Publié le 11 août 2017 à 8h44 - Dernière mise à jour le 29 octobre 2022 à 13h46
C’est en grand idéaliste que je suis parti prendre quelques jours de vacances en Corse avec l’espoir qu’à mon retour sur le continent l’ensemble des problèmes de société serait réglé et que même les époux Balkany seraient incarcérés. L’utopie faisant partie intégrante de mes qualités -ou de mes défauts d’ailleurs- j’ai donc caressé l’espoir que mon bref séjour sur l’île de beauté, où même les autonomistes ont déposé les armes, suffirait à résoudre la connerie humaine régnant en maîtresse dans notre pays. Quelle déception !
A peine les roues de ma voiture touchaient le béton du Grand Port maritime de Marseille, que je pressais le bouton de mon autoradio et je fus submergé d’informations catastrophiques, abominables même, me motivant à faire marche arrière pour aller me réfugier dans les soutes du Pascal Paoli pour ne plus jamais en sortir sauf à la vue de la baie d’Ajaccio. Mais,c’est ainsi je ne suis pas Corse mais Marseillais, eh oui nul n’est parfait, je devais donc réintégrer mes pénates phocéennes et mon lot d’infos dramatiques. Les montagnes Corses n’étaient pas si loin que je prenais déjà en pleine gueule le récit laconique d’un présentateur de journal télévisé lui-même blasé par le flot de débilités commises par une flopée de tordus et autres fanatiques bien incapables de justifier leurs propres actes.
C’est ainsi que je fus noyé par un double homicide suivi d’un suicide commis par un policier à Toulon qui ayant appris que sa femme le trompait décida d’abattre son rival et un de ses amis. Je ne pus alors m’empêcher de penser à un ancien flic qui préconisait de ne jamais rentrer à l’improviste chez moi en étant porteur de mon arme de service au risque de tomber sur une partie jambes en l’air dans laquelle ma légitime serait bien active … Sage pensée que celle de ce vieux briscard !
A peine pouvais-je reprendre une bouffée d’air que j’apprenais que l’autobus ayant servi de four à 43 victimes en 2015 était équipé d’un réservoir non conforme. Je tentais alors de prendre une grande inspiration pour ne pas m’étouffer et malgré quelques suffocations je parvenais à rester en vie pour entendre qu’un sombre con avait foncé avec sa voiture de location sur une horde de militaires de l’opération sentinelle. La BRI l’interpellait en faisant feu à cinq reprises … Putain j’aurais dû rester en Corse !
Mais le comble dans tout cela c’est que les derniers faits détaillés se sont déroulés sur la commune de Levallois-Perret dont le maire n’est autre que Patrick Balkany ! C’est donc cela qui explique que le visage de cette édile le plus habitué de la chronique judiciaire se trimbale sur toutes les chaînes de télé pour répandre sa révolte et donner, avant même les vraies autorités, sa version des faits. Lorsque je vis sa bouille affreuse dans mon écran, et que le volume n’était pas suffisamment haut, j’ai pensé enfin qu’il avait été interpellé, menotté même, parce que j’en rêve de le faire moi même. Mais non, ce délinquant à grande gueule venait simplement commenter des faits d’agression sur des militaires pour tenter de faire oublier qu’après l’arrestation de cet abruti ce serait inévitablement la sienne qui serait programmée. C’est donc sans vergogne que cet homme a eu l’audace de s’insurger contre des faits qu’il qualifia de terroristes, c’est donc sans honte, qu’il s’est permis de commenter ce qui a bien failli tourner au drame et c’est évidemment permis d’employer les fameux «y a qu’à», «faut que» … pour critiquer l’attitude du gouvernement face à la montée des actes de terroristes «de proximité».
Monsieur Balkany que même son grand ami, enfin grand, Nicolas Sarkozy a banni de ses contacts Facebook et tente de faire oublier qu’ils se sont côtoyés, aimés, voire plus si affinités, n’a pas le courage de se terrer dans un trou de souris ou dans sa villa Pamplemousse de Saint-Martin en attendant une descente de la BRI et de ses hommes cagoulés pour être conduit devant un tribunal. Non, lui, malgré la énième procédure qu’il trimbale, se pavane devant les caméras en parangon d’une société de droit dans laquelle l’intégrité physique de chacun doit être respectée comme celle de chaque citoyen devant s’acquitter du montant de ses impôts. Faisant fi de son oubli de déclarer au fisc la fameuse villa au nom d’agrume et de sa mise en examen pour blanchiment de fraude fiscale il s’autoproclame interlocuteur privilégié des médias. Putain j’aurais dû rester en Corse !
Mais j’étais bien à Marseille et c’est épuisé par cette litanie que je zappais sur la chaîne régionale pour y entendre notre accent, pour y voir des autochtones heureux de vivre au soleil de Provence et dans une ville que le Parisiens affirment voir changer. Visiblement il n’y a qu’eux qui la voient évoluer sans apercevoir les sommets de la cité Félix Pyat (la plus pauvre de France) à à peine deux cent mètres du périmètre d’Euroméditerranée…
Mais n’enlevons pas leurs illusions à des visages pâles heureux de venir déguster en février les oursins de Carry, venus de Sète ou d’ailleurs, et capables d’encenser une Région où il fait bon vivre sans s’aventurer dans le vrai Marseille que peu connaissent.
Ce Marseille vrai où l’on viole une jeune femme en plein jour sur une place du centre-ville sous le regard lymphatique des innombrables caméras; ce Marseille vrai où de véritables décharges d’immondices et de déchets en tout genre jonchent le sol sous le nez des employés de la métropole trop occupés à prendre leur café dans le bistrot voisin ou à réclamer des augmentations de salaire. Ce Marseille vrai où utiliser la devise de la Marine Nationale : peinture sur merde égale propreté, est devenu une habitude si répandue que les différents «ripolinages» ne parviennent même pas à dissimuler une ville crasseuse dirigée par des affairistes incompétents.
Mais pourquoi les gens votent pour eux… ? J’ai mon idée mais nous en causerons dans une autre tribune lorsque les vacanciers seront de retour et que comme moi ils prendront dans la gueule toute une liste d’infos poubelles à faire vomir un lapin ( je l’ai déjà écris, le lapin ne vomit pas). Mais putain pourquoi ne suis je pas resté en Corse ?
Dans ce brouillard épais j’aperçus une lueur d’espoir en la personne de Pierre-Ambroise Bosse qui brillamment décrocha la médaille d’or aux mondiaux d’athlétisme de Londres. Ouf l’honneur est sauf ! C’est devant et chez les rosbifs que nous pouvons garder la tête haute faute de pouvoir la relever sur un stade de rugby !
Je vais refaire mes valises pour embarquer dans n’importe quel navire en partance pour l’île de beauté, là je serai en paix. Mais je ne suis pas insulaire, je ne suis qu’un pinzute condamné à vivre sur un continent à la dérive. Alors je vais rester là, à attendre les prochaines vacances en espérant que l’Assemblée de Corse puisse maintenir cette osmose entre les différents belligérants pour l’intérêt d’un territoire merveilleux. Je me gaverai de lonzu, de figatellu et de copa fabriqués avec des cochons … venant du continent ! Et merde tout est un éternel recommencement …
Marc La Mola [[Marc La Mola a été flic durant vingt-sept années. Après des débuts à Paris, il rejoint sa ville natale, Marseille et choisit les quartiers Nord pour y exercer. C’est aussi là qu’il a grandi. Officier de Police Judiciaire, à la tête d’un groupe d’enquête de voie publique, il a traîné dans ces quartiers pour en mesurer les maux. Il a touché du doigt la misère et la violence de ces secteurs de la Ville. Marc La Mola a sans doute trop aimé son métier et c’est en 2013 qu’il décide de mettre un terme à sa carrière. Il retourne à la vie civile pour écrire. Il est aujourd’hui auteur, romancier et scénariste. Chez Michalon Éditions il a publié : «Le sale boulot, confessions d’un flic à la dérive», «Un mauvais flic, lettre ouverte à Manuel Valls», «Quand j’étais flic …». Ces trois témoignages relatent les moments forts de sa carrière et ses différentes prises de position. C’est chez ce même éditeur qu’il publiera en mars 2017, «Police, Grandeur et Décadence» dans lequel il explique comment la police en est arrivée à descendre dans la rue pour manifester son mécontentement. Il est encore romancier. Il publie chez Sudarenes Éditions un polar à l’accent Marseillais, «Le sang des fauves». En juin 2017 le personnage de ce premier polar revient dans «Vallis Clausa», deuxième volet des enquêtes de son personnage Randy Massolo, un flic torturé. Il est aussi scénariste et a signé l’écriture de plusieurs synopsis optionnés par des maisons de production. Il enseigne également l’écriture de scénarios à l’École supérieure du cinéma Cinemagis de Martigues (13)]]