Publié le 16 avril 2017 à 20h48 - Dernière mise à jour le 29 novembre 2022 à 12h30
Madame Marine Le Pen,
Si l’on m’avait dit qu’un jour je vous écrirai, je n’aurai pu le croire, tant nous sommes éloignés sur le plan des valeurs.
Mais vos derniers propos affirmant que «la France n’est pas responsable [de la rafle] du Vél’ d’Hiv » ou ceux de votre nièce Marion Maréchal – Le Pen claironnant que «Nous ne serons pas la génération qui s’excuse» me poussent à prendre la plume, par média interposé.
Je pense pouvoir dire que j’incarne, ainsi que la famille dont je suis issu, tout ce que vous voulez nier et effacer de vos livres d’histoire mais qui illustre pourtant parfaitement la fière devise de la France : « Liberté, Égalité, Fraternité ».
Aussi permettez-moi de me présenter. Je suis Professeur de Médecine exerçant dans un Centre de Lutte Contre le Cancer à Marseille et appartenant à la troisième génération de l’immigration russo-polonaise. Pour rester en vie, mes grands-parents durent fuir la terrible dictature qui avait trahi les espoirs de la révolution de 1917. Pour destination, ils choisirent le pays des libertés et phare des nations. La France les accueillit et ils devinrent Français. S’ils durent tout recommencer, apprendre la langue et un nouveau métier, ils se sont parfaitement intégrés.
Puis vint un terrible jour, où un gouvernement français décida de déchoir ma famille de sa nationalité française. Certains furent parqués dans des camps de transit, Pithiviers, Baume la Rolande ou le Vél’ d’Hiv par des policiers français. Ceux-là disparurent dans les cendres d’Auschwitz. D’autres qui furent sauvés par de simples citoyens, devaient rejoindre par la suite la résistance et la Deuxième DB du Général Leclerc.
Je suis issu de ces survivants qui ayant tout perdu, prirent un nouveau départ, l’espoir chevillé au corps.
Issu de cette histoire, ce n’est pas la haine ou la rancœur qui me furent enseignées mais l’amour et le service de son prochain. Après deux Doctorats, j’intégrais le service public et j’œuvrais dans le monde associatif pour le dialogue interculturel. Je devins élu du Crif et Président du Centre Culturel Juif de Marseille. Non pas du communautarisme, mais des associations de la République, des associations de Loi 1901.
Voyant la xénophobie, le racisme et l’antisémitisme une fois encore gagner du terrain, voyant votre parti à chaque élection se renforcer, il me fallait combattre ces idées sur le plan politique. Proche des idées sociales démocrates et du courant représenté par Manuel Valls, je devins membre du Parti Socialiste pour apporter ma pierre à l’édifice.
Revenons à votre réécriture de l’histoire. Au-delà de la juste émotion suscitée par des propos que ne renierait pas votre père, il est important de dégager les raisons profondes qui ont pu vous pousser à les formuler au seuil du premier tour de l’élection présidentielle.
C’est en cette période de Pâques que vous vous êtes exprimée de la sorte. Aussi, suis-je en droit de m’interroger : s’agit-il d’une coïncidence ou d’un choix délibéré ? Auriez-vous lu les mêmes textes, – la Hagada de Pessah-, que la communauté juive dans le monde entier ? Ces textes commémorent la sortie d’Égypte, le passage de l’esclavage à la liberté. On y explique également, à travers la personnalité de Moïse combien il est difficile d’être un leader, même en étant témoin de miracles.
Si c’est le cas, alors tout devient limpide.
Vous nous signifiez par des propos ne pouvant que soulever l’indignation que vous ne désirez absolument pas occuper la magistrature suprême. Terrifiée par les sondages qui vous placent au second tour et étant donné l’indigence de votre programme, vous prenez conscience qu’il vous faudrait plus d’un miracle pour arriver à redresser la France dans la « bonne direction ».
Alors Madame Le Pen, «Je vous ai compris».
Et soyez certaine, que je mettrai toute mon énergie à diffuser votre message au plus grand nombre et en particulier auprès de ceux qui ne l’auraient pas encore compris !