Off d’Avignon: On a vu à l’Atelier Théâtre Actuel Denis d’Arcangelo bouleversant dans « l’ombre de Stella » de Barillet

Publié le 29 juillet 2017 à  10h06 - Dernière mise à  jour le 28 octobre 2022 à  17h19

Sublime Denis D’Arcangelo dans
Sublime Denis D’Arcangelo dans

De Pierre Barillet (né en 1923) et Jean-Pierre Gredy (né en 1920) on connaît « Le don d’Adèle », « Fleur de Cactus » (reprise cette année au Gymnase de Marseille avec Michel Fau et Catherine Frot), « Folle Amanda », «Potiche» (adaptée au cinéma par François Ozon), « Peau de vache », «La reine blanche», « Quarante carats », ou «Lily et Lily», autant de pièces qui sont des succès en raison du fait sans doute qu’elles s’imposent surtout comme des machines de guerre théâtrales, rythmées, avec des répliques acérées, une énergie communicative dont l’écriture, qui n’est pas sans rappeler Feydeau, transforme de simples vaudevilles en œuvres littéraires aux vastes questions existentielles intemporelles. De Pierre Barillet seul (il est biographe, dramaturge, essayiste et en un certain sens historien), on sait l’attachement à plonger au cœur d’une vaste enquête sur le rôle de l’artiste sous l’Occupation. Lui qui a côtoyé Cocteau, Arletty, Dietrich, il a mis en lumière dans «L’ombre de Stella» l’ambiguïté de certains artistes face aux Allemands installés avec armes et bagages dans le Paris des années 1940-1944. Pièce bouleversante, tenue par la mise en scène subtile de Thierry Harcourt, «L’ombre de Stella» donne la parole à une certaine Mylène Janvier, née Josette Puchaud, second rôle sans éclats qui se rêva star et ne fut que l’obscur alter ego de Stella Marco, une de ces grandes figures de l’écran qui firent rêver les Français en les arrachant à la dure réalité de l’Occupation. Mylène qui fut la secrétaire, la confidente, et la complice de cette croqueuse d’hommes dont elle partagea la vie pendant la guerre et longtemps après, raconte un destin peu ordinaire dans une époque tout aussi incroyable. Déterrant sous nos yeux la carrière de cette vedette experte en trahisons, celle qui se définit comme «l’ombre de Stella» se découvre elle-même au fil de la narration de ses souvenirs. Nous sommes totalement remués, secoués même, conquis et subjugués par la puissance de l’écriture très visuelle de la pièce. Quelle prose ! Quelle finesse d’analyse psychologique ! Et quel acteur ! Pour incarner Mylène, c’est Denis D’Arcangelo qui a été choisi ! On ne pouvait rêver mieux ! L’acteur, dans ce rôle de femme déçue, partagée entre l’admiration et la haine, est à ce point tellurique, éblouissant, exceptionnel, et poignant qu’il est désormais après l’avoir vu sur scène difficile d’envisager quelqu’un d’autre pour jouer ce rôle. Jusque dans ses habits féminins qui le rendent méconnaissable l’acteur EST Mylène…, doué d’une force évocatrice si présente que l’on croit voir apparaître sous nos yeux Stella, «ses amis, ses amours, ses emmerdes » et l’ensemble des personnages gravitant autour d’elle. Du théâtre qui rend heureux, qui tire les larmes, et qui fait réfléchir sur la vacuité de la gloire éphémère et de son cortège d’âmes damnées.
Jean-Rémi BARLAND
«L’ombre de Stella » au Théâtre Actuel d’Avignon jusqu’au 30 juillet à 11h50. Tarifs 22€/15 € – Réservations au 04 90 82 04 02. www.atelier-theatre-actuel.com

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