Publié le 3 avril 2013 à 7h00 - Dernière mise à jour le 27 octobre 2022 à 16h11
Un rapport qui décoiffe
Peu de chance de s’assoupir l’après-midi avec la présentation, par Jean-ClaudeTourret, le délégué général de l’Institut de la Méditerranée, d’un rapport sur la gouvernance démocratique en Méditerranée. Il indique : « C’est notre troisième rapport, les deux premiers concluaient en déplorant l’insuffisance de la coopération décentralisée. La situation n’est plus la même aujourd’hui. Le monde méditerranéen est en plein bouleversement. Au Nord, le chômage atteint des niveaux identiques à ceux des années trente; au Sud, on constate l’existence de zones d’ombre sur les aspirations à la démocratie, la liberté.»
Concernant les mutations en cours, il note : « Les grandes coopérations, celles des nations, de l’Europe, ont été dépassées par les événements sans que cela ne produise de remise en cause. Face à cela on parle beaucoup de réseaux de coopération décentralisés, ils ont leurs limites, ils ont aussi une capacité de réaction, d’adaptation à partir des liens denses, multiples, qui se sont créés avec des municipalités, la société civile ». Le document avance notamment : « Les modèles de développement prônés par l’Europe et les grandes institutions financières internationales méritent d’être revisités à la lueur des événements récents. Ces modèles, outre le fait qu’ils n’ont pas permis avant la crise d’installer un régime de croissance suffisant pour absorber les nouveaux arrivants sur le marché de l’emploi, ont également conduit à des déséquilibres sociaux et territoriaux qui sont largement à l’origine des soulèvements populaires qui ont embrasé l’ensemble de la région ».
« Lorsque l’on regarde la Chine, la Turquie, le Brésil, on voit des modèles de développement en opposition avec la doxa dominante »
Il en vient à la gouvernance démocratique, rappelle cette période récente où il fallait que le privé prenne la place des États. « Nous avons pu aller trop loin dans ce domaine ». Il poursuit sa critique : « Nous avons eu un modèle mécaniste du développement. Nous expliquions : faites de la formation, vous aurez de l’emploi. Il y a eu de la formation, il n’y a toujours pas d’emploi ». Aujourd’hui, on aurait appris de ces expériences, de ces erreurs : « On sait que les processus de développement sont endogènes à chaque pays. Lorsque l’on regarde la Chine, la Turquie, le Brésil, on voit des modèles de développement en opposition avec la doxa dominante et qui se construisent à partir d’un consensus politique à long terme. Alors que les pays qui ont suivi la doxa dominante sont piégés avec des taux de développement tout au plus faibles ». Alors, aujourd’hui, il s’agit de prendre en compte les stratégies nationales, de reconnaître l’importance des Institutions, des États, sans pour autant ignorer la dimension participative et locale. « On voit donc que la coopération va être plus complexe à mettre en œuvre que les années précédentes. On va passer des projets au processus, on entre dans la complexité des dossiers. Et tout cela ne peut être porté de l’extérieur mais par des acteurs locaux ».
Le document note à ce propos : « Les autorités locales et régionales ont montré depuis le déclenchement du printemps arabe leur flexibilité et leur capacité à réagir par des actions concrètes aux demandes de leurs partenaires. Moins soumises aux contraintes diplomatiques que les États, elles ont montré leur rôle et leur légitimité dans un contexte pourtant évolutif et difficile. En outre elles ont également montré, par leur action, toute la pertinence d’une approche du développement centrée sur les territoires et la participation des acteurs territoriaux et qui est au cœur du concept de gouvernance démocratique dont on peut penser qu’il va progressivement trouver sa place et transformer les modes de coopération qui sont à l’œuvre en Méditerranée ».
Michel CAIRE