Publié le 17 avril 2017 à 23h05 - Dernière mise à jour le 29 novembre 2022 à 12h30
Il ne suffit pas de « déjouer » les manipulations de l’information et de traquer les fake news pour être capable de construire une grille de lecture du monde permettant d’en intégrer la complexité et de se comporter en conséquence. Les différents rapports sur la dé-radicalisation (notamment celui du Sénat de Jean-Marie Bockel et Luc Carvounas, en mars 2017 [[ senat.fr]] ) le montrent. Scotomisation et fantasme de domination totalitaire, de toute puissance, peuvent répondre au choc produit par la réalité.
La connaissance des phénomènes et des êtres que l’on se forge avec la raison et l’intuition a beau se révéler opérationnelle, elle n’en est pas pour autant toujours acceptable pour tout esprit, toute culture ou toute éducation. L’intégrisme religieux ou la logique sectaire illustre à la perfection l’écart qui risque à tout instant de séparer «connaissance opérationnelle» et connaissance acceptable.
C’est l’instrumentalisation de ce fossé à des fins criminelles que symbolisèrent les attentats du 11 septembre ou la tuerie du Bataclan. Les drames du World Trade Center, de Londres, de Madrid et de Paris nous rappellent que les analyses géopolitiques, sociologiques, macro ou microéconomiques ne satisfont pas le cœur et la conscience d’hommes et de femmes qui ont choisi de construire une interprétation délirante du monde pour expliquer et donner sens à la réalité des individus et des nations. Il serait d’ailleurs erroné de réserver à l’islam la possibilité de cette dérive radicale dont se nourrit le terrorisme contemporain qui inquiète le plus la communauté internationale. Chaque religion génère ses ayatollahs. Et pour cause : une matrice commune le produit. Cette matrice, c’est la peur… La peur d’un monde qui change, se fragmente, se décloisonne, mettant en contact ce qui autrefois demeurait séparé. Pourquoi l’islam le produit à notre époque, c’est là où l’histoire, la géopolitique, la sociologie, et les idées politiques devraient avoir quelque chose à nous dire.
Pour l’intégriste, il n’y a pas d’apprentissage du monde, nécessitant observation et réflexion. N’existe pour lui (comme pour tout esprit acquis au totalitarisme, fasciste ou soviétique) qu’une vision manichéenne de l’univers : au «Bien» que représente sa propre représentation du réel et les valeurs et préceptes qui en découlent s’oppose le « Mal », fait de toutes les interprétations divergentes. Dès lors, le Bien doit combattre le Mal jusqu’à son éradication intégrale… Voilà qui laisse peu de place à la nuance, à la tolérance et à la complexité. Le monde apparaît à l’extrémiste en deux couleurs seulement : le noir et le blanc. Il ne laisse aucun espace à toutes les teintes de gris. Aucun compromis n’est par conséquent possible : le mode d’action de l’intégriste tend vers la violence absolue (et donc le terrorisme) puisque l’affrontement total et l’élimination définitive de l’Autre et de sa pensée dissidente s’avèrent à ses yeux les seules solutions concevables.
On conçoit aisément à quel point cette logique psychologique se situe aux antipodes de l’attitude intellectuelle et morale que réclame notre temps. Depuis plus de vingt ans, les États, les peuples et les individus évoluent dans un environnement global caractérisé par une grande complexité et une forte incertitude. La fin de la Guerre Froide nous a tous rendus incapables d’identifier facilement un (ou plusieurs) ennemi(s). Il en découle une profonde complexification des relations internationales. Plus que jamais, les parties qui se jouent sur l’échiquier planétaire des rapports de force se révèlent longues, subtiles et parfois confuses. La recherche constante du compromis, des négociations permanentes entre des intérêts politiques et économiques divergents (parfois nettement antagonistes), colorent globalement les décisions des différents acteurs, même si certains influencent plus décisivement que d’autres le système international et sont donc régulièrement tentés par l’unilatéralisme. Il n’en reste pas moins que l’expérience irakienne et afghane ont refroidi les ardeurs solitaires du « sheriff » mondial et redonné quelque sens (même machiavélien) au multilatéralisme…
Mais, sous couvert du refus de la modernité et des valeurs dites occidentales, certains individus pensent venir à bout de la complexité connexe à tous les événements contemporains en se réfugiant dans une idéologie religieuse radicalisée, c’est-à-dire en développant une vision simplifiée de la réalité. En somme, ils rejettent tout ce qui ne corrobore pas leur interprétation du monde. C’est ce que l’on appelle, d’un vilain nom technique, la scotomisation. Ce dernier constitue un mécanisme de défense psychologique par lequel un sujet nie l’existence de certains phénomènes ou d’évolutions historiques et sociologiques qui lui paraissent intolérables. L’individu enclenche un processus de dénégation en refoulant tous les contenus, idées, images, phénomènes qui lui paraissent traumatisants. Le champ de conscience s’en trouve alors rétréci. S’agissant des mouvements s’articulant sur un fondement religieux, cette logique peut produire une puissance d’aveuglément menant à exercer les pires violences. Persuadés de détenir la « Vérité », certains mouvements religieux intégristes remettent bien évidemment en cause l’organisation politique ou sociale de certains pays mais s’attaquent également aux fondements théoriques de la science moderne.
Ainsi, les fondamentalistes chrétiens, qui représentent une part importante de l’électorat républicain américain, adhèrent au créationnisme et rejettent brutalement la théorie darwinienne de l’évolution des espèces. En 1925, un jeune enseignant du Tennessee fut assigné en justice pour avoir enseigné les principes de l’évolutionnisme dans un cours de biologie, en violation de la législation [[«Les intégristes», in Marianne-L’histoire, Hors-Série, août-septembre 2009]]. Quelques mois auparavant, en mars 1925, l’Etat sudiste du Tennessee avait en effet voté une loi interdisant dans les écoles l’enseignement de toute théorie contredisant le récit biblique de la création divine de l’homme. Cette loi, qui se voulait un geste symbolique et électoraliste envers les chrétiens fondamentalistes, resta lettre morte jusqu’au jour où le professeur Thomas Scopes osa évoquer dans sa classe l’évolutionnisme. Le 10 mai 1925, il fut donc inculpé. Si Thomas Scope fut officiellement mis en cause, ce furent en réalité son avocat Clarence Darrow, défenseur des thèses de Darwin, et l’avocat général William Jennings Bryan, gardien des valeurs les plus traditionnelles de l’Amérique profonde, qui monopolisèrent l’attention des magistrats et du public. Dans l’esprit de l’avocat général, l’affaire était claire : il y avait d’un côté le Bien, et de l’autre le Mal !… Aucun compromis ou « coexistence pacifique » n’était possible entre les deux conceptions de l’homme qui s’affrontaient dans ce procès : on se rangeait du côté de la Bible ou l’on rejoignait les impies partisans de Darwin. Clarence Darrow, libre-penseur notoire qui vouait une haine farouche à l’obscurantisme, à l’intolérance et au fondamentalisme, s’acharna quant à lui à démontrer que l’homme ne pouvait être compris qu’en termes mécanistes, la science offrant la réponse à toutes les questions philosophiques. Alors que la condamnation de Thomas Scope semblait certaine, Clarence Darrow décida de citer à la barre l’avocat général. Après un « interrogatoire » serré, ce dernier finit par admettre que les écrits de la Bible ne pouvaient être appliqués de manière infaillible. Ceux-ci devaient effectivement faire l’objet d’une interprétation dans un grand nombre de cas. Thomas Scopes ne fut finalement condamné qu’à une amende de 100 dollars pour infraction à la loi, condamnation cassée plus tard en appel. La loi « anti-évolutionnisme » du Tennessee resta en vigueur quarante cinq ans mais fut contournée le plus souvent par la substitution du terme de « développement » à celui d’ « évolution » dans les manuels scolaires. Si le « procès du singe » a fortement décrédibilisé les traditionnalistes religieux aux yeux de la population américaine, il témoigna surtout de la puissance aux Etats-Unis d’un courant fondamentaliste qui reste toujours influent en ce début de XXIe siècle.
Cette dynamique de refus de la réalité atteint parfois une telle intensité qu’elle peut provoquer des suicides collectifs dans les communautés sectaires (lesquelles partagent leurs logiques psychologiques avec les intégristes religieux). Il est certes difficile de comprendre comment le gourou d’une secte peut obtenir de la part des adeptes une soumission sans réserve, un enchaînement d’acquiescements successifs qui apparaîtront à ceux-ci comme des choix conscients, des décisions totalement libres. Pour décrire ce phénomène, les experts de la Miviludes [[Miviludes : Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires.]] évoquent « l’emprise sectaire », c’est-à-dire la mise en état de « sujétion ». Plusieurs étapes caractérisent le mécanisme de l’emprise [[Miviludes, Rapport au Premier ministre, 2006, téléchargeable sur : miviludes.gouv.fr]] . En premier lieu, la secte opère un travail de relecture du passé personnel du sujet avec un objectif de disqualification. Le discours tenu à l’adepte s’inspire de la fameuse formule : « Du passé, faisons table rase » !… La secte se focalise ensuite sur l’avenir de l’adepte et préconise une rupture, un changement radical. La même approche est appliquée à la vie familiale, affective et sociale. La secte exige dès lors de multiples engagements, chaque jour de moins en moins anodins : règles de vie quotidienne, dons, pratiques en tous genres… L’accumulation de ces consentements ponctuels aura, par la suite, une forte incidence sur les choix de vie cardinaux de l’adepte. L’organisation mène ensuite une analyse critique des déterminants éthiques de la conduite morale de l’adepte afin de les disqualifier au profit des valeurs du groupe sectaire. Ces dernières deviennent alors exclusives de n’importe quelle autre règle individuelle ou sociale. La dynamique de groupe caractérisant le fonctionnement des sectes facilite d’ailleurs l’adoption de ces valeurs sectaires par l’adepte.
En son temps, Machiavel [[ Idem]]. avait déjà analysé ce phénomène à travers le principe de l’engagement. Il écrivait ainsi au Prince : « Les gens vous aimeront plus pour ce qu’ils auront fait pour vous que pour ce que vous avez fait pour eux ». « L’engagement comportemental progressif est ainsi une arme d’influence redoutablement efficace : comment ne pas se persuader du bien-fondé de ce pour quoi on a tant donné, et comment remettre en question ce qui nous a déjà tant coûté ? Il semble souvent plus aisé d’ajuster ses croyances que de remettre en question ses comportements ; surtout quand les sacrifices demandés nous ont déjà fait franchir tant d’étapes vers l’objectif visé (pouvoir, sagesse, salut, santé ou nirvana) qui, pour ne pas être encore en vue, ne peut plus être très éloigné… »[[Idem.]].
Toutefois, ces éléments ne peuvent pas expliquer à eux seuls l’entrée des individus dans une secte. En effet, cette dernière doit déployer un ensemble de manœuvres de séduction pour attirer ses membres. Le rapport 2006 de la Miviludes indiquait que les organisations sectaires déclenchent chez leurs victimes un processus d’« identification projective » : « Les adeptes croient avoir trouvé dans la secte l’organisation rêvée, ils n’ont pas conscience qu’ils ont projeté en elle leur propre idéal. Dans ce premier temps, les adeptes ont donc l’illusion que la secte est parfaitement contingente et va répondre à leur demande (guérir, s’épanouir, besoin de spiritualité, etc.) ; ils se sentent investis et respectés comme jamais ils ne l’ont été. Dans un deuxième temps, l’organisation sectaire inclut puis « noie » la demande de l’adepte dans le projet collectif instauré par le leader. Ce projet est plus grandiose et plus séduisant : purifier la terre, viser l’épanouissement total de soi, expérimenter la relation au divin, atteindre l’immortalité, etc. J-M. Abgrall appelle cette deuxième phase « la séduction rétentrice ». En fait, le désir du sujet (sa demande) est complètement dénié au profit de celui du leader» [[ABGRALL J.-M., La mécanique des sectes. Paris, Payot, 1996, in Miviludes, Rapport au Premier ministre, 2006, téléchargeable sur : miviludes.gouv.fr]] .
L’assentiment de l’adepte doit cependant s’interpréter aussi comme un rejet ou une défiance vis-à-vis des appareils sociaux, politiques et religieux. Face au flot désordonné et permanent des discours et des valeurs antagonistes que déversent tous les médias (parmi lesquels il se révèle extrêmement difficile de faire le tri), la « recrue » est séduite par le discours apparemment rigoureux et alternatif des sectes. Ces dernières sécurisent le disciple en lui proposant une vision certes réductrice de la réalité mais dispensatrice d’harmonie. Dans un environnement complexe où tous les acteurs et les évènements forment une gigantesque chaine d’interdépendances, le discours sectaire (qui distingue clairement et de manière simplificatrice le Bien et le Mal) apparaît sécurisant. En outre, la dynamique du groupe s’articule autour de l’acquisition par l’adepte d’un savoir réservé aux « élus », permettant de découvrir des réalités inconnues : or, rien n’apparaît plus valorisant pour un individu en quête de repères et de sens que la conviction d’appartenir à un cercle extrêmement restreint d’initiés, ayant seuls accès au Salut. Il atteint un sentiment de toute-puissance par procuration.
Le processus d’endoctrinement repose parallèlement sur la transformation de la personnalité du sujet. Celui-ci doit en effet fournir des efforts, « progresser » pour espérer voir se réaliser les promesses de la secte. L’organisation emprunte alors plusieurs chemins pour donner naissance à « Homme nouveau » : l’identification et l’exploitation des vulnérabilités du sujet, l’instinct grégaire, le recours à l’émotionnel, l’utilisation d’une « novlangue » spécifique (la secte associe le Bien, le positif, au « nous » et le Mal, le négatif, à « eux »), la production d’effets visibles à court terme, la mise à distance des influences extérieures, les prescriptions, l’immersion dans l’enseignement doctrinal, et la promotion « interne », c’est-à-dire l’accession à des postes de responsabilité au sein de la secte. L’endoctrinement doit s’étaler sur une longue durée et faire l’objet d’un travail en profondeur. Mais la condition préalable indispensable est de générer chez l’adepte une forte déstabilisation psychologique en le contraignant à abandonner toutes ses certitudes, tous ses repères antérieurs ; lui est offert en contrepartie une restructuration de la personnalité selon un modèle défini par le leader du groupe. Le malaise et les doutes qu’il peut ressentir disparaissent grâce à la présence bienveillante du « guide » lui répétant des messages destinés à devenir des certitudes intangibles. De la même manière, les liens fusionnels avec le reste de la communauté remplacent les relations antérieures avec la famille et les amis. Enfin, l’endoctrinement ne peut durer que si la secte organise régulièrement des « renforcements » permettant de relancer la dynamique d’appartenance et d’emprise. Ainsi, chaque sujet fait l’objet d’une surveillance étroite pour pallier ses « défaillances ». Toute forme de doute se voit alors interprétée comme un retard dans le processus d’apprentissage.
Le résultat de ce processus d’assujettissement mental est la naissance chez le sujet de certitudes inébranlables, imperméables à toute information discordante, c’est-à-dire à toute remise en cause. Les adeptes revendiquent la détention exclusive de la vérité et ne tolèrent aucune analyse divergente. Il ne s’agit pas seulement de convictions acquises mais d’une transformation totale et profonde de la grille de lecture et d’interprétation du monde. Toutes les données reçues sont traitées et sélectionnées à travers le filtre de la doctrine de la secte. Emmanuel Diet [[cf. DIET Emmanuel, « La destructivité sectaire », in Raison Présente, n°143, 2ème trimestre 2002, p. 111, cité par le Rapport au Premier ministre 2006 de la Miviludes.]] explique ainsi que « les sectes correspondent pour le psychanalyste à la réalisation et à la mise en œuvre de procédures et de processus qui attaquent à la fois les conditions de la pensée et du désir singulier, la constitution du lien social et les modalités du vivre ensemble. Entreprises d’aliénation programmée, elles visent à créer une soumission totale à un nouvel ordre».
Mais il n’est pas question de suggérer ici que la religion, et a fortiori l’intégrisme, relève exclusivement de l’irrationnel, apparaît incompatible avec la connaissance, et déboucherait par conséquent inévitablement sur un fanatisme appartenant à la galaxie des totalitarismes idéologiques intrinsèquement voués à la violence. Allons plus loin : les profils sociologiques et les modes d’action des terroristes indiquent que ces derniers ont souvent suivi des formations scientifiques… De ce fait, développer l’enseignement scientifique constitue assurément une bonne initiative mais ne résout nullement le problème de l’extrémisme religieux ! Rappelons ici que les membres d’Al-Qaida et de Daech savent se servir comme n’importe qui des technologies de l’information et de la communication : ils utilisent couramment des ordinateurs et des téléphones portables et se servent rarement de signaux de fumée pour communiquer… Les intégristes ne rejettent nullement les sciences et les technologies dans la mesure où elles ne portent aucune référence éthique ou politique. Dès lors qu’elles sont indifférentes à toute valeur, ces connaissances peuvent utilement servir des desseins théocratiques. En revanche, les valeurs des Lumières, parce qu’elles s’identifient à la promotion de l’esprit critique et de l’autonomie individuelle, s’opposent frontalement au « projet » intégriste, au radicalisme religieux. Ce dernier installe l’homme dans une situation de totale hétéronomie, de dépendance absolue par rapport à la Loi divine, et ne souffre donc aucune mise en question du dogme et des interprétations de la réalité afférentes. Parce qu’elle s’adosse à cet héritage du XVIIIe siècle, la culture « occidentale » (hormis ses fruits technologiques) est rejetée en bloc par les intégristes. Ces derniers estiment que les « croyants » constituent aujourd’hui une communauté minoritaire évoluant dans un environnement global qu’ils jugent athée, matérialiste et pornographique.
Il s’agit donc au bout du compte de simplement faire comprendre que l’intégrisme religieux ou la logique sectaire empruntent tous deux un même chemin. Ce dernier n’est pas celui du rejet de la science et de la technologie (un peu hâtivement associées à la modernité) mais celui du refus du doute, de la critique et de la tentative de considérer « objectivement » la réalité, d’examiner des hypothèses contradictoires et de multiplier les points de vue en organisant leur débat. Dès lors, si le résultat d’une démarche d’analyse conduit à des conclusions entrant en conflit avec une représentation du monde rejetant toute interprétation dissonante, lesdites conclusions feront l’objet d’une radicale opposition. Même si elles constituent des connaissances opérationnelles susceptibles d’améliorer la compréhension de la réalité et l’influence sur celle-ci, elles ne formeront pas des connaissances « acceptables », c’est-à-dire entrant en adéquation avec ce que la culture et la conscience collectives peuvent socialement et psychologiquement admettre.