Publié le 5 août 2017 à 21h35 - Dernière mise à jour le 28 octobre 2022 à 17h19
Les élues à l’urbanisme et au commerce appellent les Marseillais à la patience. «Le puzzle est en train de se mettre en place», affirment à l’unisson, Laure Agnès Caradec adjointe (LR) en charge à l’urbanisme et Présidente d’Euroméditerranée et Solange Biaggi adjointe (LR) déléguée au commerce et au centre-ville, en réponse aux critiques des internautes et des Marseillais sur la lenteur de la réhabilitation du centre-ville. Précisant: «Le temps des villes et le temps économique ne sont pas les mêmes.» Les élues rappellent que nombre d’aménagements ont déjà été réalisés, notamment sur la Canebière, le Vieux-Port, rue de la République et Euroméditerranée. Elles incitent les Marseillais à un peu de patience sans cependant donner de date pour la fin des travaux. Considèrent que «l’activité commerciale ne dépend pas du politique mais d’initiatives privées aidées par les institutions pour les équipements structurels». Afin de faire le point sur les travaux en cours dans le centre-ville, Laure-Agnès Caradec et Solange Biaggi assurent que la «puissance publique a fait son travail» et rappellent que les institutions «ne peuvent se substituer au privé». Elles signalent que les investisseurs et propriétaires des bâtis et des commerces du centre-ville sont aidés par des subventions de la municipalité et surtout du Conseil départemental des Bouches-du-Rhône (CD13) dont elles sont toutes deux également élues, l’une déléguée à l’urbanisme avec sa casquette d’Euromed et vice-présidente et l’autre déléguée à l’aménagement du territoire. La priorité 2014-2020 c’est «ambition centre-ville» de Marseille, indiquent-elles avant de dévoiler qu’elles se rencontrent tous les quinze jours sur ce projet de rénovation avec une quinzaine d’autres élus et les maires des trois secteurs directement concernés (du 1er au 8e arrondissements). Un centre-ville qui ne se limite pas à l’hyper-centre, précise Laure Agnès Caradec mais va des Docks au Vélodrome et du Vieux-Port au Jarret. «L’avantage de l’urbanisme est que cela touche à tout », ajoute-t-elle, précisant qu’elle souhaite l’instauration de quartiers alternatifs rue de la République comme dans le village des Crottes et les quartiers libres près de la Friche Belle de Mai. A la présidence depuis janvier 2016 du plus grand chantier d’Europe du Sud-Est, lancé parmi d’autres qui ont restructuré la ville par le maire visionnaire que fut Robert Vigouroux (ex PS) en 1995, Laure-Agnès Caradec se félicite de l’apport pour la ville et la métropole de ce grand projet en tant également que Présidente de l’Agence d’urbanisme de l’agglomération marseillaise (AGAM). Mme Caradec affirmant que la nouvelle extension du programme Euromediterranée, Euromed 2 (de Bougainville au cap Pinède en passant par le Canet et le village des Crottes), devrait d’ici quelques années permettre aux Marseillais des quartiers nord «d’accéder à la mer et de bénéficier de nouveaux secteurs innovants hébergeant des activités créatrices d’emplois». Entretiens croisés.
Où se situe exactement le centre-ville de Marseille ?
Laure-Agnès Caradec: Aujourd’hui la priorité du maire de Marseille et de son équipe municipale, c’est un centre-ville dans son périmètre élargi. Ce n’est pas seulement la rue Paradis, la rue Saint-Ferréol et la Canebière, c’est un centre-ville qui part des Docks jusqu’au Centre vélodrome, la gare Saint-Charles jusqu’à la ceinture périphérique du cours Lieutaud et même jusqu’au Jarret dans certains schémas.
Au niveau de l’Hyper-centre, comment déclinez-vous les priorités ?
L.-A.C : En termes de dynamisme et d’attractivité, cela se décline sur plusieurs pivots. Tout d’abord celui de la qualité de l’espace public. On a refait le Vieux-Port, la rue Paradis est en cours de réfection, la rue de la République est rénovée, on lance toutes les études pour le cours Lieutaud et on met en place les outils nécessaires pour la qualité de l’aménagement que ce soit privé ou public grâce à l’Aire de Valorisation Architecturale et Patrimoniale (AVAP) du centre-ville à l’échelle de 480 hectares. Ensuite, on en vient à celui de l’attractivité en matière de logements, c’est à dire qu’il faut attirer des habitants en centre-ville pour le faire vivre. Il faut du flux et y réintroduire de l’activité bureaux, de l’innovation avec les espaces de coworking, les FabLab, etc. mais aussi des bureaux traditionnels.
Solange Biaggi : Le centre-ville a une vraie attractivité dans la mesure où l’on a des prix deux fois moins chers que ceux du quartier central des affaires à Euromed. On a sur la Canebière des projets structurants : le carré des feuillants avec l’hôtel, le permis de construire du cinéma a été délivré, pour une implantation à la place de la mairie des 1/7 en haut de la Canebière. La mairie pour sa part va déménager dans l’immeuble vide de la Maison de la Région.
L-A.C : Il y a les Dimanches de la Canebière qui vont reprendre en septembre, on a des espaces de coworking importants qui s’installent au niveau de la Canebière et sur les allées Gambetta. Ce sont des signaux forts. Alors je sais bien qu’il y a des perspectives qui peuvent paraître un peu loin sauf que le temps de création d’une ville est un temps long, c’est indéniable.
Quelles mesures tangibles pouvez-vous annoncer ?
S.B : Il ne peut y avoir d’activité sans habitants, ni bureaux. J’ai demandé aux propriétaires de la rue de la République notamment de ne pas ouvrir que des boutiques d’habillement de grandes enseignes déjà implantées dans les grandes surfaces aux deux extrémités de ce périmètre. Enfin, la réfection de la Poste centrale Colbert pour l’administration de la Poste va amener 450 personnes à proximité. Par ailleurs, la municipalité va aider des petits commerces à s’installer dans les rues adjacentes de la rue de la République, ce qui devrait apporter du «flux» comme la création d’une suite de Galeries d’Art, rue Chevalier Roze pour la fin du mois du mois d’août.
Que répondez-vous aux Marseillais de l’hyper-centre qui s’impatientent ?
L-A.C : La puissance publique est là pour aménager et, dans ce cadre, on n’a aucun reproche à nous faire : on a fait passer le tramway, on a requalifié tout l’espace public, on a contraint les propriétaires à refaire les façades et les logements. L’initiative privée, on doit l’accompagner mais il y a aussi des propriétaires qui doivent monter un plan d’action pour occuper l’espace. Après, il faut arriver à avoir une politique d’attractivité, de faire en sortes qu’il y ait du flux dans le centre-ville. Le flux touristique a doublé ou quadruplé. Nous, ce que nous faisons, c’est de mettre en place les conditions de la réussite.
S.B : Pour ce qui est de la Canebière, quand on aura toutes les pièces du puzzle qui vont s’assembler que ce soit l’hôtel des feuillants, le cinéma, la mairie, les habitants pourront constater la réussite de ce projet de réhabilitation de la Canebière et du centre-ville.
L-A.C. : Le centre-ville est le premier pôle d’activité et le premier pôle salarié de la métropole Aix Marseille Provence. Pour aider les investisseurs, il y a deux grands projets : ravalement des façades avec l’aide du Conseil départemental qui donne jusqu’à 50% de subventions et, pour la préemption des baux et des murs le Département donne jusqu’à 70% notamment pour la Canebière.
On a l’impression que peu de boutiques ouvrent et que beaucoup tirent le rideau, dans l’hyper-centre, que comptez-vous faire pour pallier cette situation ?
S.B. : Pour parler Commerces, les deux investisseurs de la rue de la République ANF et ATEMI ont fait des efforts au niveau des loyers et des commerces. C’est vrai qu’ils ont mis du temps parce qu’ils n’ont pas obtenu les deux phases en même temps. ATEMI pour sa part a connu les problèmes de la crise économique avec son foncier. Il y a des choses qui sortent sur cette rue de la République qui sont, avec ATEMI, la résidence seniors, l’hôtel NH en cours, la résidence étudiante qui s’est bien remplie avec un taux d’occupation qui atteint les 70%;
L.-A.C. : Le temps d’une ville et le temps économique n’est pas le même…
S.B : On partait de tellement loin rue de la République. Il fallait voir l’état des commerces, sur 100 il y en avait 50 qui étaient fermés, les autres étaient squattés. Ils ont repris tout cela en main et, dans le même temps, sont arrivés le Centre Bourse rénové, les Terrasses du Port, les Docks village… C’est vrai que c’est très lent, ça c’est sûr…
Quels sont les principaux investissements privés dans l’Hyper-Centre outre les deux principaux propriétaires qui se partagent la rue de la République
S.B : L’hyper-centre attire des investisseurs. H&M a repris Virgin rue Saint-Ferréol et a mis 50M€ pour en faire un très beau magasin; les Galeries Lafayette partent au Centre Vélodrome. Ce grand magasin rue Saint Fé était trop proche des Galeries du Centre Bourse. Et, il était préférable, pour le centre-ville dans son périmètre élargi, que l’on ait deux pôles aux deux extrémités (Terrasses du Port au Nord et Centre vélodrome au Sud).
Que vont devenir les bâtiments des Galeries Lafayette de la rue Saint-Ferréol ?
S.B : Le groupe Virgil va investir près de 25M€ pour racheter le fonds et les murs. Il va créer en plein centre-ville de Marseille un espace coworking avec de nombreux bureaux et une centaine d’appartements connectés. Ce seront des appartements de deux, trois et quatre pièces pour les familles qui arrivent en location moyenne durée. Des appartements haut de gamme avec un roof top, un spa, une salle de gym et des magasins en rez-de-chaussée et 1er. Quand des gens investissent c’est qu’il y a du potentiel. Et nous, puissance publique nous accompagnons…
L-A.C : Pour qu’il y ait des clients dans les commerces, il faut qu’il y ait des habitants. Aujourd’hui, on assiste à un changement avec des gens qui veulent revenir en centre-ville pour habiter. Pour ce faire, il faut que l’on accompagne soit des bailleurs soit des investisseurs privés qui donnent des logements de qualité et des grands logements.
S.B : C’est cela notre objectif et cela ne se fait pas en cinq minutes, c’est sûr que c’est lent…
Vous avez souvent parlé «d’offre alternative». De quoi s’agit-il ?
L.-A.C. : Il faut une offre alternative à ce que l’on vient de citer comme développement traditionnel que l’on voit dans tous les centres-villes du monde. Il faut que puissent se créer de nouveaux concepts avec des loyers attractifs.
S.B : Les deux principaux propriétaires de la rue de la République ont consenti à des loyers attractifs…
L.-A.C : L’objectif est d’arriver à développer des activités alternatives à ce que l’on voit d’une façon classique et pourquoi pas rue de la République. C’est ce que nous souhaitons. Les boutiques qui ont disparu, c’est du classique que l’on voit ailleurs.
S.B : Les investisseurs ont, dans l’attente, mis à disposition trois locaux pour le collectif artistique 3013 qui prolonge à sa façon l’année 2013 Capitale Européenne de la Culture… Il n’y a pas de raison que cela ne fonctionne pas mais cela ne se décrète pas.
L.-A.C. : Le fait que LR ait gagné les deux institutions, Département et Région et a la Métropole, on arrive à travailler main dans la main et de concert. Je trouve que l’on va beaucoup plus vite sur certains projets même si nous, en tant qu’élues, nous aimerions que cela aille encore plus vite.
Pour Euromed. 2, vous parlez également de «quartiers alternatifs». De quoi s’agit-il?
L.-A.C. : Dans le parc Habité (Euromed), 2 000 logements vont être créés avec des commerces en pied d’immeuble. Les travaux sont en cours pour le cinéma Gaumont Pathé. Cela va être un vrai pôle d’attractivité. Euromed 1 est presque terminé, il reste le quartier de la Porte d’Aix avec l’École d’architecture qui viendra de Luminy, l’IMVT, et le Parc urbain avant de poursuivre la mise en place d’Euromed 2 qui devrait apporter 20 000 nouveaux emplois. A l’extrémité nous venons de lancer Smartseille qui présente les dernières avancées en matière d’innovation et le projet de l’éco-quartier des Fabriques du futur «Ici Marseille» dans l’ensemble de l’îlot XXL. Il reste le Parc Bougainville, le métro à Capitaine Gèze, la libération de la gare du Canet des voies SNCF. Il s’agit de faire un véritable lien paysager entre les quartiers Nord et la Ville avec le déplacement du trafic SNCF-Port sur Mourepiane (qui n’est pas du goût des riverain, NDLR). Enfin, la création de la Cité scolaire internationale pilotée par la Région et celle des quartiers libres autour de la Belle de Mai, la caserne du Muy et la Gare Métropolitaine pour en faire un vrai quartier lié par des lignes de tramway.
Les projets lancés sont-ils en bonne voie ?
L.-A.C. : Euroméditerranée est un vrai accélérateur de métropole. Il faut rendre les choses irréversibles. Le puzzle est en train de se mettre en place. Il a fallu 12 ans pour que le cinéma initié par Luc Besson sorte de terre sous l’enseigne Gaumont-Pathé ; il aura aussi fallu dix années de procédures pour le début des travaux de l’immeuble «Paquebot» de Rudi Ricciotti entre la rue Malaval et la rue Fauchier entre République et Belle de Mai.
Vous avez parlé de FabLab dans le village des Crottes quel est l’avancement du projet ?
L.-A.C. : Aujourd’hui les Crottes c’est Euromed.2 avec un projet de renouvellement urbain fort et une volonté d’y implanter la petite sœur «d’Ici Montreuil» pour faire un «Ici Marseille». L’équipe est choisie. Cela devrait se faire d’ici la fin de l’année. Ce serait la première amorce d’un quartier alternatif qui pourrait s’inscrire en lien avec le Marché aux puces parce que l’on s’aperçoit que, dans toutes les villes internationales, c’est dans les quartiers comme celui-là en quête d’un nouveau souffle que se passe la créativité.
Quel bilan dressez-vous de cette année et demie passée à la tête d’Euromed ?
L.-A.C. : Euromed a l’ambition de devenir un modèle en matière d’architecture et d’urbanisme durable en Méditerranée. L’avantage de mes différentes casquettes, Euromed, Ville et Département, est de raisonner au-delà de la Ville et de la métropole et pas simplement au périmètre d’Euroméditerranée. Ce n’est pas une île au milieu de rien… Quand je mène Quartier libre pour la Ville et Euromed, il y a des morceaux qui se superposent et évidemment, il doit y avoir une cohérence. L’avantage de l’urbanisme est que cela touche à tout.
Propos recueillis par Antoine LAZERGES