Publié le 25 novembre 2017 à 11h42 - Dernière mise à jour le 29 octobre 2022 à 13h46
Compléments d’information sur le feuilleton juridique relatif au changement de formule du Levothyrox®… Pas de class action « à l’américaine » donc mais plusieurs actions de groupe telles que prévues par la loi. Nous avons demandé à Me Pascal Consolin d’apporter quelque éclairage sur la loi française…
Destimed : Pouvez-vous faire le point sur la législation française ?
Me Pascal Consolin : L’action de groupe qui a initialement fait son apparition en 2014, a été étendue au domaine de la santé grâce à l’article 184 de la loi du 26 janvier 2016 de modernisation du système de santé, dite « Loi santé ». La procédure est codifiée aux articles L1143-1 à L1143-22 du Code de Santé Publique. Un décret d’application est paru au JO du 27 septembre 2016. Aujourd’hui, l’action de groupe est une procédure de poursuite collective permettant à des usagers du système de santé placé dans une situation identique de se regrouper et d’agir en justice afin d’obtenir réparation de leur préjudice subi. Ainsi, deux personnes se trouvant dans une situation similaire, pourraient engager une action de groupe. On voit bien dès lors que nous sommes très loin du système créé par les américains.
Dans quel cas une telle action peut-elle être enclenchée ?
Aujourd’hui, les textes visés ci-dessus permettent une action en réparation du préjudice et l’article 1143-1 CSP défini deux causes de préjudices pouvant permettre une action de groupe :
1. En cas de manquement d’un producteur ou d’un fournisseur d’un produit de santé (c’est une véritable boite à Pandore puisque nous trouvons des médicaments, des insecticides, des préparations magistrales, des préparations hospitalières ou officinales, des stupéfiants, des psychotropes, des huiles essentielles, des plantes médicinales, …).
2. En cas de manquement d’un prestataire lors de l’utilisation d’un des produits de santé précités. Dans ce cas, les victimes pourront agir directement contre l’assureur du responsable au titre de l’action directe définie par le Code des Assurances (L124-3). :
Comment se déroule cette procédure ?
Il convient de préciser que l’action de groupe s’effectue par l’intermédiaire d’une association d’usager du système de santé agréé et répertorié par les agences régionales de santé (ARS). Sur la procédure, celle-ci se déroule en deux étapes, ce qui la rend particulièrement fastidieuse. 1 ère étape : elle concerne la recherche de la responsabilité. Le Juge devra donc statuer sur la responsabilité du producteur, du fournisseur ou du prestataire. A ce titre, et en fonction de la qualité du défendeur, le régime juridique sera différent (par exemple : producteurs de médicaments et médecins prescripteurs ne sont pas soumis au même régime juridique). Si le Juge retient la responsabilité du défendeur, il devra ordonner entre autre des mesures de publicité permettant aux autres victimes de rejoindre l’action engagée. En cas de responsabilité reconnue, il conviendra d’aborder la question de l’indemnisation et, sur la base du jugement rendu, les victimes et le défendeur devront s’entendre sur le montant des indemnisations.
A ce propos, comment sont allouées les indemnisations ?
Je trouve personnellement cette approche surprenante même si je ne doute pas de la qualité de négociateur des associations d’usagers. Ces négociations, si elles peuvent avoir le mérite d’accélérer la procédure d’indemnisation, risquent cependant de ne pas assurer une réparation intégrale du préjudice subi par les victimes. C’est pour cette raison qu’un système facultatif de médiation a été instauré mais dans des délais qui me semblent trop courts (3 mois renouvelable 1 fois). La convention d’indemnisation amiable doit ensuite faire l’objet d’une homologation par le Juge. Reste enfin le problème du règlement de l’indemnisation. Si c’est l’association qui perçoit les sommes pour le compte des victimes, elle devra les consigner à la Caisse de Dépôt et de Consignation, sauf à ce que l’association soit assistée d’un Avocat, auquel cas, les sommes réglées transiteront sur le compte CARPA de ce dernier (article R1143-11 CSP). Au cas où le responsable ne s’acquitterait pas spontanément des sommes allouées à titre de réparation, la victime pourra demander au Juge la réparation de son préjudice dans les conditions et limites fixées par le jugement en reconnaissance de responsabilité. Bien entendu, la victime pourra également agir à cette fin (article L1143-12 CSP et article R1143-12 CSP) devant la juridiction compétente.
Propos recueillis par Mireille SANCHEZ