’Amérique d’aujourd’hui, mais aussi celle d’hier, a déséquilibré le monde avec des guerres et des interventions injustifiées. Le résultat de ces opérations a créé l’insécurité dans des lieux géographiques où il n’y a plus d’État, où la gouvernance est exercée par des ethnies; des communautés qui dirigent le pays avec l’aide des pègres locales et régionales».
«Monsieur Trump… Vous n’avez pas le droit d’être isolationniste car l’Amérique se doit de réparer ses erreurs»
Et de lancer: «Ma conviction, monsieur Trump… Vous n’avez pas le droit d’être isolationniste car, l’Amérique se doit de réparer ses erreurs». A ses yeux, et elle le déplore: «La parole de la France est à cet égard étrangement absente». Puis de reprendre: «Ce monde est fou. Insupportable pour tous ceux qui le regardent d’en bas; ceux qui admirent ou s’indignent – face à leurs écrans – des exploits de quelques vedettes de la télé-réalité». Dénonce une publicité omniprésente qui «impose ses canons de beauté et de jeunesse éternelle créant simultanément le désir et la frustration et conséquemment le malheur». Maryse Joissains dit préférer «l’optimisme de l’action au pessimisme de la pensée. Contre la peur, l’humiliation et la résignation, je veux croire en l’espérance. Je veux croire en l’humanité. Je veux croire au mérite».
Elle en vient à «la» Présidentielle, si elle se réjouit «du succès de la primaire de la droite et du centre», elle déplore que Nicolas Sarkozy ne l’ai pas emporté, «Même si je suis disciplinée et que je soutiens Fillon, je considère que Nicolas Sarkozy était le seul à avoir le niveau, d’autant que, grâce à l’échec qu’il a connu lors de la précédente présidentielle il n’aurait pas commis les mêmes erreurs». Elle juge par ailleurs que «500 000 suppressions d’emplois de fonctionnaires c’est sans doute beaucoup», déplorant que la Gauche ait laissé périclité «cette belle idée qu’est le service public à la française». Concernant l’affaire Pénélope Fillon elle considère: «Si elle travaillait, il n’y a aucun problème, sinon il y en a un, mais je ne peux y croire car je considère que François Fillon est un homme d’honneur». Bruno Gilles, le responsable LR dans les Bouches-du-Rhône voit en Macron un danger, un point de vue qu’elle ne partage pas: «il ne le deviendra que si tout le monde dit qu’il est dangereux car enfin, il sait peut-être parler d’économie mais il a échoué au gouvernement».
«Vous, nous…, nos concitoyens, nos voisins n’ont plus confiance»
Le danger, elle le voit ailleurs: «Abstention massive et récurrente, lors des élections, rejet des structures partisanes et institutionnelles, profonde défiance vis-à-vis de la politique en général et de l’exécutif en particulier… ces gens-là, vous, nous…, nos concitoyens, nos voisins n’ont plus confiance». Pour elle: «Il est temps donc d’en finir avec une vision politique étatique, centralisée et jacobine dissimulée derrière le masque jovial de la démocratie. D’une démocratie en faillite, en péril ; une démocratie que la misère conspire et en laquelle les Français ne croient plus : plus du tiers d’entre eux considère qu’elle n’est pas forcément le meilleur des systèmes». Et d’ insister: «On ne peut sans arrêt invoquer, convoquer la démocratie et ignorer avec arrogance et condescendance la parole du peuple qui s’exprime. Qu’il s’agisse des accords de libre-échange, Tafta ou autre Ceta, du Brexit, de l’élection de Donald Trump ou du référendum sur l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes : il est temps de voir et d’écouter le pays réel ; de regarder le monde tel qu’il est, pas tel qu’on l’imagine. Car mieux vaut affronter une vérité douloureuse mais sérieuse que de se laisser bercer par une illusion heureuse».
Un enfantement de civilisation
Avant de se prononcer pour «Une révolution démocratique et humaine, d’où triomphe le droit des hommes. Une révolution des idées… Un fait d’âme. Un dépassement, un progrès, « un enfantement de civilisation », comme le clamait Victor Hugo dans un éloge à la Révolution». Elle met en lumière l’importance de dire non. «Non pas pour détruire le passé, l’héritage et les ancêtres, précise-t-elle, mais, pour ébranler le poids des dogmes ; pour éclairer la nuit des fausses certitudes ; pour écouter les doutes que fait naître une société toujours plus dure et pour inventer des pratiques modernes. Une nouvelle politique où la liberté et l’autonomie n’auraient d’égales que la conviction et la
responsabilité». Au-delà du non, poursuit-elle, «chaque citoyen doit pouvoir être coproducteur du futur».
Alors, pour Maryse Masini, les lois adoptées depuis 2012 sont mauvaises car, «élaborées par des technocrates», «elles tendent à éloigner la décision du peuple souverain». De citer le sénateur LR Bruno Retailleau : «Les Grecs ont créé la démocratie dans un espace réduit, de visage à visage. Pour que la minorité accepte la loi de la majorité, il faut des liens, de la proximité, il faut que l’élu soit à portée d’engueulade, si j’ose dire, plus souvent que de compliments. La démocratie nationale n’est que la projection de la démocratie locale. Plus vous éloignez la décision, plus vous allez distendre ce lien ».
Michel CAIRE