Publié le 14 avril 2013 à 7h00 - Dernière mise à jour le 27 octobre 2022 à 16h07
Marseille réunifiée par la mer
A l’abri de la pollution et des embouteillages, le port de l’Estaque n’est désormais plus qu’à une quarantaine de minutes du Vieux-Port. Plus qu’un moyen de transport, la navette maritime mise en place à titre expérimental jusqu’à la mi-octobre doit, aux yeux des élus, reconstruire du lien social dans une ville trop souvent coupée en deux.
« Ce n’est pas qu’un bateau qui traverse une baie, c’est du lien social. C’est symbolique de Marseille, une ville une et indivisible » : c’est en ces termes qu’Eugène Caselli (PS), président de la Communauté urbaine Marseille Provence Métropole (MPM), autorité organisatrice des transports, a salué, samedi 13 avril en fin de matinée sur le port de l’Estaque, la mise en service de la navette maritime entre le Vieux Port et l’Estaque. Mise en place à titre expérimental pendant six mois jusqu’au 13 octobre, elle a été inaugurée ce samedi sous un beau soleil printanier par Eugène Caselli, Karim Zéribi, président de la Régie des Transports Marseillais (RTM), et Samia Ghali (PS), sénateur-maire des 15e et 16e arrondissements de Marseille en présence de nombreuses personnalités (*). Elle sera le pendant au Nord de celle qui relie déjà le centre-ville à la Pointe Rouge au Sud de la cité phocéenne.
Exploitée par la RTM, cette nouvelle ligne répond à la volonté de la communauté urbaine de développer les transports de manière équilibrée sur son territoire. Elle permettra de relier le Vieux-Port à l’Estaque en une quarantaine de minutes. Par beau temps, le trajet est ainsi inférieur à celui du bus en heure de pointe. « C’est 20 minutes de moins que d’habitude et cela se fait via un transport propre », se félicite Karim Zéribi, président de la RTM. Les traversées seront effectuées par deux bateaux, le « Marilou » et le « Sant’ Antonio X », qui peuvent transporter chacun près d’une centaine de voyageurs.
Selon les études réalisées par MPM et la RTM, environ 500 personnes sont susceptibles d’utiliser ce service pour leur trajet domicile-travail, s’ajoutant à celles qui emprunteront la ligne de manière occasionnelle.
Le ticket unitaire fixé au prix de 3 €
La navette Vieux-Port-Estaque fonctionnera sur le même modèle que celle Vieux-Port-Pointe Rouge : les deux bateaux partiront simultanément des deux ports toutes les heures de 7h30 à 19h30 du 13 avril au 13 octobre, avec trois départs supplémentaires du 15 mai au 15 septembre, portant le dernier départ à 22h30 au cours de la saison estivale. Le service est effectué 7 jours sur 7.
Pour être plus performante, la traversée, d’une distance de 11 miles nautiques (20 km), ne s’effectuera pas par l’intérieur du bassin du Grand Port Maritime de Marseille (GPMM) où la vitesse est limitée à 4 nœuds. Le trajet longera au contraire la Digue du Port où l’on peut naviguer à une vitesse de 16 nœuds environ.
Comme celle de la Pointe Rouge, la navette maritime Vieux-Port-Estaque est en libre accès pour l’ensemble des personnes titulaires d’un abonnement Pass à la RTM (Pass Permanent, Pass Annuel, Pass 30 jours et Pass 7 jours) ou d’une carte « Libre circulation », chargés sur la carte « Transpass ». Les personnes ayant acheté un « Pass Transport 2013 » peuvent aussi l’utiliser gratuitement.
Pour les autres usagers, le prix du ticket unitaire est fixé à 3 euros. Les titres sont en vente à bord des bateaux. Par ailleurs, si le titre de transport « la navette » est commun aux deux itinéraires vers l’Estaque et la Pointe-Rouge, il faut, quel que soit le sens et quelle que soit la ligne, compter un billet par traversée. Le ticket unitaire permet en revanche la correspondance pendant 1h30 avec le réseau bus, métro et tramway de la RTM. D’autant qu’à proximité de l’Espace Mistral, où accosteront les navires, et du parking implanté à proximité, un nouveau terminus (effectif à partir du 29 avril) a été créé pour la ligne 95S qui dessert les Hauts de l’Estaque. Dans une intonation rappelant le général de Gaulle, Eugène Caselli s’est ainsi enthousiasmé : « Les Hauts de l’Estaque, longtemps oubliés, longtemps isolés, aujourd’hui désenclavés ».
« Que cette expérimentation soit bientôt pérennisée »
La sénateur-maire des 15e et 16e arrondissements, Samia Ghali estime que c’est « l’union entre le Nord et le Sud de la ville qui est en train de se faire par la mer et bientôt je l’espère par la terre ». La candidate à la primaire socialiste a salué l’ensemble des élus « que j’aimerais voir beaucoup plus souvent dans les quartiers Nord, pas que pour les inaugurations », et particulièrement Eugène Caselli « pour son implication dans ce dossier », Karim Zéribi, également député européen et conseiller municipal (EELV) et André Molino (PCF), maire de Septèmes-les-Vallons, « qui a beaucoup œuvré pour cette navette ». Elle a aussi remercié l’association Citoyens 13 de Christian Pellicani et l’ensemble des Comités d’intérêt de quartiers (CIQ) de Marseille, une fédération présidée par Myriam Cordier, qui ont beaucoup milité pour la mise en place de cette navette maritime. « Elle va servir aux habitants des 15e et 16e arrondissements, d’Ensuès-la-Redonne, du Rove. Ils passeront par le 16e arrondissement pour aller voyager vers le centre-ville », se réjouit-elle en saluant également les travaux effectués sur le ponton où accosteront les bateaux car « l’accessibilité c’est important ». Et Samia Ghali de terminer par un vœu : « Que cette expérimentation soit bientôt pérennisée ».
Le président de la RTM Karim Zéribi tenait pour sa part à s’exprimer en tant que citoyen qui réside dans le quartier très excentré du Verduron. « La météo vient consacrer un jour important pour ce territoire. Il faut que Marseille soit une et indivisible, qu’il n’y ait plus fracture, que ce soit la même ville quel que soit l’endroit où l’on réside », insiste-t-il. Et de souligner que « le rétablissement du déséquilibre » en matière de transports « va dans le sens de faire de Marseille une ville unie ».
Rappelant que la traversée à bord de cette navette maritime constitue également « une moment fantastique de découverte » des côtes phocéennes, il rappelle que c’est « le service public qui offre une alternative à la route et aux transports en commun souvent congestionnés ». Il estime d’ailleurs que la mise en place de cette navette permettra de décongestionner « l’axe Marseille-Nord-centre-ville ».
« Une équité qui était attendue par les Marseillaises et les Marseillais »
Karim Zéribi observe également que les échanges se feront dans les deux sens puisque « les gens du centre-ville vont se rendre dans les quartiers Nord et découvrir les animations mises en place ». Durant l’été, un caricaturiste tirera le portrait des voyageurs dans le bateau et le leur remettra gratuitement, alors que des animations musicales seront mises en place à l’arrivée. « Il y a des enjeux sociaux et économiques pour nos quartiers. Ces navettes ne devaient pas desservir que la Pointe Rouge en oubliant les quartiers Nord : c’est une équité qui était attendue par les Marseillaises et les Marseillais », assène le président de la RTM en soulignant qu’il s’agit « d’une volonté politique affichée depuis 5 ans ».
Il a aussi tenu à tirer « un grand coup de chapeau » aux traminots « car la RTM est une entreprise injustement décriée de 3 400 salariés qui transportent en moyenne 600 000 personnes par jour ».
Anticipant déjà le bilan de la mandature que les uns et les autres ne manqueront pas de dresser dans les prochains mois dans le cadre de la campagne des municipales, Karim Zéribi enfonce le clou sur le thème de la réduction du déséquilibre Nord-Sud en matière de transports. « Certains l’ont promis mais pas mis en œuvre, certains l’ont rêvé. Nous, nous l’avons fait. Personne ne pourra nous l’enlever à l’heure du bilan », martèle-t-il avant d’insister : « J’œuvre pour faire venir le tramway dans nos quartiers. Quand on investit un euro dans le Sud, qu’on investisse un euro dans le Nord. Alors nous aurons le sentiment d’appartenir tous à la même ville. » Et de conclure en exprimant sa conviction que « la navette de l’Estaque connaîtra un succès encore plus important que celui de la navette de la Pointe Rouge ».
Alors que la première ligne Vieux-Port-Pointe-Rouge, testée l’an dernier et pérennisée cette année, avait attirée 262 085 passagers entre le 1er mars et le 16 septembre 2012, Eugène Caselli estime lui aussi que « cette navette va faire un score supérieur ». Car à ses yeux l’Estaque a « les atouts pour gagner cette compétition » avec « son port, ses commerçants, ses restaurants et son marché du samedi ». « Beaucoup de gens vont venir à l’Estaque qui est renommé grâce aux peintres Georges Braque et Paul Cézanne. C’est un quartier qui possède un passé prestigieux, industriel, de convivialité », souligne le président de MPM. Et de répondre à Samia Ghali : « Oui, la navette va être pérennisée. D’abord, ça ne va pas être un succès mais un triomphe. Il y avait déjà du monde ce matin sur le Vieux-Port à 8h30. Et la navette qui arrive est encore pleine dedans et dehors », se réjouit-il le regard tourné vers le ponton d’arrivée.
« Renouer les fils du développement économique dans cette ville »
Il rappelle au passage que la navette maritime entre la Pointe-Rouge et le Vieux-Port était « d’abord un essai pour voir ». « On y croyait mais il y avait beaucoup de détracteurs. Les Marseillaises et les Marseillais se la sont appropriés », se félicite-t-il soulignant qu’outre l’aspect déplacement, la traversée en bateau-bus offre « un spectacle merveilleux avec les îles, les côtes, les entrées de ports ».
Il insiste enfin sur le fait que « desservir le Nord et le Sud, c’est réconcilier la ville ». « C’est un lien social vers les quartiers Nord et Sud nécessaire car il ne peut y avoir deux Marseille : une qui investit et se développe et une qui ne se développe pas faute de moyens. La sécurité des quartiers Sud, du centre-ville passe aussi par le développement économique des quartiers Nord. C’est un message pour l’avenir : nous devons renouer les fils du développement économique dans cette ville », martèle-t-il.
Il souligne d’ailleurs que la communauté urbaine a sous sa mandature beaucoup investi, « 140 M€ », dans les transports dans les quartiers Nord avec « le métro aérien jusqu’à Capitaine Gèze ou le BHNS ». Sans oublier « les zones franches qu’on a réussies à maintenir moi-même, le maire, le sénateur et le député du secteur ». Et de souligner que désenclaver ces quartiers est « un combat que l’on mène depuis 5 ans et qu’on va continuer ».
Eugène Caselli se félicite aussi de la part qu’ont pris dans ce projet de navette maritime l’association Citoyens13 et les CIQ de Marseille. « C’est un travail collectif entre les élus, la population, le corps social qui s’est mobilisé pour avoir des moyens de transports », rappelle-t-il.
Avant de conclure avec humour : « La navette n’est pas chère, elle est le lien entre les deux côtés de Marseille et quand je vous dis cela, je ne vous mène pas en bateau. »
Serge PAYRAU
(*) Parmi les personnalités présentes figuraient Henri Jibrayel (PS), député et conseiller général des Bouches-du-Rhône, Christophe Madrolle (MoDem), conseiller d’arrondissement du 3e secteur de Marseille (4e et 5e arrondissements), France Gamerre, conseillère communautaire de MPM, Christian Pellicani (PCF), conseiller municipal de Marseille, Bernard Susini (UMP), adjoint au maire de Marseille élu dans les 15e et 16e arrondissements, André Molino, maire de Septèmes-les-Vallons et vice-président de MPM, Michel Illac, maire d’Ensuès-la-Redonne et vice-président de MPM, et Myriam Cordier, présidente de la Fédération des CIQ de Marseille.