Publié le 3 août 2013 à 15h22 - Dernière mise à jour le 27 octobre 2022 à 16h07
C’est la 6ème et dernière escale du centre Pompidou mobile. Celui-ci fait halte, dans le cadre de MP 2013, sur l’îlot des berges aubagnais, situé sur la rive de l’Huveaune et sous l’œil bienveillant des bâtisses de la vieille ville. Il y dévoile ainsi 16 œuvres modernes et contemporaines. Ce jusqu’au 29 septembre.
« Moi ce que je trouve passionnant, c’est tout ce qu’il est possible de faire avec seulement deux formes : le cercle et le carré ». D’emblée, Claire la comédienne pose deux cadres lors de cette visite guidée. La thématique de l’exposition, tout d’abord. Puisque ce centre Pompidou mobile, s’étant arrêté dans 5 villes avant Aubagne, ultime étape de ces abstractions nomades, ouvre ses tentures sur cent ans d’art moderne et contemporain. Et plus particulièrement, sur 16 œuvres réalisées exclusivement à l’aide de deux formes géométriques : le cercle et le carré, donc.
Mais avec une telle accroche, la jeune femme nous fait aussi acquérir une certitude : cette visite guidée ne ressemblera à aucune autre. Car il ne s’agit pas là de refaire l’histoire de l’art. On n’en saura pas davantage en entrant qu’en sortant sur le parcours de Vassily Kandinsky ou les influences de Fernand Léger. Et encore, ce n’est pas sûr. Mais ce qui est indéniable, c’est que l’on aura, l’espace de ces quarante minutes, appréhendé les clés nécessaires au décodage de l’art abstrait. Car l’impératif, c’est bien celui-ci : faire en sorte que le visiteur ne reste pas hermétique à ces seize œuvres. Qu’il puisse se les approprier. Puisque l’art abstrait, c’est notamment cette faculté de « partir de la réalité et de la transformer », a rappelé la comédienne menant la visite. En un mot, il s’agit bel et bien ici de médiation culturelle. Et de surcroît, de qualité.
Munie d’une tablette diffusant des commentaires appropriés selon les œuvres, n’émanant pas forcément de chevronnés en la matière, mais aussi de scientifiques, d’ingénieurs… La comédienne nous met en effet habilement sur la voie. On captera ainsi, grâce à l’analyse d’une physicienne, que les cercles de couleurs composant l’œuvre du tchèque Frantisek Kupka, baptisée « Cercles de Newton », « donnent l’idée de mouvement. Newton avait inventé un disque de toutes les couleurs qu’il faisait tourner à toute vitesse. Et ce faisant, le cercle devenait blanc à notre œil. Car le blanc, c’est en fait la réunion de toutes les couleurs »… Passant ensuite près du tableau de Fernand Léger, « Le pont du remorqueur », Claire induit l’idée de correspondances, un tantinet baudelairiennes, entre la vue et l’ouïe. « Ne trouvez-vous pas qu’il y a des tableaux silencieux et des tableaux bruyants ? Celui-ci l’est incontestablement », avance-t-elle. Et si le public, venu étonnamment en nombre en ce jour caniculaire, mais timide, n’ose répondre à cette dernière, l’idée fait peu à peu son chemin dans les esprits. « Car l’important, ce ne sont pas les réponses. Ce sont les questions », nous souffle-t-elle à l’issue de la visite. Savoir donner des pistes de réflexion…
« Une œuvre d’art, est-ce que c’est forcément quelque chose de beau ? »
Mais malgré tout, peu à peu, le public se met à jouer le jeu. Lors de la découverte du tableau de Jesus Rafael Soto, « Carrés olive et noir », invité à se déplacer tout en gardant des yeux le chef d’œuvre, il entame alors un étrange ballet… « Vous avez vu ? Les carrés en relief semblent bouger, mais ce n’est qu’une illusion », commente la comédienne. Puis un peu plus tard, auprès de l’œuvre de Carl André, nommée « 144 carrés d’étain », ceux-ci étant disposés au sol, les langues se délient un peu plus. « On peut marcher dessus ? » demande une visiteuse. La comédienne lui répondra par la positive. Avant de faire naître dans l’esprit des personnes présentes l’idée que certaines œuvres peuvent être plates, sans relief. « Celle-ci ne vous fait-elle pas penser à un socle ? ». Sous-entendant ainsi que l’œuvre d’art, c’est celui qui pose les pieds dessus…
Ainsi, doucement mais surement, la magie opère. Et le commentaire entendu en début de visite, lors de la découverte de la roue de bicyclette de Marcel Duchamp, ne semble plus si saugrenu : « Certains disent : « mais je pourrais le faire, ça ! C’est très simple à réaliser ». Or, il ne suffit pas seulement d’avoir la technique. Il faut aussi des idées. D’autres disent aussi : « ce n’est pas beau ». Mais une œuvre d’art, est-ce que c’est forcément quelque chose de beau ? Quelque chose de difficile à faire ? Peut-être pas ! Peut-être que des œuvres simples nous touchent quand même, parce qu’elles sont fortes, ou émouvantes ». Le message est passé.
Beau présent que celui offert par le centre Pompidou, et notamment par Alain Seban, président de cette infrastructure culturelle ayant imaginé le concept de ce musée itinérant. Car, précisons-le, son accès est totalement gratuit. Une initiative en adéquation avec la politique locale en matière de culture pour tous, aime à préciser Magali Giovannangeli, présidente de l’agglomération : « accueillir le centre Pompidou mobile en pays d’Aubagne et de l’Etoile est un immense bonheur. La présence pendant trois mois à Aubagne du premier musée nomade au monde fait écho et correspond à la démarche qui est la nôtre depuis longtemps : faciliter et encourager la sensibilisation et l’expression artistique des habitants et rendre familières toutes les formes et disciplines artistiques grâce à un accès à la culture pour tous ». Et force est de constater que la médiation, hautement inventive du centre Pompidou participe pleinement à cet objectif.
Carole SIGNES
Centre Pompidou Mobile
Ilot des berges, quartier des Défensions
Du 29 juin au 29 septembre
Accès gratuit pour tous
Fermé le lundi
Du 8 juillet au 30 août : de 12h à 19h30
En période scolaire : de 12h à 14h et de 16h30 à 19h30
Visite gratuite et animée par un comédien tous les jours d’ouverture à 14h30.