Publié le 30 janvier 2018 à 18h47 - Dernière mise à jour le 28 octobre 2022 à 17h55
C’est une année satisfaisante pour le Port de Marseille-Fos, et pour cause : le port a su diversifier ses activités et compenser intégralement l’arrêt attendu des imports de brut. Il voit la plus grande partie de ses indicateurs s’afficher au vert, et ce n’est pas fini, puisque sa politique d’investissement devrait lui permettre de continuer à ménager les conditions de l’épanouissement de la plupart des trafics.
Des visites ministérielles régulières sur les bassins en 2017, un premier MedPorts Workshop au siège du port de Marseille-Fos, un prix obtenu à Singapour avec MGI pour le système Ci5, une adhésion de Marseille-Fos – qui s’est positionné sur la question de l’avitaillement des navires en GNL – au LNG Group aux côtés de 10 autres ports mondiaux, et, dernier point mais non le moindre, l’engouement des grands noms internationaux de l’architecture, de l’hôtellerie et de la finance pour l’aménagement du J1, dont l’appel à projet vient de se clore ce 9 janvier avec quelque huit candidats positionnés : c’est un fait, le GPMM change doucement mais sûrement d’image et de dimension. C’est peu dire qu’il rayonne en effet, et qu’il gagne aujourd’hui sa place en termes de renom sur l’échiquier international. De bon augure pour les ambitions visées par Christine Cabau-Woehrel, présidente du directoire du port de Marseille Fos et Jean-Marc Forneri, président du conseil de surveillance du Grand Port Maritime de Marseille (GPMM) qui n’ont de cesse de rêver le GPMM en gateway alternatif sur la place européenne, face à des ports du Nord, Rotterdam en tête, dont les axes routiers attenant sont toujours plus saturés et engorgés.
Reprise des vracs liquides pour 2019 ?
Force est de constater que l’atteinte de cette nouvelle dimension n’appartient pas au hasard. Elle résulte de la stratégie mise en place par le port depuis près de deux ans, axée sur une diversification sans phare de ses activités. Il faut dire que nécessité fait loi : l’arrêt par Total de ses imports de bruts à la raffinerie de la Mède, le groupe entamant sa reconversion vers les biocarburants, a quelque peu conduit le Port à trouver de nouveaux relais de croissance. Au vu des résultats 2017, le challenge est en passe d’être remporté. Hors vracs liquides, touchés donc de plein fouet par la baisse de la filière hydrocarbures, le Port enregistre une hausse de 8% des trafics. Ils s’élèvent, toutes marchandises confondues, à 81 MT, un chiffre équivalent à celui de l’année précédente. Le port de Marseille Fos est donc resté stable sur le fret, malgré un recul des vracs liquides (-5%). Il est à noter que les biocarburants, en hausse de 12% ont permis en partie de contenir les impacts négatifs de l’arrêt de l’import de brut… Mais, en partie seulement : le GNL, en baisse de 6% n’a quant à lui pas tenu ses promesses et sa reprise se fait attendre. «Pour la filière des vracs liquides, on devrait donc retrouver la stabilité en 2018, la croissance n’étant prévu qu’un an plus tard, en 2019», évalue la présidente du directoire. En attendant, Marseille Fos enregistre en 2017 une perte de 2,7 MT traités en vracs liquides mais, en regagne 2,7 MT par ailleurs grâce aux autres filières, qui connaissent toutes l’embellie. Quels ont donc été ces autres relais de croissance ?
Un trafic conteneurs qui explose
Le GPMM a misé sur les marchandises diverses, en hausse de 11 % et notamment les conteneurs, qui avec une progression de 10% enregistrent un nouveau record de 1,4 million d’EVP traités. Pour Christine Cabau Woehrel, «le phénomène est plus structurel que conjoncturel. A l’issue de la reconfiguration des grandes alliances, le port de Marseille-Fos a été bien servi. L’ouverture de trois lignes supplémentaires sur les bassins de Marseille y est aussi pour beaucoup». Autres trafics en hausse, celui des activités remorques (+11%), automobile (+18%) et conventionnel (+19%). Conventionnel qui ne devrait pas stopper cette belle course vers la croissance, avec la mise en service l’année dernière à Fos d’un ponton ro-ro dédié aux colis lourds, «une infrastructure unique en son genre, nous attendons en 2018 une nouvelle hausse de cette activité grâce à cet outil», table encore la présidente du directoire. Les vracs solides non plus ne font pas grise mine, dans un contexte européen pourtant maussade. En revanche, les trafics en berne l’année dernière, à savoir la sidérurgie et les céréales, se portent mieux. La première renoue avec le dynamisme, notamment grâce aux imports de matières premières destinées à l’usine ArcelorMittal, qui, en cumul, progressent de 11% par rapport aux douze mois de 2016. L’agro-alimentaire lui aussi commence à reprendre des couleurs, le trafic des céréales à l’export à nouveau en hausse depuis la fin de l’été. Une performance déjà meilleure qu’en 2016 donc, mais peut mieux faire…
Davantage de croisiéristes en 2018
Du côté des passagers, les prévisions pour 2018 sont à l’optimisme, après une année précédente en très léger recul, à -1%, avec un total de 2,7 millions de passagers enregistrés. Derrière ce chiffre, plusieurs phénomènes : un tassement de l’activité croisières tout d’abord (-7%), «un palier temporaire» pour la présidente. C’est le fait de la cessation de l’activité de Croisières de France et d’un repositionnement différent de leurs paquebots par certaines compagnies américaines, ce dernier conduisant fatalement à une baisse du nombre d’escales. Pour autant, l’embellie est attendue en 2018 avec une centaine d’escales supplémentaires programmées (530 contre 430 l’année dernière) et la prévision de quelque 1,75 million de croisiéristes. Autre phénomène, celui-ci positif et venant compenser, malgré tout, cette contraction de l’activité croisières, une belle croissance des lignes régulières, à +7%, avec un total de 1,2 million de passagers. La stratégie commerciale de Corsica Linéa semble donc porter ses fruits. «On repart à la croissance après la sortie d’une période troublée, marquée par la reprise de la SNCM ». Et l’offre de ferrys vers la Corse poursuit sa progression cette année… Bref, les prévisions pour 2018 sont à l’optimisme pour cette activité, d’autant que les aménagements réalisés par le GPMM autour de la mise en exploitation de la forme 10, «la troisième plus grande forme du monde», avance Christine Cabau Woehrel, permettent désormais d’ouvrir la réparation navale aux très grandes unités. « Entre octobre et décembre, trois paquebots ont déjà été accueillis avec la CNM », précise-t-elle.
Quechen plante le camp
Ainsi la réparation navale caracole-t-elle également, avec une hausse de +8% de ses activités en 2017 et 98 navires traités… Il en est de même pour la logistique, puisque l’engouement autour des espaces offerts aux opérateurs demeure une réalité : Wlife et Virtuo ont signé tous deux des promesses de vente pour la construction d’entrepôts, Mediaco Vrac va doubler ses capacités logistiques et Idec Life poursuit la commercialisation de 130 000 m² sur le site de la Feuillanne. Au total, ce ne sont pas moins de 55 hectares qui ont été développés et commercialisés… 2018 se profile sous les mêmes auspices. Pour preuve, un nom et un seul : Quechen, n°3 mondial de la silice qui vient de trancher en faveur de Marseille Fos et implantera son site européen sur le site de Piicto. D’autres suivront vraisemblablement le mouvement de l’asiatique, en tout cas le GPMM avance tout faire pour : «Nous allons lancer cette année un grand nombre d’appels à projet», annonce Jean-Marc Forneri. Notamment un appel à manifestation d’intérêt sur 11 hectares au Nord de la Darse 3, pour les véhicules neufs.
Le multimodal a le vent en poupe
Et puis, Marseille Fos porte aussi son regard vers le multimodal. Avec succès. Ainsi le GPMM peut-il revendiquer avec Medlink Ports le statut de premier ensemble portuaire de France, avec 130 MT sur l’axe Méditerranée-Rhône-Saône. C’est surtout le ferroviaire qui tire son épingle du jeu, fort d’une progression de 14%. Sur le seul bassin de Fos, il représente en 2017 un nombre record d’EVP traités (140 000) et une évolution de 26%. Le ferroviaire, véritable outil de pénétration de l’Hinterland du GPMM? Il semblerait, d’autant que cette dynamique ne va pas s’arrêter là : c’est ni plus ni moins que la Suisse Romande qui ouvre à présent ses bras au GPMM. Une nouvelle navette ferroviaire se met en effet en place, une triangulaire en partenariat avec le port du Havre et l’opérateur de transport combiné Naviland Cargo. « Il s’agit d’un accès à un développement de l’Hinterland européen», observe Christine Cabau Woehrel. Un pas supplémentaire pour «être un port qui compte dans l’organisation de transports massifiés. Les prochaines étapes seront l’Allemagne et l’Europe centrale.» Ainsi le GPMM sait-il ménager des conditions favorables à la diversification de ses activités, premier pas vers la croissance. Il le fait notamment en poursuivant sa politique d’investissement (82 M€ prévus en 2018 contre 47,8 M€ en 2017). Parmi les travaux programmés, le comblement de la rotule qui sépare les terminaux de Fos, lancé en 2018, la poursuite des travaux du terminal international du Cap Janet, qui sera livré en 2020… Une stratégie qui porte ses fruits : Marseille Fos devrait en effet enregistrer une progression de son chiffre d’affaires de l’ordre de 7,3% par rapport à 2016, à 160 M€.
Carole PAYRAU