Publié le 28 mai 2017 à 22h57 - Dernière mise à jour le 28 octobre 2022 à 16h07
«Aujourd’hui, nous honorons la mémoire des milliers de résistants et combattants, mes frères d’armes, qui ont donné leurs vies pour que la France puisse afficher fièrement sa devise : Liberté-Égalité-Fraternité. Soyons dignes d’eux en poursuivant l’œuvre de la résistance aux extrémismes qui menacent nos libertés, nos valeurs.» C’est par cet appel fort à la responsabilité individuelle et collective que Herbert Traube, interné, déporté du Camp des Milles et résistant, termina son allocution lors de la Cérémonie régionale de commémoration de la Journée nationale de la Résistance qui s’est déroulée samedi.
27 mai au Site-mémorial du Camp des Milles.
A l’invitation du Préfet de la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur, Préfet des Bouches-du-Rhône, cette journée était d’autant plus importante en cette année de commémoration du 75e anniversaire des déportations du Camp des Milles vers Auschwitz (août-septembre 1942) et des résistances auxquelles elles donnèrent lieu.
Devant les nombreuses personnes présentes, parlementaires et représentants de collectivités, d’associations ou simples citoyens, Herbert Traube, pour appeler à la vigilance, fit le parallèle entre la période de persécutions et de souffrances qu’il a vécue et le présent. «Sous couvert de patriotisme, dévoyé vers un extrémisme nationaliste et xénophobe, on attise la haine de l’Autre, on invente des boucs émissaires. Le mépris et l’intolérance deviennent monnaie courante… Le relent nauséabond d’une idéologie que nous pensions avoir vaincue pour toujours, se fait sentir à nouveau. Le processus est connu : on commence par des insinuations malveillantes, puis par des affirmations mensongères en flattant les instincts les plus bas qui sommeillent au fond de l’être humain. J’ai vécu cela à une époque où cette propagande se faisait par le « bouche à oreille », des harangues dans les arrières salles des cafés par des tribuns forts en gueule ! Aujourd’hui, avec les réseaux dits « sociaux » la vitesse de transmission est devenue exponentielle, l’empoisonnement des esprits va à la vitesse « Grand V ». Résister à ce déferlement devient indispensable. Chacun peut, et doit résister avant qu’il ne soit trop tard. Là est le devoir de chacun !»
C’est ce devoir de résistance dont firent preuve des hommes et des femmes de courage au Camp des Milles comme ailleurs. Leurs actes sauvèrent de très nombreuses vies et constituèrent souvent des obstacles importants face aux engrenages extrémistes, liberticides, antisémites et criminels du Régime de Vichy.
Reconnus Justes parmi les Nations, les noms de ceux qui surent agir au Camp des Milles furent égrenés par Monseigneur Christophe Dufour, archevêque d’Aix et d’Arles qui fit lecture également d’une lettre de Monseigneur Théas, évêque de Montauban, en date du 26 août 1942 à la suite des rafles dans sa région : «Je fais entendre la protestation indignée de la conscience chrétienne et je proclame que tous les hommes, aryens ou non aryens, sont frères parce que créés par le même Dieu ; que les hommes, quelle que soit leur race ou leur religion, ont droit au respect des individus et des États. Or les mesures antisémitiques actuelles sont un mépris de la dignité humaine, une violation des droits les plus sacrés de la personne et de la famille».
Ces valeurs ont été rappelées par Marie-Thérèse Claverie, Présidente départementale de l’Association Nationale des anciens Combattants et Ami(e)s de la Résistance. «Face aux extrémismes nous faisons le serment de nous souvenir à jamais des valeurs de la République. Tel est et tel sera toujours notre combat.»
Alain Chouraqui, Président de la Fondation du Camp des Milles-Mémoire et Éducation, a mis en exergue l’esprit de résistance dans son allocution. Rappelant l’histoire tragique du Camp des Milles, «qui permet de comprendre comment les mécanismes de haine se mettent en place », il insista sur «la très grande diversité des personnes ayant résisté, victimes ou non» et sur «la grande variété des formes de résistances, aux Milles comme ailleurs».
Pour conclure, Alain Chouraqui exposa l’Indice d’Analyse et d’Alerte Républicaine et Démocratique (AARD) conçu par la Fondation et qui montre, de façon mesurable, que «notre société avait en 2015 quatre fois plus de risques de basculement vers un régime autoritaire qu’en 1990. Si la situation reste inquiétante, aujourd’hui l’amorce d’une baisse de cette tendance lourde en 2016 nous apporte un véritable espoir de résistance démocratique efficace, tout comme les derniers résultats électoraux. Elle démontre l’efficacité des actions des pouvoirs publics et la résilience des Français. Soyons fiers des résistances de notre peuple pour défendre la liberté et la justice contre les extrémismes d’hier et d’aujourd’hui». Serge Gouteyron, sous-préfet de l’arrondissement d’Aix-en-Provence, à lu pour sa part, un message du Président de la République, faisant appel au dépassement des clivages partisans par la Résistance : «Cet esprit ne doit cesser de nous animer. Hier comme aujourd’hui, lorsque notre pays doute de lui-même, il nous faut une fois encore contempler l’exemple de ceux qui, au péril de leur vie, façonnèrent la France qu’ils rêvaient pour leurs enfants. Ces hommes et ces femmes nous ont offert l’exemple durable de ce que l’on peut accomplir lorsque l’on se met au service des plus hauts intérêts du pays.» Ce message avait également été lu par Sylvie Goulard, ministre des Armées le matin même au Mémorial Jean Moulin de Salon de Provence où la Fondation était également représentée.