Publié le 29 août 2017 à 21h59 - Dernière mise à jour le 29 octobre 2022 à 13h46
Si Marseille n’a jamais été réputée pour le calme de ses nuits nous devons une fois de plus déplorer que la dernière nuitée a été plus qu’agitée puisqu’un homme est mort et quatre policiers ont été blessés dans deux accidents de la circulation distincts. La malheureuse victime, n’ayant pas survécu à ses blessures occasionnées lors d’une chute pour vouloir échapper à un contrôle de police, était âgée d’une trentaine d’années et était dépourvue de casque de protection. Cet accessoire pourtant indispensable et ayant largement fait les preuves de son efficacité ne semble pas encore être devenu nécessaire à toutes pérégrinations nocturnes dans un secteur de la Ville où, à partir d’une certaine heure, n’errent que des flics et des gens trop souvent mal intentionnés.
Je ne stigmatise en rien un pan entier de notre population et encore moins celle équipée de deux roues puisque moi-même j’ai grandi dans ces quartiers et ai longtemps fait de la moto. Mais alors que je pilotais mon engin et que les forces de l’ordre m’invectivaient de me ranger sur le bas-côté pour y subir un contrôle je m’exécutais sans intention de filer à l’Anglaise ou plutôt à la Marseillaise. Les époques changent mais les méthodes restent puisque échapper aux condés aujourd’hui semble être un devoir que l’on vous enseigne dans la cour de récréation bien loin des valeurs de notre République. Malheureusement ces comportements engendrent de sales choses, de satanés destins puisqu’un jeune homme vient de perdre la vie pour une connerie.
Il y a encore quelques semaines je lisais un article dans lequel les policiers contestaient une directive leur préconisant d’éviter de «chasser» un deux roues en fuite. Je peux comprendre que ces ordres soient souvent mal interprétés et, pour avoir longtemps patrouillé, je sais ce qu’est le sentiment de frustration de voir une infraction passer sous son nez sans pouvoir y mettre un terme. Non pas que la mise à mal de la commission d’une infraction soit le but ultime de tout policier mais lorsque sa mission est réduite à devenir un empêcheur de tourner en rond en verbalisant seulement les gens qui s’arrêtent aux injonctions policières, à savoir les gens honnêtes, les flics ont raison de s’interroger sur le bien-fondé de leur fonction.
Certes nous avons pu constater dans d’autres départements que chaque interpellation précédée d’une course-poursuite tournant à la défaveur des délinquants provoque immédiatement des nuits d’émeutes et des millions d’euros de préjudice en mobilier urbain, autobus et matériels de police pour lutter contre des bandes armées dont l’unique but est de se faire du flic. Il était donc devenu impératif, pour des ministres bien trop frileux, de supprimer la cause de ces nuits bleues plutôt que de s’interroger sur leur genèse et sur un affaiblissement considérable des forces de police contraintes de ne pas entrer dans tel ou tel quartier ou de ne pas interpeller les propriétaires de motos bruyantes sous peine de devoir s’expliquer ou plutôt se confondre en excuses bidons devant les caméras de télévision. C’est un peu comme résoudre le phénomène des suicides dans la police en imposant aux policiers de laisser leur arme au coffre plutôt que de s’interroger sur les réelles causes de cette liste s’alourdissant chaque année. L’ouverture de parapluie dans l’administration est devenue une manie que chaque ministre adopte dès son arrivée à la Place Beauvau et Dieu sait comme ils excellent.
Le second épisode venu étayer mon propos sur la douceur des nuits phocéennes est un accident mettant en cause une voiture de police se déplaçant toutes sirènes hurlantes sur les lieux d’un accident de la circulation. Le gyrophare n’a pas suffit à annoncer une arrivée rapide d’une Police-Secours dans une intersection et «PAF le chien», comme on dit au Bar des Sports, la voiture sérigraphiée s’est retrouvée les pattes en l’air et les flics à l’envers. l’un d’eux a dû être désincarcéré par les marins-pompiers qui, eux aussi, se sont empressés toutes sirènes hurlantes en empruntant sans doute la même intersection … Ah les joies du deux-tons et du gyrophare … Je trouverais cela drôle si la gravité de la collision n’avait entraîné trois blessés tous policiers servant la société et se rendant sur les lieux d’un accident pour porter secours.
Pour faire suite à mon propos je dois encore me souvenir d’avoir lu récemment une directive remettant en cause l’usage, pour les équipages de police, des avertisseurs sonores et lumineux. Je vis en centre-ville et il est vrai que parfois je regarde ma télévision sans entendre le son de la voix des comédiens masqué derrière le hurlement fou d’un deux-tons policier et maudis ces fonctionnaires m’empêchant de me délecter d’un bon film d’Olivier Marchal. Tiens encore un flic celui là !
La circulation dans les rues de notre ville est parfois compliquée puisqu’elle répond à un code propre aux Marseillais et échappe aux Parisiens et autres Lyonnais égarés du côté de la Place Estrangin, du rond-point du Prado et encore plus s’ils se sont aventurés dans les quartiers Nord. Les feux rouge ne sont là qu’à titre indicatif, les passages cloutés ne servent que de couloirs de la mort pour piétons courageux ou inconscients et les limitations de vitesse ne concernent que ceux qui, investis d’une mission divine, se transforment en policier pour faire chier celui qui les suit en actionnant son klaxon comme un fou furieux. C’est ainsi Marseille restera Marseille et alors que les radars fleurissent sur les autoroutes, où il y a le moins de morts, aucun ne vient calmer les ardeurs des fous du volant aux 5 avenues ou à la Capelette.
La folie routière semble encore avoir de beaux jours devant elle à Marseille puisque les policiers n’ont pas reçu la consigne de faire preuve de sévérité envers les automobilistes dissipés. En revanche, ils doivent bien mémoriser les consignes de ne plus poursuivre les deux-roues et de ne plus utiliser leurs avertisseurs ! Et ça c’est essentiel …
Marc La Mola [[Marc La Mola a été flic durant vingt-sept années. Après des débuts à Paris, il rejoint sa ville natale, Marseille et choisit les quartiers Nord pour y exercer. C’est aussi là qu’il a grandi. Officier de Police Judiciaire, à la tête d’un groupe d’enquête de voie publique, il a traîné dans ces quartiers pour en mesurer les maux. Il a touché du doigt la misère et la violence de ces secteurs de la Ville. Marc La Mola a sans doute trop aimé son métier et c’est en 2013 qu’il décide de mettre un terme à sa carrière. Il retourne à la vie civile pour écrire. Il est aujourd’hui auteur, romancier et scénariste. Chez Michalon Éditions il a publié : «Le sale boulot, confessions d’un flic à la dérive», «Un mauvais flic, lettre ouverte à Manuel Valls», «Quand j’étais flic …». Ces trois témoignages relatent les moments forts de sa carrière et ses différentes prises de position. C’est chez ce même éditeur qu’il publiera en mars 2017, «Police, Grandeur et Décadence» dans lequel il explique comment la police en est arrivée à descendre dans la rue pour manifester son mécontentement. Il est encore romancier. Il publie chez Sudarenes Éditions un polar à l’accent Marseillais, «Le sang des fauves». En juin 2017 le personnage de ce premier polar reprend du service dans «Vallis Clausa», deuxième volet des enquêtes de son personnage Randy Massolo, un flic torturé. Il est aussi scénariste et a signé l’écriture de plusieurs synopsis optionnés par des maisons de production. Il enseigne également l’écriture de scénarios à l’École supérieure du cinéma Cinemagis de Martigues (13)]]
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