Publié le 23 janvier 2018 à 19h21 - Dernière mise à jour le 29 octobre 2022 à 13h46
L’épisode 8 de Star Wars, Les Derniers Jedi, permet de ressusciter l’éternelle querelle des Anciens contre les modernes… Le nouvel opus est-il à la hauteur de ceux qui le précédèrent, notamment de la trilogie originelle, puisque l’on retrouve ici (comme dans le 7) Luke Skywalker (Mark Hamill) et Leia Organa (Carrie Fisher) ? La question ne peut pas vraiment recevoir une réponse simple.
D’un point de vue cinématographique, il faudrait être difficile pour reprocher quelque chose au réalisateur Rian Johnson. Ce qui pose plutôt problème aux plus anciennes générations, c’est le côté «à bout de souffle» de Luke et Leia. Le premier vire nettement dépressif (au-delà même du style Robinson Crusoé) et la seconde peine à rassembler ses troupes.
De surcroît, le Premier Ordre qui succède à l’Empire ne présente pas une grande originalité et fige l’évolution de la figure du «Mal». J’irai même jusqu’à dire que le «leader suprême Snoke» frise le ridicule et que Kylo Ren (Ben Solo, le fils de Han et Leia) ne parvient pas à évoquer autre chose qu’une caricature d’adolescent en pleine crise de rébellion contre ses parents… Tout cela s’enlise, même si Rey (Daisy Ridley) offre de l’air et du talent à l’ensemble de la «chaîne maléfique» en permettant de dynamiser les interactions entre les personnages.
En fait, les héros semblent désemparés à tout instant du film, voilà le problème pour ceux qui furent habitués à tenir les Jedi pour des guerriers sûrs d’eux-mêmes, s’adaptant en permanence et s’adossant à une tradition millénaire. On est ici loin de cette approche initiale qui traverse l’ensemble des épisodes, du premier au sixième. De maître Yoda à Obi-Wan Kenobi en passant par Qui-Gon Jinn (Liam Neeson), le Chevalier de l’ordre Jedi apparaît comme un recours, l’incarnation de la Force, et jamais comme un personnage désabusé ou paumé qui s’interroge sur le chemin de fuite à emprunter… Seule Rey échappe à cette description, même si elle connaît quelques moments de doute intense (qui font partie a contrario des étapes à franchir lors du «voyage du héros»).
Au bout du compte, ce qui peut gêner dans le dernier des blockbusters Star Wars, c’est la première véritable émergence d’un affrontement des Anciens et des modernes. Pour les jeunes générations, la déshérence des figures principales -qui devraient incarner l’affirmation de soi- choque sans doute moins. Elle traduit probablement une certaine part du désarroi juvénile, et fait donc mouche vis-à-vis d’un nouveau public que la franchise tente précisément de séduire car, de nouvelles générations de fans doivent succéder aux anciennes… Les autres sont déroutés par Finn et Poe Dameron qui ne rappellent guère Han Solo et paraîtraient même des tentatives avortées de ressusciter le rôle d’Harrison Ford.
Par ailleurs, le rapport à l’héritage culturel et spirituel a radicalement changé entre le premier volet de la série et les deux derniers en date ; Luke lui-même détruit les livres fondateurs des Jedi et ne se comporte pas en véritable maître. Il semble que le passé ne passe plus… Comme si le film se faisait le miroir du refus contemporain de la transmission, entreprenant l’éloge très contemporain de la table rase.
Finalement, tout repose à l’avenir sur Rey. Le meilleur ou le pire ? Résultat à venir. Pour l’instant, elle s’affirme comme le seul et meilleur espoir du space opera mythique. Souhaitons que la Force soit avec elle !
Eric DELBECQUE est l’auteur de : Les super-héros pour les nuls (First)