Publié le 16 février 2018 à 23h20 - Dernière mise à jour le 28 octobre 2022 à 17h57
Peu après avoir créé, il y a cinq ans, son orchestre romantique « Insula orchestra », Laurence Equilbey nous confiait qu’elle voulait explorer une vaste littérature entre Mozart et Weber afin de mettre en valeur les qualités des musiciens et le son unique qu’ils mettent en place en jouant leurs instruments d’époque. Depuis 2012 la directrice musicale a eu l’occasion de faire triompher sa phalange musicale à de nombreuses reprises et un peu partout dans le monde avec des programmes symphoniques et lyriques. Pour son dernier concert en date au Grand Théâtre de Provence, Laurence Equilbey avait choisi de diriger le « Triple concerto » de Beethoven et la Symphonie n°3 de Louise Farrenc.
Solistes du «triple» qui sera enregistré à Paris en cette fin de semaine, la violoniste Alexandra Conunova, découverte au cours d’un précédent Festival de Pâques ici même, la violoncelliste Natalie Clein et David Kadouch au piano. La jeunesse au pouvoir pour une interprétation solide, «dans son jus» avec un son rond pour une interprétation très structurée ; David Kadouch jouait un Pleyel d’époque conférant à ses soli une pâte sonore en parfaite adéquation avec les couleurs de l’orchestre. Apprécié, aussi, le jeu d’Alexandra Conunova, tout de finesse et de précision. Mais, le grand moment de découverte de la soirée sera cette Symphonie n°3 de Louise Farrenc, compositrice française du 19e siècle, épouse d’Aristide, un éditeur de musique marseillais. Elles ne sont pas légion les compositrices françaises à cette époque et Laurence Equilbey a très bien fait de présenter au public celle qui fut l’une des premières femmes à enseigner au Conservatoire de Paris et a obtenir… un salaire identique à celui de ses collègues hommes. Si l’audition de cette symphonie était une réelle découverte, les mélomanes aixois se sont souvenus qu’il y a quelques saisons, au Théâtre du Jeu de Paume, le flûtiste Philippe Bernold avait proposé «Nonette» l’une des plus belles pièces de musique de chambre de la compositrice. Déjà les qualités de la partition avaient séduit. Et mardi, à l’issue de l’interprétation de la Symphonie n°3 ces qualités étaient tellement évidentes que l’on s’est mis à regretter que la dame n’ait pas laissé plus de trois symphonies à la postérité. Louise Farrenc écoute ses contemporains, picore çà et là quelques idées et livre quatre mouvements solides, harmonieux et élégants, mettant en valeur tous les pupitres avec un petit plus pour les vents. De très beaux moments de musique sont parfaitement mis en valeur par la direction souple et délicate de Laurence Equilbey qui fait jaillir toutes les nuances et les couleurs de la partition en exploitant les qualités des instrumentistes… et, de leurs instruments. On ferme les yeux et on écoute…Transportés que nous sommes au beau milieu de ce 19e siècle si riche, musicalement. Quant à Louise Farrenc, elle mérite amplement cette mise en lumière et on rêve désormais de l’enregistrement de ses trois symphonies… Par « Insula orchestra » et Laurence Equilbey ? Pourquoi pas…
Michel EGEA