Le Crif Marseille-Provence: dense journée de réflexion sur le racisme, l’antisémitisme et la laïcité
Publié le 4 décembre 2017 à 19h26 - Dernière mise à jour le 29 octobre 2022 à 13h46
Bruno Benjamin président du Crif Marseille-Provence, Manuel Valls et Gilles Bernheim (Photo Mireille Bianciotto)Le Conseil Représentatif des Institutions Juives de France (Crif) Marseille-Provence organise, ce lundi 4 décembre, son dîner annuel lors duquel l’invité d’honneur sera Gérard Collomb, le ministre de l’Intérieur, une manifestation qui s’inscrit dans une dynamique qui l’a vu organiser un tournoi de football intercultuel puis, à la Villa Méditerranée, sa convention régionale en présence de nombreuses personnalités au premier rang desquels l’ancien Premier ministre, Manuel Valls sur le thème : “Le Terrorisme : la France est- elle une cible privilégiée, pourquoi ?”.
Une manifestation qui a proposé trois conférences-débats, un entretien croisé, qui ont soulevé des questionnement autour du terrorisme, des lois antiterroristes, du dispositif judiciaire, de la laïcité et de la radicalité. Quels sont les moyens mis en place par les pouvoirs publics pour éradiquer le terrorisme ? Comment dialoguer avec l’Islam?
C’est Olivier de Mazières, préfet de Police des Bouches-du-Rhône qui ouvrira la rencontre en décrivant l’état de la menace et le dispositif sécuritaire mis en place.
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Philippe Coen président fondateur de Respect Zone est présent à la convention régionale. Il explique: «Nous venons de publier “internet contre interh@te”, un plaidoyer pour le respect- éditions Le Bord de l’Eau- 50 propositions non coercitives contre la haine. Notre objectif est de promouvoir le respect sur internet. Nous entendons ainsi offrir un outil pédagogique moderne de lutte contre le racisme, l’antisémitisme, le sexisme, l’homophobie, l’apologie du terrorisme, stigmatisation des handicaps et le harcèlement. Nous avons déjà 30 écoles qui ont été labellisées, en France et en Belgique, Respect Zone. Cela ne coûte rien mais cela engage car le mot respect est l’un des plus prononcés».
Paul Amar entouré de Manuel Valls, Fabrice Labi, Gilbert Thiel, Georges Fenech (Photo Mireille Bianciotto)
La deuxième table-ronde porte sur «Lois antiterroristes et Dispositif Judiciaire». Animé par le journaliste Paul Amar, elle réunit: Manuel Valls, Gilbert Thiel, ancien Premier Juge d’Instruction au TGI de Paris, Section Antiterroriste, Georges Fenech, ancien député et magistrat ainsi que Fabrice Labi, des parties civiles lors du procès d’Abdelkader Merah. Pour l’ancien Premier ministre: «Pendant des années, entre 1990 et 2012, la France a eu le sentiment de ne pas connaître la menace terroriste. Alors, lorsque arrive Toulouse et Montauban, on a du mal à appréhender ce qui arrive». Considère que «la loi sur le renseignement nous permet d’être mieux armés qu’il y a cinq ans. Nous sommes sortis d’une période d’insouciance mais la société a encore du mal à mesurer que nous sommes en guerre». Gilbert Thiel revient sur l’Histoire contemporaine du terrorisme en France. «Dans les années 80, explique-t-il, nous avons connu un terrorisme d’importation d’une part et d’extrême-gauche d’autre part. Mais, ce qui a changé c’est l’échelle du problème. Dans les années 90 une centaine de personnes étaient sous surveillance, aujourd’hui une dizaine de milliers».
«Jusqu’où la démocratie doit-elle sacrifier sa liberté pour se protéger?»
Georges Fenech interroge: «Jusqu’où la démocratie doit-elle sacrifier sa liberté pour se protéger?». Pour répondre immédiatement: «Nous devons protéger notre État de Droit, sinon nos adversaires auront gagné». «Autant l’état d’urgence, juge-t-il, se justifiait après les attentats autant sa durée ne s’inscrivait pas dans nos traditions. Pour autant nous ne devons pas baisser les niveaux de protection, nous ne devons pas être un État faible. Il faut se doter de moyens à la hauteur des besoins… Ce que nous faisons depuis trente ans. Car notre législation n’a cessé d’évoluer. On ne peut pas demander aux jurés d’être des héros, on a donc créé une juridiction spécialisée. Depuis 2012 nous avons adopté 8 lois pour renforcer notre arsenal et l’opposition, dont j’étais, a voté l’ensemble des textes…». Manuel Valls rappelle: «Dans les années 80-90 il y a eu une réponse de la police, la gendarmerie et la justice mais aussi de la société. En Espagne, il y a eu un rejet de la violence et un statut d’autonomie. L’Italie a su rejeter l’extrême-gauche et l’extrême-droite; les communistes et la Démocratie Chrétienne créant un front commun. Au Sahel, la faiblesse des États africains fait que la situation reste difficile. En France plusieurs milliers de personnes sont radicalisées. Il faut que les musulmans luttent contre ce radicalisme». Considère qu’il s’agit d’une question sociale, sociétale, religieuse. «Ce n’est pas parce que l’on aura réglé le chômage que le problème du radicalisme sera réglé».
«La religion musulmane est très diverse et il n’y a pas de clergé»
Georges Fenech invite à faire attention à ne pas tomber dans les amalgames. «La religion musulmane est très diverse et il n’y a pas de clergé. Après, les responsables religieux doivent monter au créneau pour expliquer ce qu’est l’enseignement de l’Islam».
Manuel Valls reprend: «C’est vrai qu’il n’y a pas de communauté musulmane, il n’y a pas d’organisation de l’islam, il y a des différences sociale, économique… Mais, il y a une injonction faite aux Musulmans, ils doivent se séparer des intégristes. On leur demande un mouvement de changement que les autres religions ont mis des siècles à accomplir. Il faut que des voix s’élèvent pour dénoncer l’influence de l’Imam Google, des réseaux sociaux. La bataille idéologique est là, sachant qu’il y a des principes qui ne sont pas négociables: la République et la laïcité; Et chacun doit prendre position contre le racisme et l’antisémitisme».
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«Abdelkader Merah a façonné son frère, l’a amené jusqu’à sa maturation criminelle»
Gilbert Thiel en vient à la question des returnees (les revenants). «Ils seront jugés. Les enfants auront un suivi psychologique. Ceux qui sont entre les mains des autorités syriennes et irakiennes relèvent de la souveraineté de ces États». Pour Fabrice Labi, le procès Abdelkader Merah a sensibilisé la France. «Il reste le procès emblématique du terrorisme. Est-ce que le message est assez passé? Non. Abdelkader Merah a façonné son frère, l’a amené jusqu’à sa maturation criminelle et nous n’avons pas eu de réponse à cela».
La troisième table-ronde avait pour objet “laïcité et radicalité”. Elle verra notamment intervenir Clément Yana, past-président du CRIF, Gilles Bernheim, Ancien Grand Rabbin de France et Omar Djellil.
Philippe Coen, Gilles Bernheim, Clément Yana, Omar Djellil (Photo Mireille Bianciotto)
«Penser les problèmes de tous les Hommes même si les Hommes n’ont aucune raison de se plier à cette religion»
Pour Gilles Bernheim on assiste à deux phénomènes: «La laïcité devient pour certains du laïcisme transformant la laïcité en religion qui prive les autres de leur liberté. Et, dans le même temps, des mouvements religieux se radicalisent voulant balayer l’universalité des valeurs». Il invite les religions à avoir la capacité de penser à ceux qui ne croient pas en leur religion. «De penser les problèmes de tous les Hommes même si les Hommes n’ont aucune raison de se plier à cette religion». Un souhait qu’il formule pour «les juifs, les chrétiens et les musulmans». Il en vient à la laïcité: «Elle se construit dans la République autour des valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité. La liberté, c’est d’entrer et de sortir d’une religion. Si on l’empêche nous sommes devant un début de radicalité. L’égalité, c’est être libre et égal devant l’Autre, ses droits doivent être les miens. Mais cela ne suffit pas de penser au développement des droits il importe aussi aux devoirs car, il ne peut y avoir de droits sans devoirs. La fraternité est le maillon faible du triptyque». Il parle du Talmud pour expliquer l’importance de la notion de «tous fils d’Adam». «Cela veut dire que nous sommes tous frères. Or, on ne peut pas aimer tous le monde même si on me dit que je dois l’aimer comme moi-même. Il y a la solidarité, mais on voit bien que les campagnes jouent sur l’émotion et celle-ci ne dure qu’un temps. En revanche, si on dit que c’est ton frère alors les liens ne peuvent se déchirer».
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Clément Yana, présente Omar Djellil: «Nous avons été adversaires, parfois cela aurait pu en arriver aux mains puis, nous avons décidé de dialoguer en nous mettant d’accord sur un point, le refus de toute violence». Omar Djellil explique: «Il y a quelques années si on m’avait donné l’ordre de vous abattre je l’aurais fait. Il m’est arrivé la pire des choses lorsque l’on est jeune, j’ai été déshumanisé et on a déshumanisé l’Autre. C’est cela la menace islamiste». Il raconte sa rencontre avec Bruno Benjamin: «Je lui ai dit que j’étais pro-plastinien lui pro-israélien et que ceci posé nous pouvions parler de Marseille. Depuis j’ai appris plein de choses…».
Michel CAIRE
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