Publié le 14 novembre 2017 à 19h46 - Dernière mise à jour le 28 octobre 2022 à 17h47
C’est une exposition-événement qui est présentée pour la première fois en France après New York, Miami, Toronto, Montréal, Venise, Milan, Saint-Pétersbourg, Madrid, Mexico au site-mémorial du Camp des Milles jusqu’au 28 janvier 2018. «En cette année marquant les 75 ans des Déportations et Résistances au Camp des Milles, ce n’est pas un hasard si nous inaugurons aujourd’hui l’exposition de Marc Ash « Regards d’ensemble ». Ce 9 novembre est la date anniversaire de la nuit de cristal, date marquant un tournant, celui de la violence collective. Cette date, est aussi, délibérément bien entendu, celle de l’implantation du Wagon du Souvenir du Site-mémorial il y a 25 ans, une date marquant donc aussi un réveil de la mémoire, réveil nécessaire pour que le passé alerte le présent. Aujourd’hui elle laisse place à l’art contemporain, une première au Camp des Milles, pour faire sentir autant que pour faire comprendre». C’est par ce rappel que débuta l’intervention d’Alain Chouraqui, Président de la Fondation du Camp des Milles-Mémoire et Éducation, lors du vernissage de l’exposition de Marc Ash, en présence de plus de 200 personnes. Au moment où les engrenages extrémistes identitaires sont toujours actifs et où disparaissent progressivement les derniers témoins de la barbarie nazie, cette exposition agit comme une injonction sensible qui nous alerte et qui pousse chacun d’entre nous à rester vigilants face aux défis auxquels la démocratie est exposée.
En 2002, la lecture du «Pianiste» de Wladyslaw Szpilman bouleverse Marc Ash et le plonge dans une réflexion sur la Shoah qui va le conduire à investir ce thème dans sa pratique artistique. L’envie de se lancer dans cet immense chantier, à savoir raconter à travers l’art contemporain, l’histoire du génocide des juifs, tout en condamnant avec conviction le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie, fut renforcée par une visite du Site-mémorial du Camp des Milles : «un choc esthétique» pour lui. Lors de cette visite, Marc Ash, comme il l’explique, fut «happé, puis subjugué par la couleur du bâtiment, l’architecture, les lignes (…). Une fois dans l’enceinte de cette brique géante, ce fut un autre choc, un électrochoc émotif, un voyage dans les couloirs du temps pour tenter d’imaginer ce qu’avaient vécu ces hommes, ces femmes et ces enfants dans les entrailles non plus de ce beau bâtiment, mais de ce camp poussiéreux et pouilleux. (…)
Comment faire abstraction de tous les artistes hier prisonniers et ignorés, et aujourd’hui reconnus de par le monde pour leurs œuvres ? Chacun narrait son combat et sa résistance en exerçant son art … En tant qu’artiste aussi, je ne peux que m’incliner face à ces hommes et ces femmes qui ont laissé des témoignages si émouvants et indélébiles.» Après six mois de réflexion, Marc Ash se lance et trace les lignes des futures œuvres présentées ici. Un travail pour susciter une prise de conscience, pour sensibiliser sur ce qu’il considère comme une cause universelle : lutter contre les processus qui peuvent conduire au pire, au génocide. C’est sa façon à lui de résister. «Soucieux d’associer éthique et esthétique », il se fixe comme objectif de surprendre
les visiteurs sans pour autant les forcer à détourner leur regard. « Alchimiste de la matière», il évoque, dans chaque toile et dans chaque poème associé, une étape particulière sur le chemin du crime de masse. Les actes de résistances ne sont pas oubliés, ces actions qui ont sauvé des vies pendant la Seconde Guerre mondiale, à travers notamment sa pièce «Des roses pour les Justes», dont il a annoncé
faire le don au Site-mémorial du Camp des Milles avec son installation de six «veilleuses», créées pour «honorer la mémoire des six millions de victimes de la Shoah et l’ensemble des âmes disparues». Au cœur d’une scénographie minimaliste qui laisse s’exprimer la force des œuvres et les réflexions qu’elles suscitent, sont racontées les étapes de la Shoah ; des premières persécutions jusqu’au génocide. Cette mise en scène permet de parcourir l’univers de Marc Ash, et se ponctue par «Mémoire de vigilants», une installation surprenante de Pascale Hamelin qui fait émerger la responsabilité individuelle et collective face au pire. Telles des sentinelles, 35 personnages incarnent des «vigilants», acteurs, lanceurs d’alertes, et rapporteurs
de l’état de notre société.
Exposition parrainée par Serge et Beate Klarsfeld, réalisée avec le soutien de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah, le musée Guggenheim de New York et l’association mémoire du Camp d’Aix-les-Milles.
A propos du Site-Mémorial du Camp des Milles : L’ambition du Site-mémorial du Camp des Milles est de rappeler l’histoire tragique dont témoigne le Camp des Milles (seul grand camp français d’internement et de déportation – 1939-1942 – encore intact) et de s’appuyer sur l’histoire de la Shoah et d’autres génocides, pour présenter un «volet réflexif» inédit visant à renforcer la vigilance et la responsabilité du visiteur face aux menaces permanentes des extrémismes, du racisme et de l’antisémitisme et des extrémismes. Contribuant ainsi hautement aux valeurs humanistes de respect, de dignité et de solidarité, il constitue, par les médiations utilisées, une réalisation pédagogique unique au monde sur un lieu de mémoire, aujourd’hui reconnue par l’Unesco. Les contenus scientifiques et les dispositifs pédagogiques du Site-mémorial sont aussi le support de très nombreuses actions de formation auprès des jeunes, scolaires ou non, mais aussi, d’élus, de cadres et personnels d’entreprises, de syndicalistes, de policiers, de gendarmes…Ces actions se font en application de la première convention passée par l’État dans le cadre du Plan national de lutte contre le racisme et l’antisémitisme (convention passée entre l’État et le Site-mémorial), ou en application d’autres partenariats avec des Villes ou des associations et concernant notamment des populations de quartiers prioritaires. Les expositions permanentes du Site-mémorial sont organisées, selon le parcours muséographique suivant : – Le Volet historique présente l’histoire des trois grandes périodes du Camp des Milles entre 1939 et 1942, replacée dans son contexte local, national et européen ; des bornes audiovisuelles reconstituent les destins individuels d’internés célèbres ou inconnus ; d’autres présentent le récit de témoins de cette époque. – Le Volet mémoriel permet la visite, émouvante, des lieux historiques laissés en l’état. L’immense « four à tuiles » baptisé Die Katakombe par les internés qui en firent un lieu de création artistique constitue l’un des temps forts de la visite avec les espaces où s’entassaient les internés dans les étages. – Le Volet réflexif présente de façon inédite des connaissances scientifiques pluridisciplinaires qui permettent au visiteur de mieux comprendre les engrenages et les mécanismes humains récurrents (préjugés, effet de groupe, passivité, soumission aveugle à l’autorité…) qui ont conduit et peuvent conduire au pire. Il s’agit ainsi de donner au visiteur des outils de réflexion sur la responsabilité de chacun dans une «montée des périls». Cette section «réflexive» se termine par un Mur des actes justes» qui présente la diversité des actes de sauvetage et de résistances aux quatre grands crimes à caractères génocidaires du XXe siècle, contre les Arméniens, les Juifs, les Tsiganes et les Tutsis au Rwanda. Un hommage, et une invitation à la responsabilité individuelle. Le visiteur peut aussi découvrir l’exposition nationale de Serge Klarsfeld sur les «11 400 enfants juifs déportés de France à Auschwitz» réalisée par l’Association des fils et filles des déportés juifs de France. Il s’agit d’une collection exceptionnelle de documents rares présentée de manière permanente dans les lieux. Cette exposition prend un relief particulier alors que du Camp des Milles furent déportés une centaine d’enfants à partir de l’âge de un an. Cette exposition est complétée par celle de l’OSE « Sauver les Enfants : 1938-1945 » qui illustre les actes de résistance et d’humanité dans le même contexte. Après sa sortie du bâtiment principal, le visiteur accède à une «Salle des peintures» où se trouvent d’immenses peintures murales colorées et ironiques, réalisées par les internés. Le Chemin des Déportés, emprunté à l’été 1942 par plus de 2000 hommes, femmes et enfants juifs conduit enfin au Wagon du Souvenir situé à l’endroit même du départ pour la déportation. |