Publié le 16 avril 2018 à 0h33 - Dernière mise à jour le 28 octobre 2022 à 18h41
Renaud Muselier, Président de la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur a dévoilé ce vendredi 13 avril, en présence d’Aurore Bruna, Présidente du Conseil de Coordination des Organisations Arméniennes de France (CCAF)- Sud, une plaque commémorative du génocide arménien sur la façade de l’Hôtel de Région. À cette occasion, des élèves du Lycée Hamaskaïne ont lu des textes sur la rafle des intellectuels du 24 avril, la déportation et l’arrivée à Marseille.
«Pour qu’un deuil réel soit possible, la mémoire doit permettre de surmonter les clivages et rassembler. A la Turquie, aux négationnistes, nous n’avons qu’un mot à dire et répéter : c’est lorsqu’un peuple regarde son passé en face qu’il est le plus grand. Prenez le chemin de la grandeur plutôt que de vous enfoncer dans celui du déni, de la menace et de la peur», déclare Renaud Muselier. Aurore Bruna d’ajouter: «Comme l’Allemagne en son temps, la Turquie doit se grandir en reconnaissant et en réparant ce crime. C’est cette reconnaissance qui fera de la Turquie une démocratie. Mais hélas, la Turquie n’a pas rompu avec le nationalisme, l’obscurantisme et le racisme envers ses minorités. Vous me direz: la Turquie ne massacre plus les Arméniens, aujourd’hui elle massacre les Kurdes…».
«Vous en êtes le fruit magnifique et resplendissant»
«Nous nous réunissons, poursuit le Président de Région, pour commémorer un fait historique majeur qui porte un nom, il est tragique: le génocide des Arméniens. Vous savez, mieux que personne, les circonlocutions, les lâchetés de langage, les petitesses dont ont été capables certains depuis des décennies pour éviter de prononcer ce nom». Il rend hommage «à celles et ceux, présents ce soir, qui sont le fruit de ces 103 années de présence arménienne en France, en Provence-Alpes-Côte d’Azur, à Marseille. Vous en êtes le fruit magnifique et resplendissant». Pour Aurore Bruna, «cette plaque dévoilée est synonyme de reconnaissance et de solidarité de la Région. Nous y sommes très sensibles, d’autant que toutes les avancées de la cause arménienne sont parties de Marseille». Renaud Muselier ne manque pas de rappeler que la France, sous la présidence de Jacques Chirac, a reconnu en 2001 le caractère génocidaire de ce crime. Il revient sur l’Histoire: «Un plan concerté visant à la destruction méthodique d’un groupe humain». Et de décrire: «L’annihilation des élites arméniennes sous de faux prétextes de trahison et de révolte, puis l’élimination de la population arménienne à travers toute l’Anatolie. Les hommes étaient fusillés. Les femmes et les enfants étaient déportés vers la Syrie, forcés à des marches de la terreur et de la mort à travers le désert. Tous sans exception ont connu la famine, la soif, les traitements les plus indignes. Ils ont tous connu le traumatisme de l’exil par la violence et la haine. Tous, sans exception, et jusqu’à leurs descendants n’oublieront jamais aux tréfonds de leurs âmes ce chiffre abominable qui doit encore nous faire tressaillir : 1 million et demi de morts».
«Notre région Provence-Alpes-Côte d’Azur entretient avec l’Arménie des liens bien particuliers»
Souligne que la Région entretient avec l’Arménie «des liens bien particuliers». «30 ans après le tremblement de terre de 1988, rappelle-t-il, l’Institution régionale peut être fière d’avoir apporté son soutien financier, politique et humain à de nombreuses initiatives arméniennes» Cite l’accord-cadre de coopération signé avec le Gouvernorat de Lori autour de priorités de coopération: prévention des risques, développement économique, formation, éducation et culture ainsi que le tourisme et la santé. Et annonce que cette année «un nouvel accord de coopération recentré autour des questions d’environnement et de lutte contre le changement climatique sera signé.» «Nous allons également, ajoute-t-il, participer à un projet de promotion touristique du pays Toumanian, qui comprendra l’aménagement du monastère d’Akhtala, notamment grâce au retour d’œuvres arméniennes qui sont aujourd’hui conservées au sein du musée d’Archéologie de Saint-Germain-en Laye». Il ne manque pas d’évoquer son combat en 2011 «pour défendre le texte de loi pénalisant la contestation de tout génocide.» «Et c’était bien la moindre des choses. Il n’est pas imaginable, pas acceptable un seul instant que le négationnisme trouve sa place dans le dialogue républicain. La commémoration qui nous rassemble ne refermera pas la blessure», insiste-t-il. Il dévoile également qu’il se rendra à Erevan et en Lori en fin d’année pour une visite officielle de plusieurs jours.
«La loi française doit protéger les citoyens français que nous sommes»
Aurore Bruna parle de Marseille «mère nourricière de nombreux rescapés ayant fui l’horreur du premier génocide du XXe siècle. C’était notre peuple, nos arrières grands parents, nos grands-parents. Massacrés, déportés, brûlés, décapités, parce qu’ils étaient Arméniens. Dans la folie nationaliste du mouvement Jeune Turc, un peuple a été génocidé sur ses terres ancestrales en 1915, dans un crime moderne, prémédité et méthodique». Elle s’insurge: «Comment peut-on supporter que des journalistes français dénonçant les négateurs de l’Histoire se trouve devant les tribunaux français? Comment peut-on supporter qu’une conférence à Dreux puisse s’intituler: génocide des Arméniens et si on nous avait menti? On ne peut pas le supporter parce que c’est insupportable». Souligne les propos du Président de la République lors du dernier dîner du CCAF: «Il s’était engagé à ce que la représentation nationale se ressaisisse à ce sujet. Monsieur le Président n’oubliez pas vos promesses. La loi française doit protéger les citoyens français que nous sommes».
«A Afrin, au nord de la Syrie, Erdogan s’attaque à nos alliés de la coalition contre Daesh»
Aurore Bruna dénonce l’intervention de la Turquie à Afrin, au nord de la Syrie. «Erdogan s’attaque à nos alliés de la coalition contre Daesh dans l’opération « Rameau d’olivier ». Rameau d’olivier, quel cynisme». Elle parle également des 55 000 personnes incarcérées, des médias fermés, la détention de citoyens européens dont des journalistes européens. Elle poursuit sa critique envers le Président Erdogan qui «déclare contre-nature l’égalité Homme-Femme, qui choisit comme ambassadeur en France le principal acteur de la livraison de camions d’armes à Daesh… Et c’est avec cet autocrate que nous négocions l’entrée de la Turquie dans l’union européenne? Au titre des fonds d’aide à l’élargissement, de 2007 à 2020, l’UE a versé, verse et versera 10,5 milliards d’euros. Dont 3 milliards alloués pour les migrants dans un chantage éhonté. Cet argent ne va pas vers la société civile mais vers l’État turc. Que la Turquie progresse ou non dans ses réformes et dans sa démocratisation, elle reçoit de l’argent». Aurore Bruna conclut: «L’Arménie est toujours prise en étau. Le fidèle allié de la Turquie, l’Azerbaïdjan viole régulièrement le cessez-le-feu sur sa frontière avec l’Arstak et refuse le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Cet autre dictateur, Aliev, prône un racisme anti-arménien revendiqué dont les victimes sont les jeunes, les jeunes soldats arméniens. Leurs cadavres sont rendus aux familles mutilés, démembrés, décapités au mépris des conventions internationales».
Michel CAIRE