Publié le 30 juillet 2017 à 20h46 - Dernière mise à jour le 28 octobre 2022 à 17h19
Apparemment c’est le genre de pièce un peu lourdingue dont le sujet, semblant enfoncer des portes ouvertes, a de quoi irriter. Il n’en est rien ! «Politiquement correct» est non seulement absolument hilarant de bout en bout, mais d’une subtilité et d’un courage assez bluffant. L’auteure et metteuse en scène Salomé Lelouch y poursuit sa quête de sens de l’idée identitaire, avec cette fois une plongée au cœur de l’identité politique. Mais pas à grands renforts de slogans, de propos pompeux, d’envolées lyriques, mais à hauteur d’hommes et de femmes, saisis à un moment particulier de l’actualité française. Lui, c’est Alexandre (Frédéric Chevaux). Elle, c’est Mado (Samantha Markowic). Lui, c’est un militant d’extrême droite. Elle, c’est une sympathisante de gauche, dont la meilleure amie Andrea (personnage irrésistible incarnée par Ludivine de Chastenet) vote Mélenchon. Ces deux là qui n’ont rien en commun, et donc plutôt rien à se dire, à part des invectives, se rencontrent une heure avant les résultats de l’élection présidentielle française qui voit l’extrême-droite accéder au second tour. Ayant parlé de tout, sauf de politique, étant tombés immédiatement amoureux, ne connaissant rien de leurs intentions de vote, les voilà embarqués dans une suite de malentendus, quand justement Mado découvrira les affinités électives (au sens d’élection) de celui qu’elle aime et qui est au demeurant très gentil avec elle. Même si, il est affublé de copains peu «classe» dont ce fleuriste nationaliste joué par Betrand Combe. « Avec « Politiquement correct », explique Sarah Lelouch, j’ai voulu raconter une histoire d’amour à l’épreuve des passions politiques mais aussi confronter les passions politiques à l’épreuve de l’amour et poser la question de savoir quoi faire de notre identité politique face à la possibilité d’une histoire d’amour.» Et comme nous sommes en présence d’une vraie dramaturge qui sait user sans abuser de mots d’auteur, dont les répliques font mouche et dont la psychologie des personnages se déploie avec une finesse inattendue, « Politiquement correct » demeure d’une diabolique justesse. Rythmée, structurée intelligemment, située en partie dans un bar, où le rôle du barman incarne, en quelque sorte, le regard du spectateur, la pièce est servie par cinq acteurs tous excellents et jouant à l’unisson. Comme toutes les comédies sociales de haute tenue, « Politiquement correct » oscille entre rires et gravité. Jamais manichéen, le regard de l’auteure, dont on devine vers quel côté politique son cœur penche (elle se projette dans la vision du monde de Mado), offre un vrai débat dialectique aux deux héros de la pièce. Quant à la fin, dont nous nous garderons bien de dévoiler la surprise, elle serre la gorge et nous bouleverse. Une grande pièce, drôle, grave, hilarante, et citoyenne. Du bonheur… en planches !
Jean-Rémi BARLAND
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