Publié le 2 avril 2018 à 21h54 - Dernière mise à jour le 28 octobre 2022 à 18h40
Lorsque Samuel Barber compose son Adagio pour cordes, cela fait presque quarante ans que Mahler a composé sa Symphonie n° 5 et son célèbre adagietto. A l’écoute des deux partitions les similitudes sautent aux oreilles et la mélancolie climatique qui préside aux deux œuvres est identique. Le dimanche de Pâques a beau être un jour de joie, c’est par cette pièce que le philharmonique de Lucerne, sous la direction de son chef principal James Gaffigan, avait décidé d’ouvrir sa soirée avant de la poursuivre par le concerto pour violoncelle en mi mineur d’Edward Elgar composée au sortir de la 1ère guerre mondiale par un musicien convalescent et la Symphonie n°2 de Brahms dont il disait qu’il n’avait «jamais rien écrit d’aussi triste». Autant dire que pour la joie il faudra repasser. Mais pour la qualité des interprétations, il était impératif d’être présent. Les mélomanes ne s’y étaient pas trompés qui avaient permis au Grand Théâtre de Provence d’afficher complet, ou presque. Émotion, mélancolie, passion: rien n’a manqué et dès les premières vagues de l’adagio de Barber les frissons sont arrivés. Il faut dire que cette partition est propre à tirer des larmes de la pierre la plus dure; James Gaffigan le sait bien qui a joué en permanence avec les couleurs des cordes du plus ancien orchestre philharmonique suisse. Une belle entrée en matière. Le concerto pour violoncelle d’Elgar est sombre, froidement réaliste à la sortie d’un conflit terrible où des milliers de jeunes gens sont tombés. Devant l’orchestre, le violoncelle est omniprésent. C’est lui qui impulse les sentiments et le côté dramatique à la pièce. Dimanche c’est Truls Mørk qui était de service. L’immense et talentueux Truls Mørk, virtuose concentré, soliste lumineux, puissant, qui a su procurer toute sa charge émotionnelle à cette partition avant de revenir au «père», Jean-Sébastien Bach, pour un bis en forme de décompression indispensable. Barber et Elgar ce dimanche soir, Franck et Strauss jeudi dernier: Renaud Capuçon n’hésite pas à ouvrir de nouvelles portes de programmation pour son festival de Pâques et c’est tant mieux. Pour clôturer la soirée, l’orchestre de Lucerne au grand complet était réuni pour donner la Symphonie n°2 de Brahms. Une partition maitrisée par James Gaffigan, sautillant, et à la gestuelle ample et efficace. Direction toute de nuances et de précision à laquelle les musiciens ont répondu à la perfection pour conférer couleurs et romantisme à l’œuvre. Aux cordes qui avaient déjà eu l’occasion de briller un peu plus tôt, sont venus se rajouter les vents et les percussions largement récompensés par les saluts du public. Encore un beau moment de musique.
Michel EGEA