Publié le 2 janvier 2018 à 22h00 - Dernière mise à jour le 28 octobre 2022 à 17h51
Il arrive, même si c’est assez rare que l’adaptation au cinéma d’un roman soit meilleure que l’original proposé aux lecteurs. C’est le cas avec «L’Échange des princesses» le long métrage que Marc Dugain a tiré du best-seller de Chantal Thomas. Plusieurs raisons à cela : la première vient du fait que le réalisateur a débarrassé le récit de surcharges, redites, effets appuyés qui sont l’apanage du livre privilégiant le sobre, le minimalisme au grand (et néanmoins beau) déballage affectif des personnages féminins de l’écrivaine plutôt présentées comme atteintes d’hystérie. Cela donne un autre aspect au déroulé des événements leur ajoutant une grandeur plus universelle. La deuxième raison c’est que Marc Dugain (venu présenter son long métrage au cinéma « Le Renoir » d’Aix-en-Provence) fait partie de ces rares cinéastes (tout comme Eric Barbier le réalisateur de «la promesse de l’aube » que les Aixois ont pu voir au Cézanne cette fois) qui ont intégré l’idée que le cinéma et la littérature sont deux choses totalement différentes et que ce qui brille à l’écrit ne prend pas forcément de l’éclat sur l’écran. On aura remarqué très vite d’ailleurs la rigueur des cadrages, la précision des plans, la couleur magnifique de la photographie signée Gilles Porte, et la direction d’acteurs exceptionnelle de Marc Dugain les mettant en scène comme au théâtre. L’histoire bien sûr tient en haleine du début à la fin et on comprend ce qui a intéressé celui qui a déjà raconté Staline et qui réfléchit sur la violence inhérente à certains types de pouvoirs politiques.
Un échange de princesses permettrait de consolider la paix avec l’Espagne
Ici nous sommes en 1721. Une idée audacieuse germe dans la tête de Philippe d’Orléans, Régent de France… Louis XV, 11 ans, va bientôt devenir Roi et un échange de princesses permettrait de consolider la paix avec l’Espagne, après des années de guerre qui ont laissé les deux royaumes exsangues. Il marie donc sa fille, Mademoiselle de Montpensier, 12 ans, à l’héritier du trône d’Espagne, et Louis XV doit épouser l’Infante d’Espagne, Anna Maria Victoria, âgée de 4 ans. Mais, l’entrée précipitée dans la cour des Grands de ces jeunes princesses, sacrifiées sur l’autel des jeux de pouvoirs, aura raison de leur insouciance. Tout est dit.
On sacrifie les unes pour s’accommoder du rapport avec les autres, Marc Dugain réussissant un modèle de film historique. Avec une volonté de montrer par le film la violence faite aux enfants, renforcée par la manière de les diriger comme s’il s’agissait d’adultes. Défi que de les choisir Il fallait trouver quatre enfants à la hauteur. Non sans humour Marc Dugain explique avoir rencontré Igor Van Dessel, qui joue Louis XV, alors que ce dernier tournait au Cap Ferret. Le metteur en scène qui habite Bordeaux se rappelle : «Je l’ai emmené déjeuner, on a discuté, et du haut de ses treize ans à la fin du repas, il a sorti son portefeuille : « Vous voulez que je vous invite ? ». Igor est hyper photogénique. Il a une façon de prendre la lumière, avec ses yeux et son air un peu angélique. Et comme les grands acteurs, il est capable d’une grande concentration mais quand il a fini sa prise, il déconnecte immédiatement». Juliane Lepoureau, qui joue l’infante, a été choisie au terme d’un casting ; Anamaria Vartolomei, qui incarne Marie Elizabeth, avait été repérée par le directeur de la photographie Gilles Porte dans «L’Idéal» de Frédéric Beigbeder dont il avait fait la lumière ; enfin, Kacey Mottet-Klein, qui campe don Luis, «est tombé un peu du ciel», s’amuse Dugain. Et comme Olivier Gourmet, Lambert Wilson, et Catherine Mouchet sont exceptionnels d’intensité le casting prend du poids.
Décors splendides dans des châteaux belges
Tourné dans des châteaux de Belgique le film bénéficie de décors splendides, dont le grandiose tranche avec la dureté d’une époque rongée par l’omniprésence des épidémies. Tout y est pour faire de ce film un grand spectacle populaire. On ajoutera enfin que l’on trouve beaucoup d’éléments narratifs chers à l’auteur, et notamment les rapports au père. C’était la première fois que Marc Dugain adaptait pour le cinéma un livre qui n’est pas de lui. La réussite est totale.
Jean-Rémi BARLAND