Publié le 2 avril 2013 à 1h00 - Dernière mise à jour le 27 octobre 2022 à 16h12
Le conseil général vote une motion de soutien
Comme la Ville de Marseille l’avait fait quatre jours plus tôt, le conseil général des Bouches-du-Rhône a adopté à l’unanimité ce vendredi 29 mars une motion de soutien à la SNCM.
« C’est peut-être l’un des dossiers les plus importants que nous aurons à traiter. La SNCM, c’est plus de 2 000 emplois à Marseille et 800 en Corse. Nous n’avons pas le droit à l’erreur sur ce dossier » : l’observation est signée Jean-Noël Guérini (PS), président du conseil général des Bouches-du-Rhône, qui s’était déjà montré très offensif sur le sujet (cf. http://desabuzze.blogspot.fr/2013/01/vux-du-president-du-conseil-general.html) à l’occasion de ses vœux à la presse.
Comme la Ville de Marseille l’avait fait quatre jours plus tôt, la majorité départementale a proposé l’adoption d’une motion de soutien à la compagnie maritime lors de la séance du vendredi 29 mars. « Les menaces qui pèsent sur cette entreprise sont de deux natures principales : le renouvellement de la Délégation de service public (DSP) sur la continuité territoriale et l’incertitude liée à la composition de son actionnariat », explique le rapporteur de la délibération Loïc Gachon, conseiller général délégué à l’Economie. Sur le premier point, si le maire socialiste de Vitrolles a « plutôt de bons espoirs que les prochaines semaines apportent de bonnes nouvelles », il exprime cependant sa crainte que « cette DSP, car la Corse fait ses choix politiques, soit plutôt revue à la baisse ».
Quant à l’actionnariat, composé aujourd’hui de Veolia Transdev (66%), l’Etat (25%) et les salariés (9%), il souligne que « Veolia Transdev ne montre pas de volonté de s’engager sur la durée » aux côtés de la SNCM. « Transdev (NDLR : filiale de la Caisse des Dépôts et Consignations, elle-même émanation de l’Etat) a exprimé sa volonté de se dégager de la compagnie, laissant la SNCM à Veolia », poursuit-il. Une hypothèse qui suscite de grandes inquiétudes à l’heure où des investissements très importants sont nécessaires afin de moderniser la flotte de l’ancienne compagnie nationale, privatisée en 2006. « Il faut demander que l’actionnariat soit consolidé. La SNCM est un enjeu extrêmement fort, à la fois économique et social. Elle assure la desserte de la Corse et du Maghreb. Il faut que nous suivions ce dossier de manière très attentive », insiste Loïc Gachon.
« Que l’Etat maintienne son actionnariat »
La motion soumise aux votes de l’assemblée départementale propose ainsi d’exprimer « son soutien et sa solidarité aux marins et personnels pour la sauvegarde de leurs emplois » tout en exigeant « le maintien d’un service public de qualité pour assurer la desserte territoriale depuis Marseille ». Elle demande également au gouvernement « que l’Etat maintienne son actionnariat représenté par la Caisse des Dépôts et de lever toutes les incertitudes qui pèsent sur son avenir ». Enfin, elle sollicite le préfet de Région pour qu’il réunisse « une table ronde avec les représentants de la société, les représentants des organisations syndicales de salariés, le conseil régional Provence-Alpes-Côte d’Azur, le conseil général, la communauté urbaine Marseille-Provence et la Ville de Marseille afin que puissent être exposées et débattues les stratégies à même de garantir l’avenir et la pérennité de la SNCM ».
« C’est une motion que nous soutenons de toutes nos forces », indique d’emblée Martine Vassal (UMP). Alors que Veolia Transdev est une « société détenue à moitié par la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC) », la présidente du groupe « Avenir pour le 13 » observe que « le gouvernement semble sur le point de valider le transfert de la société entre les mains de Veolia Environnement ». « Or, ce transfert vers une entreprise sans rapport avec le secteur du transport maritime ne nous paraît pas de nature à garantir de manière durable les quelque 3 000 emplois directs – et autant d’emplois indirects – qui dépendent de cette société. Devant l’ampleur du danger qui se profile en pleine crise économique et financière, les collectivités doivent ensemble prendre leurs responsabilités en rappelant les siennes à l’Etat », insiste-t-elle.
Les inquiétudes liées à la future décision de la Cour de justice européenne
Et Martine Vassal d’aborder également deux autres points « qui nous inquiètent un peu plus ». « Même dans le cas où le groupement SNCM-CMN se verrait reconduit par la Collectivité territoriale de Corse (CTC), il va y avoir une diminution des subventions perçues dans le cadre de la DSP qui exclut l’usage des ferries pour imposer celui des seuls cargos mixtes », note-t-elle. La présidente du groupe « Avenir pour le 13 » évoque aussi le jugement du Tribunal de l’Union Européenne (UE) datant du 13 septembre 2012. Saisi par Corsica Ferries, il a annulé les décisions de la Commission européenne validant en 2008 de manière rétroactive l’aide accordée par l’Etat à la SNCM en 2002 et le plan de recapitalisation mis en œuvre en 2006 au moment de la privatisation de la société. L’instance judicaire européenne a alors estimé que la Commission avait mal apprécié la nature de ces transferts et aurait dû les interdire comme aides d’Etat susceptibles de fausser la concurrence. Si l’appel devant la Cour de justice de l’UE est en cours d’instruction, ce sont « 200 M€ qui pourraient être remboursés par la SNCM ». « Nous sommes inquiets pour la situation financière de la SNCM qui n’est déjà pas folichonne », souligne Martine Vassal. Sans oublier que la Commission européenne a également ouvert en juin 2012 une enquête, sans lien avec sa décision de 2008, visant à déterminer si les compensations perçues par le groupement SNCM-CMN dans le cadre de la DSP attribuée par la CTC pour la période 2007-2013 sont conformes aux règles européennes. Là encore, une conclusion négative mettrait en péril la survie de la SNCM.
La présidente du groupe « Avenir pour le 13 » indique par ailleurs que « comme il l’avait fait en 2006, au moment où se posait la question de la privatisation totale de la SNCM et où son intervention avait été décisive pour que l’Etat conserve finalement une part importante dans son capital, le sénateur-maire de Marseille Jean-Claude Gaudin s’apprête à prendre contact, à la tête d’une délégation municipale, avec le Premier ministre Jean-Marc Ayrault dans le but de solliciter l’intervention de l’Etat ». Et d’estimer ainsi que si la saisine de la préfecture, c’est « très bien », « aujourd’hui, il faut aller plus loin, plus vite et aller voir directement le Premier ministre ».
« Nous nous battons pour que le siège social de la compagnie reste à Marseille »
S’il reconnaît que le vote de cette motion s’inscrit dans le but d’avoir « des démarches concertées, articulées si ce n’est communes » entre les différentes collectivités locales, Loïc Gachon insiste sur le fait que le conseil général en est à un stade d’intervention différent du niveau européen. « Il s’agit d’une action aux dimensions particulières qui vise à interpeller le préfet de Région, représentant de l’Etat dans la Région », argumente-t-il.
Jean-Marc Charrier (PCF) soutient également cette initiative du conseil général. « Le port constitue un poids économique de ce département. Nous sommes attachés à la SNCM et au fait que la DSP parte de Marseille et pas d’autres ports. Nous n’avons pas besoin dans ce département d’avoir une situation qui se dégrade. Il est important que l’Etat prenne toute sa place dans ce dossier », plaide le président du groupe communiste.
Jean-Noël Guérini juge pour sa part qu’il faut désormais que « la collectivité corse assume ses responsabilités » alors que le groupement SNCM-CMN a déposé sa candidature commune pour remporter la DSP sur la période 2014-2023. « Nous nous battons pour que le siège social de la compagnie reste à Marseille, nous souhaitons que soit renouvelée la DSP et que les lignes vers le Maghreb continuent à exister. Nous demandons au préfet de Région une table ronde avec l’ensemble des partenaires car il est important de consolider le pacte d’actionnaires », souligne le président du conseil général.
La motion sera adoptée à l’unanimité.
Serge PAYRAU