Forum Anna Lindh: La Méditerranée en 2020

Publié le 6 avril 2013 à  2h00 - Dernière mise à  jour le 27 octobre 2022 à  16h11

Quelles tendances sont en train d’émerger dans les sociétés Euro-méditerranéennes? Comment peuvent-elles influencer les perceptions, les valeurs, les échanges humains et le dialogue à travers la Méditerranée?
« Mais, peut-on prédire le futur ? », interroge le modérateur Paul Gillespie, Rédacteur en chef du Irish Times, Irlande.

La Méditerranée en 2020: la société & valeurs a été abordé ce vendredi 5 avril dans le cadre du Forum Anna Lindh (PHOTO P.-M.C.)
La Méditerranée en 2020: la société & valeurs a été abordé ce vendredi 5 avril dans le cadre du Forum Anna Lindh (PHOTO P.-M.C.)

Robert Manchin, directeur de Gallup Europe, Belgique explique, en se basant sur le rapport Gallup que « dans un cadre stable, on sait ce qui peut survenir ». Aujourd’hui le Nord et le Sud vivent « une insécurité alarmante et on ne peut pas prédire ce qui va arriver. » En effet, « les opinions publiques sont très changeantes. » Aux questions : Vous pensez que vous aurez plus d’argent l’année prochaine ? La confiance économique ? Dans cinq ans pensez-vous avoir une vie meilleure ou pire ?
« Pour la première fois, on ne peut pas mesurer », indique Robert Manchin, puisque « la majorité des ménages estime que leur vie est pire ». Une nouveauté est également apparue : « On parle d’insécurité dans le Sud mais aussi dans le Nord » mais « il y a aussi les espoirs ». Il est mis en évidence au travers des études que « le Sud de la région a plus d’espoir sur le futur même avec les difficultés, que le Nord et le Sud de l’Europe ».
Une autre étude interroge sur le label Confiance des institutions et organismes. « Les données de confiance ont un seul chiffre donc la moitié des personnes ne font pas confiance aux gouvernements ». La principale question qui s’applique au futur : « quelles politiques doivent être appliquées quand il n’y a pas la confiance. Cette question met mal à l’aise car 20% des personnes croient qu’il existe une vérité absolue ». In fine pour le directeur de Gallup, : « Des normes sont à prendre en compte pour bâtir des plans d’actions pour l’avenir. »

« Les jeunes sont conscients du malaise mais ils ont des idées »

Autre tableau dressé par Inger Andersen, vice-présidente de la Banque Mondiale, Moyen Orient & Afrique du Nord. « Nous avons actuellement 136 transitions dans le monde ». Elle constate « un déclin économique alors que les transitions dépendent des politiques économiques et la confiance envers le pouvoir. » Un déclin qui s’est fait ressentir en 2011 avec une croissance zéro ou négative. « En 2012, il fallait remonter cette falaise malheureusement sur fond de crise mondiale, contrairement à l’époque de la chute du mur de Berlin où il y avait énormément de ressources ». Les européens ont cessé d’acheter, la zone euros est en difficulté, les prix ont augmenté et « tous ces facteurs externes d’incertitude prolongée sont autant d’obstacles pour la reprise économique ».
« La région était pauvre mais solide avant la crise, en revanche, rappelle-t-elle : elle n’était pas équitable. » A propos de l’éducation, elle pointe quelque danger .« Un grand nombre d’écoles dirigent les étudiants vers les secteurs publics, ce n’est pas accélérer la croissance » . La région ne fait ainsi « pas preuve de performance positive ». La création d’entreprise porterait l’économie mais « l’accès pour les jeunes au micro-financement est inexistant en région. » Elle souligne que par le passé le financement était réservé à un cercle d’élites. « Ce cercle doit être ouvert pour créer une autre société. » Elle revient encore sur l’héritage du passé.« C’était les gouvernements qui fournissaient des emplois. Ce n’est plus la solution. Il n’y a donc pas de transition économique c’est quelque chose de radical qui s’est déroulé. Les jeunes sont conscients du malaise mais ils ont des idées. Il faut donc des réformes, une ouverture à de nouvelles propositions. »

« l’impact du printemps arabe n’a pas changé les schémas de migrations »

La question des migrations est abordée par Farida Souiah, Politologue, spécialiste des politiques migratoires. Elle tient à souligner que « l’impact du printemps arabe n’a pas changé les schémas de migrations. » En Europe, la préoccupation s’est arrêtée sur « les Africains du Nord, les citoyens fuyant les révolutions. L’Europe n’a pas pu défendre la démocratie de la région. C’est comme si on leur avait dit :Restez où vous êtes, on a une crise économique. On ne vous veut pas. Inquiétude de l’exode d’Afrique du nord vers l’Europe avec une image négative véhiculée d’invasion. La Méditerranée depuis est devenue un tombeau ; la région est la plus militarisée de l’Europe. Cette dernière a externalisé les contrôles aux frontières. Plutôt que d’arrêter la migration, elle a augmenté la migration illégale, plus risquée. »

« L’Europe dépendra des migrations »

Farida Souiah estime que dans l’avenir l’exode de masse ne va pas s’arrêter car « L’Europe dépendra des migrations ». Elle précise : « Il faut que l’Europe prépare le vieillissement démographique, un changement car pour 2 actifs, il y aura 4 personnes âgées. Dans 20, 30 ans, il n’y aura pas de main d’œuvre suffisante, elle doit anticiper un programme pour préparer l’immigration. »
La durabilité est au cœur des propos de Yaraah Bar-on, Présidente de « Oranim»,collège d’enseignement, membre du conseil consultatif de la FAL en Israël. « Lorsque les choses empirent, on continue à espérer. nous devons œuvrer ensemble pour plus de valeurs universelles. » Elle constate de nombreuses similitudes entre les pays de la Méditerranée. « Où que j’aille dans les villes de la Méditerranée, je me sens chez moi. Nos diversités sont moins importantes qu’avec les pays du Nord. C’est pour cela que les nationalismes ne mèneront à rien, il faut au contraire de la coopération. »

« On doit penser encore plus loin, non pas en terme de changement mais d’évolution et de durabilité »

Elle poursuit : « Il faut que ce soit sur des valeurs universelles : liberté, égalité, solidarité entre les communautés au travers de l’Art, la question des gens, le sport, la question de la durabilité, chaque communauté tout en renforçant son identité, communiquera son propre style de vie. » L’avenir, « 2020 est une échéance pas très lointaine, on doit penser encore plus loin, non pas en terme de changement mais d’évolution et de durabilité. » Il est question de « penser autrement la problématique de l’argent, consommer uniquement ce dont on a besoin et réfléchir au niveau de bonheur que l’on espère atteindre. » Yaraah Bar-on, estime que les idéaux du XXe siècle « ne sont plus valables aujourd’hui. Nous devons utiliser nos ressources le mieux possible. »

« Il nous faut résoudre les problèmes maintenant »

Inger Andersen lance : « Il nous faut résoudre les problèmes maintenant, les révolutions sont l’esprit du changement. L’esprit pluraliste : jeunes, âgés, hommes, femmes, urbain, rural, il s’agit de savoir comment ancrer le pluralisme et s’assurer que ce désire pluraliste ne se perde pas. »
Robert Manchin revient sur la croissance économique : « Il y a une minorité qui profite de cette croissance alors que tout devrait se passer dans la solidarité. Il existe des sentiments d’injustice et c’est là que nous devons réfléchir sur le type d’éducation. Des gens qui vont créer une situation durable. »
La parole est donnée au public. Elle se traduit par des témoignages, des observations, des réflexions et aussi des propositions.
Vassilio, Grèce, avoue être d’accord « pour penser un nouveau modèle économique
pour la région ». Il poursuit : « On a eu 60 ans de récession, qu’est-ce que l’on peut offrir, un nouveau cheval de Troie avec par exemple nos amis Qataris qui achètent toutes les îles ».
Fatima, Algérie, tient à souligner que « Le Maghreb est aussi une terre d’accueil. » Au niveau de la migration, elle précise : « L’Europe est aujourd’hui la moins convoitée, les jeunes algériens préfèrent aller ailleurs, l’Europe est le pis aller ».

« On est aujourd’hui dans un goulot »

Nadia vient de Jordanie et à l’attention des intervenants, elle avance : « Je vous ai entendu parler de bonheur. Je pense que cela n’existe plus. Un modèle loin de l’argent, ce n’est pas réaliste, on doit croire en d’autres personnes, avec plus de démocratie. On doit donc plus se parler pour mieux se comprendre. » Elle estime : « On est aujourd’hui dans un goulot, une zone de politique de transition. Les solutions on les a mais elles sont théoriques, pas pratiques. En Jordanie, nous vivons un printemps qui souffre. les réfugiés Syriens seront 1 million à la fin de l’année. Nous n’avons pas d’aide ni de nos amis des pays arabes, ni d’Europe. Nous n’avons pas d’eau, pas d’aliments de première nécessité. L’objectif aujourd’hui est de trouver des solutions et les appliquer. »

« On doit reconnaître ce que l’on est »

Élisa, professeur de démocratie pour les pays de la région de la Méditerranée, indique : « Les jeunes de la Méditerranée comprennent que c’est une nouvelle ère et soutiennent de nouvelles valeurs. Un nouveau dialogue pour remplacer la violence »
Vince, professeur à Malte assène : « On vit dans un monde où l’on a peur du futur. On a perdu la foi institutionnelle, traditionnelle. On doit reconnaître ce que l’on est et construire quelque chose à partir de cela en tant que société civile, ce n’est pas utopique. » A Malte, explique-t-il : « Les gens en ont assez de la situation, ils veulent gagner plus d’argent. En Grèce, la crise ramène les gens à cultiver leur légumes. »
Je suis portugais, souligne une autre personne dans le public : « On parle d’espoir mais les gens n’ont plus beaucoup de temps pour l’espoir. Il est très urgent de mettre en place un nouveau modèle, durable pour pouvoir vivre ».

Patricia MAILLE-CAIRE

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